Peut-on espérer une vraie résurrection
par Jean-Pierre BORY
Lecture : 1 Corinthiens 15
Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on se pose la question : est-il bien raisonnable qu’un corps décomposé, aux os dispersés, à moitié poussière, ou cendres, puisse se reconstituer et retrouver conscience et identité ?
Ce doute s’exprimait déjà dans l’Eglise 25 ans après la résurrection du Christ. L’apôtre Paul répondit vigoureusement (en 1 Co 15) aux Corinthiens qui glissaient dans l’inquiétude.
Paul commence en rappelant un fait vérifié et historiquement prouvé : Jésus-Christ, lui, est bien ressuscité !
La résurrection de Jésus-Chrîst est un fait historique dûment établi (1 Co 15.1-11)
Que demande la justice pour prouver l’innocence ou la culpabilité d’une personne mise en examen ? Des témoins, des indices matériels. Or ils sont abondants, plus que dans la plupart des procès. Paul cite trois arguments :
1) Le grand nombre de témoins visuels
v.5 : Céphas (Pierre) (Luc 24.34).
v.5 : Les Douze1 (Jn 20.19; Luc 24.36 ; Ac 1.3; etc.).
v.6 : Les 500 frères probablement de Galilée où Jésus avait le plus grand nombre de disciples, où il leur avait dit de l’attendre, où il leur donne le grand ordre de mission (Mt 28.19). En tous les cas, ces 500 frères étaient pour la plupart encore vivants au moment où Paul écrivait et ils pouvaient témoigner. Cette possibilité de requérir de multiples témoignages donnait une totale autorité aux affirmations de Paul. D’autres témoins pouvaient encore être cités à la barre :
v.7 : Jacques, le frère du Seigneur (il n’était pas croyant pendant le ministère de Jésus, mais a rejoint les disciples dès Ac 1.14). La Bible ne nous raconte pas quand Jacques a vu le Seigneur ressuscité, mais cet événement a radicalement transformé sa vie. Il a lui-même pu constater que son propre frère était sorti du tombeau.
v.7 : Tous les apôtres : à plusieurs reprises et le jour de l’ascension.
v.8 : Paul lui-même qui le vit et lui parla sur le chemin de Damas : ce n’était pas une simple « vision », mais réellement le Seigneur.
Paul aurait pu citer aussi les gardes du tombeau et les chefs des juifs : les premiers ont été tétanisés par l’apparition hors du tombeau d’un homme dont ils avaient suivi l’agonie et vérifié le décès d’un coup d’épée. Les seconds étaient si bien convaincus de cette résurrection, qu’ils ont soudoyé les gardes, plutôt que de les punir, afin qu’ils répandent le bruit du vol du cadavre.
2) L’expérience des Corinthiens
Les Corinthiens, dans leurs premières années de vie chrétienne, ont admis cette résurrection, s’y sont attachés2, ont été sauvés et leur vie en a été changée. N’est-ce pas là aussi une preuve de la puissance de cette résurrection, dit Paul (v.1-2 et 11) ? Fourraient-ils effacer d’un coup de doute tout ce passé, et remettre en cause l’existence même de leur Eglise ? Aujourd’hui encore, certains, comme les Corinthiens, sont inquiets alors que, quelques années auparavant, ils ont cru en cette résurrection du Christ.
3) Les Ecritures (v.3 et 4)
Tout ce qu’annonçait l’A.T. s’est réalisé : la venue du Messie, les promesses, l’alliance nouvelle. En réalité, il y a peu de faits dans l’histoire ancienne et souvent même moderne, qui soient si fortement attestés.
A contrario,
Si Christ n’était pas ressuscité, les croyants n’auraient pas d’avenir
Certains Corinthiens dans l’Eglise mettaient en doute la résurrection corporelle des croyants. Ils étaient peut-être influencés par la philosophie platonicienne : les Grecs croyaient à l’immortalité de l’âme, actuellement prisonnière de la matière, et libérée au moment de la mort. Retrouver un corps matériel après la mort par une résurrection était pour eux une régression dans l’échelle de l’être.
D’autres comme Hyménée et Philète (2 Tm 2.18) assimilaient la résurrection à la nouvelle naissance, à la conversion : c’est pourquoi ils disaient la résurrection est déjà arrivée pour tous ceux qui croient en Jésus-Christ. C’était une façon de nier la résurrection corporelle. Tentation rationaliste sous une enveloppe piétiste et spiritualiste, forme de pensée très moderne et répandue aujourd’hui.
1) La réponse de Paul est d’une logique implacable
La négation de la résurrection de Christ (v.12), entraîne l’inutilité de la prédication (v.14) qui devient même mensongère ; Dieu serait impuissant devant la mort (v.15). Dieu lui-même serait menteur si les Ecritures, Parole de Dieu, avaient annoncé un fait erroné. Donc les hommes seraient encore sous l’emprise du péché (v.17), et de plus ceux qui sont déjà morts seraient perdus (= ils ont définitivement péri, v.18).
D’autre part la négation de la résurrection des morts atteindrait la personne même du Christ (v. 15-16). Elle ne ferait de lui qu’un simple maître moraliste (v.19 : un Christ pour cette vie seulement). Ce serait la négation de l’Evangile, de la foi, de l’espérance, et même du sens de la vie : les croyants seraient les plus malheureux des hommes (ils auraient espéré en vain). Il ne leur resterait qu’à jouir de cette vie : leur foi serait sans contenu, vide de toute substance (v.14 et 17).
Cette croyance en une vague immortalité de l’âme est très répandue aujourd’hui encore. Elle est un facteur rassurant pour beaucoup, mais illusoire. Pour affermir ce sentiment, on pratique de temps à autre quelques rites religieux, on se fabrique inconsciemment un Dieu de dimension humaine, à la mesure de ce que la raison peut accepter. C’est une cause de perte et un danger permanent pour beaucoup !
Christ est vraiment ressuscité !
Dans les v.20 à 34, il va donner plusieurs autres arguments :
2) La résurrection de J.-C. est l’événement indispensable dans le plan divin de salut pour les hommes. (15.20-28)
La résurrection est la clef de voûte de tout le dessein de Dieu : Jésus doit vaincre tout pouvoir, toutes les puissances ennemies de Dieu et enfin la mort (26) ; en ressuscitant lui-même et en entraînant avec lui dans la vie ceux qui le suivront (22-23). C’est cette victoire sur la mort qui permet la victoire finale sur tous les ennemis (26), et la gloire finale et suprême (27-28). La résurrection de Jésus-Christ est la clé de voûte du plan de Dieu.
3) Cette évidence de la résurrection déterminait du temps de Paul la conduite de certains chrétiens (29)
Ceux qui se font baptiser au risque de mourir. Quelle que soit l’interprétation que l’on donne à ce geste (voir encadré), il est certain que ceux qui le pratiquaient le faisaient à cause d’une conviction totale que Christ allait ressusciter et donner toute sa valeur à leur engagement. Cette habitude devait être suffisamment connue des Corinthiens pour que Paul puisse la citer sans l’expliquer.
4) Et Paul lui-même
Paul lui-même n’était pas assez stupide pour gaspiller les années qu’il lui restait à vivre, en risquant continuellement la mort (v30-31) s’il n’avait pas été sûr de « récupérer » dans un avenir certain, plus qu’il n’avait mis en jeu ! Il pouvait donc conclure ainsi sa démonstration (14.34) avant d’aborder le dernier point pratique qui troublait les Corinthiens : « Ressaisissez-vous, Corinthiens ! Comment pouvez-vous imaginer que Christ n’est pas ressuscité ? Si c’était le cas, il ne vous resterait qu’à vivre selon la devise du poète Ménandre, disciple d’Epicure : manger, boire et mourir (v.32). Montrez que vous vous ressaisissez en rejetant le péché (v.33) ! Ceci dit, passons à la dernière question, chers Corinthiens : la nature du corps des ressuscités. »
Ce que sera le corps des défunts à la résurrection
C’est là-dessus que butaient les raisonnements des Corinthiens (v.35). Ils n’arrivaient pas à s’imaginer ce « corps glorieux » (voir dans le même numéro l’article de H. Bryant, p.5). Un jeune enfant décédé dans la foi resterait-il « jeune » toute l’éternité ? un vieillard, serait-il « vieux » pour l’éternité ?
Paul n’a qu’une partie de la réponse à cette question. Mais ce qu’il rappelle à ses lecteurs doit leur suffire :
Le croyant retrouvera un corps glorieux et personnel
Paul rappelle à ses lecteurs que déjà sur la terre, il y a bien des types de corps différents : poissons, oiseaux, mammifères ; il remarque aussi que l’éclat de la lune est infiniment inférieur à celui du soleil. Et il prend un exemple que connaît bien tout travailleur de la terre : une graine, brune, grisâtre, de moins de 10 millimètres de diamètre se transforme en une plante verdoyante portant des fleurs et des fruits, ou devient un arbre de 15 mètres de hauteur ! Quel rapport y a-t-il entre la minuscule et peu esthétique semence (qui a d’ailleurs disparu, qui s’est vidée de toute substance dans le sol) et la plante merveilleuse qui en est sortie ? Les deux ne sont pas comparables, pourtant il s’agit bien de la même plante, de la même espèce.
Paul en conclut que l’homme perdra son corps terrestre, fatigué, malade, douloureux ; mais que Dieu saura lui donner le corps qu’il veut (v.38), un corps qui correspondra au terrestre, qui sera propre à chaque personne, qui brillera d’un éclat qui lui sera particulier, mais plein de force, glorieux, un corps vivant de l’esprit de Dieu, céleste, incorruptible (v. 41-54), un corps qui sera beau et merveilleux car tout ce que Dieu fait est bon et extraordinaire ! Il s’agit bien d’un corps véritable, mais dont la nature nous échappe encore.
Voilà ce qui fait l’espérance du croyant ! Voilà ce qui lui donne le courage d’aller de l’avant, de servir, de travailler sans relâche pour le Seigneur, car, sachez-le bien, la peine que vous vous donnez au service du Seigneur n’est jamais inutile (v.58).
Soyons donc fermes dans notre espérance et notre détermination pour le Seigneur ! •
J.-P B.
NOTES
1. Bien qu’ils ne fussent plus que onze après la mort de Judas, par habitude, les disciples de Jésus se disaient encore «les douze» : Jn 20.24.
2. 1 Co 15 : l’importance d’un temps verbal (vous avez cru : un « aoriste » en grec). Il indique que l’action qu’il décrit s’est produite une fois pour toute et définitivement. Paul dit : ce n’est pas un doute ou une remise en cause de votre foi qui l’annulera.
Un texte difficile à interpréter :
1 Co 15.29 : C’est ici simplement un argument que tire Paul d’une pratique alors en cours dans les Eglises : quel profit retireront, quel bénéfice recevront ceux qui se font baptiser pour les morts ? Cela serait absurde de le faire si les morts ne ressuscitaient pas ! Conclusion : si des gens pratiquent ce baptême, c’est bien parce qu’effectivement les morts ressusciteront !
Mais que signifie ce baptême ?
Une trentaine d’interprétations différentes ont été proposées au cours des siècles parce qu’on ignore tout de cette habitude, parce qu’aucun texte parallèle n’y fait allusion. On en est donc réduit aux conjectures.
Même les pères de l’Eglise primitive ne sont pas d’accord entre eux ! Cependant deux propositions, qui ne sont pas en contradiction avec le reste de l’Ecriture, sont à retenir :
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