Abraham, Loth et sa femme, trois itinéraires spirituels
par Reynald KOZYCKI
Parfois la question de l’assurance ou non du salut devient une sorte de débat stérile où nous argumentons à coup de versets bibliques notre conviction. Sans parler explicitement de la «perte du salut», il me semble que la parole de Dieu contient un grand nombre de mises en garde écrites pour nous éviter la voie large qui mène à la perdition. Se poser trop souvent la question de notre assurance du salut peut parfois présenter un caractère pathologique ou attester à quel point nous pouvons être la cible de celui qui accuse jour et nuit (Ap 12.10) ; pourtant, ignorer cette réalité peut s’avérer fatal. A partir de trois personnages de la Genèse, je propose de tenter de définir différents types de «chrétiens» : deux seront accueillis, l’autre rejeté.
Abraham
Abraham me paraît être, malgré les quelques lacunes de sa vie, le type même du chrétien spirituel. Il est un exemple vivant de celui à qui les portes du Royaume éternel seront grandes ouvertes (2 Pi 1.11). Il a su, dès le moment de son appel, obéir sans même savoir où il allait (Hb 11.8). Il fit confiance à Dieu dans des moments difficiles, à cause de cela, l’Eternel le déclara juste (Gn 15.6, Semeur). Il a montré son détachement (relatif) des choses de ce monde, en laissant à Loth le choix de la meilleure contrée (Gn 13.9-12), en étant prêt à offrir son fils (Gn 22), en attendant la cité qui a de solides fondements, celle dont Dieu est l’architecte et le constructeur (Hb 11.10). Placé en présence de Dieu, il mit sa confiance en celui qui donne la vie aux morts et appelle à l’existence ce qui n’existe pas. Alors que tout lui interdisait d’espérer, il a espéré et il a cru… Rm 4.16-18.
Abraham est un exemple de ces sarments qui portent du fruit, et qui ne seront pas brûlés (Jn 15.2), l’exemple de ces fidèles serviteurs à qui le Seigneur dit d’entrer dans la joie de leur Maître, de ceux qui n’auront pas aimé leur vie pour recevoir la vie de Dieu (Mt 16.24-25), l’exemple de ceux qui auront bâti leur vie avec des matériaux résistant à l’épreuve du feu (1 Co 3.14)…
Loth
Loth, neveu d’Abraham, est beaucoup plus proche du «christianisme évangélique» auquel nous sommes habitués. Homme pragmatique, il préfère se faire une bonne situation dans la grande ville de Sodome, puisqu’il est « assis à la porte de la ville » (Gn 19.1), signe très probable de sa réussite sociale. Sa foi ne semblait pas être prise au sérieux, notamment par ses gendres lorsque les trois anges viennent le chercher pour échapper à la destruction de Sodome : les maris de ses filles prirent ses paroles pour une plaisanterie (19.14) ; peut-être avait-il un sens de l’humour très développé. Son habitude à certains compromis l’amena même à négocier avec les anges pour qu’il n’ait pas à monter sur la montagne, mais simplement à s’arrêter à Tsoar (19.17-22).
Malgré le côté assez « charnel » de la vie de Loth, certains signes attestent une foi authentique. Pierre, inspiré par l’Esprit, affirme que cet homme juste était consterné par la conduite immorale des habitants débauchés de ces villes (2 Pi 2.7).
Lorsque l’ange insiste pour qu’il ne se retourne pas au moment de la destruction, il obéit et va de l’avant, alors que nous connaissons l’attitude de sa femme. (Gn 19.17, 24-26).
Loth est comme un exemple de l’enfant de Dieu qui n’a pas pu grandir dans sa foi. L’esprit est bien disposé, la chair est faible. « Dieu en premier », au moins dans le principe… car, dans le quotidien, c’est une autre histoire. S’investir pour Dieu, oui, mais…
Heureusement pour lui, il est arraché littéralement du feu. Peut-être pourrions-nous faire un parallèle avec 1 Co 3.15, à propos de cet homme sauvé, mais tout juste, qui réussit à échapper au feu opposé à ceux dont les matériaux de construction résisteront à l’épreuve du feu, et qui recevront une récompense (3.12-14).
La femme de Loth
Nous continuons le decrescendo avec ce curieux personnage 1 . Nous savons peu de choses sur la femme de Loth. Elle devait, comme son mari, vivre une certaine foi en Dieu. Bien-sûr, ce ne devait pas être la grande priorité de sa vie. Néanmoins, elle suit. Au moment de quitter Sodome, elle emboîte le pas à son mari et à ses deux filles. En revanche, après avoir entendu l’avertissement solennel de l’ange adressé à Loth : Sauve-toi ! Il y va de ta vie, ne regarde pas derrière toi et ne t’arrête nulle part dans la plaine, la tentation est trop grande lorsque le bruit du soufre enflammé résonne sur Sodome. Si la rupture physique s’est opérée d’avec cette ville, son coeur semble y être resté. La femme de Loth regarda derrière elle et fut changée en une statue de sel (Gn 19.26).
Jésus nous dit, dans un contexte de fin des temps : Souvenez-vous de la femme de Loth, celui qui cherchera à préserver sa vie, la perdra ; mais celui qui la perdra, la conservera (Lc 17.32-33).
Peut-être est-ce aussi en écho à cet événement que Jésus nous avertit : Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière est impropre au Royaume de Dieu (Luc 9.62, version Jérusalem). J’oserai dire que la femme de Loth est l’exemple d’un christianisme qui en a la forme sans en avoir le fond. L’exemple d’une personne disant Seigneur, Seigneur, mais ne faisant pas la volonté de Dieu (Mt 7.21). Un peu comme Loth, sauf que l’insensibilité spirituelle lui fait franchir la limite du non tolérable aux yeux de Dieu.
Il est vrai que nous ne pouvons pas être sauvés en dehors du terrain de la grâce de Dieu, néanmoins cette grâce nous presse à vivre de manière différente dans notre quotidien (Tt 2.11-12).
Est-il possible de développer une véritable assurance du salut ?
Presque chaque page de la Bible contient des exhortations à comprendre la responsabilité qui nous incombe à vivre pour Dieu (et bien sûr en aimant notre prochain). Pierre la résume dans sa deuxième épître lorsqu’il nous invite dans un premier temps à nous rappeler que Dieu nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété par sa grâce. A cause de cela, il ajoute que nous devons concentrer tous nos efforts, pour joindre à notre foi la vertu, à la vertu la connaissance… (2 Pi 1.5 version TOB) ; ainsi, au verset 11, il vous sera généreusement accordé l’entrée dans le Royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.
En conclusion, je pense que nous devons prendre très au sérieux les nombreux avertissements décrivant un rejet possible du « chrétien de nom ». Pourtant, en cherchant à nous donner sans réserve à notre Seigneur, il développera lui-même, par Son Esprit, cette assurance qui atteste que nous sommes enfants de Dieu et nous fait crier intérieurement : « Abba Père » (Rm 8.15-16).
R.K.
NOTE
1. N’allez pas voir une ombre de misogynie dans le choix des personnages. Deux hommes sauvés et une femme « rejetée ». Bien entendu, la question du salut authentique dépasse totalement ce genre de considération.
Questions possibles pour une étude en groupe
Travail préliminaire : Parcourir cet article (et les suivants) et lire Gn 11.27-12.9 ; 13 ; 15.1-6 ; 19.1-26 ; 22.1-18 ; Rm 4.16-22 1 Co 3.12-15 ; Hb 11.8-19 ; 2 Pi 1.1-11.
Question 1 : Lire au moins Mt 7.21 et Rm 8.15-16.
Question 2 : Lire au moins Rm 4.16-18 et 2 Pi 1.10-11.
Question 3 : Lire au moins Gn 19.14.26 ; 1 Co 3.12-15.
Question 4 : Lire au moins Ge 19.26 ; Luc 17.32-33 et Luc 9.62.
Question 5 : Lire Rm 8.15-16 et 2 Pi 1,3-11. |