Quand un proche n’est plus là…
par Marie-Christine FAVE
Gisèle, la maman de Jean-Luc Trinchéro été renversée et tuée par une camionnette. Cela remonte à deux ans environ.
Jean-Luc, cette tragédie a bouleversé ta vie et a dû susciter beaucoup de «pourquoi» ?
J.-L. : Oui et non. Oui : « Pourquoi ces circonstances ? Pourquoi est-elle partie si rapidement ? » Et non aussi, car Dieu étant souverain, c’était le moment de Dieu.
Ta maman a laissé un grand vide.
J’ai perdu mon père assez tôt. Elle nous a éduqués mon frère et moi. Ma mère était une référence pour la famille.
Y a-t-il des moments plus difficiles que d’autres ?
C’est par vagues. Des choses qui reviennent tout d’un coup. Ce qui est difficile, c’est de toucher aux affaires de la personne décédée. On a l’impression de toucher à l’intimité de la personne. C’était dur la première fois où on est entré dans son appartement.
Il y a deux choses pénibles à vivre :
- le deuil lié au départ de la personne ;
- la fatigue, le stress, la pression provoqués par les démarches administratives. Ce côté est lourd, pénible. A chaque fois, on retourne le couteau dans la plaie.
Qu’est-ce qui t’a réconforté ?
D’une part, ma femme. D’autre part, de voir l’impact que ma mère avait eu au sein de la famille. Voir l’intervention de Dieu dans le message, dans les témoignages, le jour de l’enterrement m’a fait beaucoup de bien. Ce qui m’a réconforté, c’est de savoir que ma mère était prête. La veille même de l’accident, elle a apporté (avec une amie) ses craintes à Dieu, elle a remis ses enfants à Dieu.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui passe par un deuil ?
Ce n’est pas évident, cela dépend des circonstances. Ne pas forcément essayer de tout comprendre tout de suite. Croire que Dieu est souverain : Il connaît ce qui s’est passé, que c’est le moment pour cette personne. S’en remettre à Dieu : « Seigneur, donne-moi ta paix pour que je puisse affronter ce qui vient de se passer ».
De temps en temps, en reparler, çà permet d’évacuer. J’en reparle à ma fille. Il faut qu’elle puisse évacuer.
Merci à Jean-Luc Trinchero, ébéniste à Grenoble, pour ce témoignage.
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Suzanne Tabailloux a perdu son fils Frédéric, d’années, et son mari Marcel, il y a quelques mois.
Suzanne, comment continuer à vivre quand un proche n’est plus là ?
Ce furent deux situations différentes. Pour Frédéric, la perte subite porta un coup terrible, c’était d’autant plus dévastateur. Quant à Marcel, il déclinait de jour en jour. Pour moi, le deuil s’est fait d’une manière progressive. La mort d’un fils est totalement différente de celle d’un conjoint, d’un père, d’une mère. Il semble qu’une partie de soi-même soit morte avec. Il faut plusieurs années pour évacuer cette souffrance vive, pour laisser la place à la paix que Dieu donne au fur et à mesure que les années passent. Maintenant, quand je regarde la photo de Frédéric, j’ai une grande paix parce qu’il est tellement bien là où il est. Plus aucun malheur ne lui arrivera jamais.
Quels ont été les moments les plus difficiles ?
Le réveil, le matin, la première pensée qui vient à l’esprit avec les larmes : « Ton fils est mort. C’est fini. Tu ne le verras plus à côté de toi ». C’est terrible ce vide. Heureusement, grâce à Dieu, ça ne durait pas toute la journée. Et les fêtes de famille, de Noël, où il y a toujours une chaise vide. C’est là qu’on ressent davantage l’absence de la personne tant aimée et qu’on aime encore, mais nous nous retrouverons un jour.
Le moment le plus difficile pour Marcel est celui où il est parti de chez nous pour aller en maison médicalisée. J’ai commencé ce jour-là à faire le deuil de Marcel. C’était difficile de rentrer le soir et de trouver la maison vide. Quand il a fermé les yeux, je me suis dit : « il est enfin libre ». Ce deuil a été suivi d’une grande paix tout de suite. C’était la fin d’une agonie. Pour Marcel, le jour de sa mort, c’était un jour de délivrance.
Qu’est-ce qui te réconforte aujourd’hui ?
D’avoir été entourée par la famille, et les frères et sœurs, au décès de Marcel, cette affluence de lettres, de coups de téléphone ; nous n’étions pas oubliés, mais au contraire « portés ». C’était réconfortant de savoir que tant de frères et soeurs priaient pour nous pendant ces moments difficiles. On n’est pas seuls.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui passe par un deuil ?
Surtout ne pas se retirer, ne pas se mettre dans un fauteuil avec une pile de mouchoirs à côté. Quand on est seul et que le chagrin vous submerge, il faut sortir, aller vers d’autres, il faut continuer à vivre comme on le faisait auparavant.
La personne qui accompagne doit faire preuve d’une grande sobriété de paroles. On peut faire du mal avec une parole maladroite. Il y a une seule chose à faire : prier et pleurer avec ceux qui pleurent. C’est quelque chose que j’ai appris. Perdre quelqu’un nous apprend la compassion. On peut comprendre ce que la personne ressent.
Des consolations ? C’est seulement Dieu qui peut consoler. Dans ces moments-là, on éprouve la présence de Dieu d’une manière extraordinaire. J’ai senti que Dieu me portait vraiment.
En conclusion ? Je voudrais d’une part, remercier tous les frères et soeurs pour leurs visites, leur disponibilité et leur patience au cours de ces dernières années et d’autre part, finir avec une note d’espérance : un jour, on se retrouvera. Les souffrances de la terre seront oubliées. Nous n’aurons plus qu’une chose à faire : louer Dieu, Le glorifier. Que nous soyons trouvés fidèles jusqu’à notre dernier souffle.
Propos recueillis par Marie-Christine Fave