Recherche et foi

 interview

 

par Isabelle Godin,

Directrice de recherche

 

 

dialogue-2Dans quel domaine travailles-tu ?

 

Je suis embryologiste et je travaille dans un Centre de Recherche contre le cancer, où nous étudions la formation des cellules souches du sang chez l’embryon de souris. Notre but est de comprendre le développement du sang qui, chez cet embryon, est harmonieux et très bien contrôlé, pour le comparer avec ce qui se passe dans les cancers où les mêmes phénomènes se reproduisent, mais de façon anarchique.
 

La théorie de l’évolution est généralement admise chez les scientifiques, même chez une partie des chrétiens évangéliques. Dans tes travaux, constates-tu des confirmations de cette théorie ?
 

La théorie de l’évolution, qui tente d’expliquer de façon globale la formation du monde (matière, êtres vivants, homme) couvre une multitude de domaines scientifiques, comme la chimie, la paléontologie, la génétique des populations, la biologie, etc. Dans chacun de ces domaines, les recherches consistent à accumuler des faits, à formuler une théorie explicative, à la critiquer et à la tester pour modifier le modèle et le rendre plus précis. Cette démarche conduit la théorie de l’évolution à être elle-même en évolution permanente, et d’une complexité folle.
 

paleoanthropologieEn ce qui concerne la paléontologie/biologie, le « théorème évolutif » majeur est que les différentes espèces dérivent d’ancêtres communs. Même si tous les détails de cette évolution ne sont pas connus, même s’il « manque » un certain nombre d’intermédiaires, l’étude de l’ensemble des collections d’espèces fossiles et vivantes (anatomie comparée, etc.), milite en faveur de cette loi de base.
 

De même, les études de génétique soulignent l’évolution progressive d’un type d’animal vers un autre (tout en gardant une place à la diversité). Bref, tout être vivant est à la fois unique et partie d’une gigantesque famille.
 

Pour ma part, j’ai pu constater depuis le début de mes études scientifiques jusque dans mon domaine actuel, que la théorie de l’évolution est celle qui permet le mieux d’expliquer à la fois les ressemblances entre tous les êtres vivants et leur immense variété. Au point que ce sont des découvertes faites chez les mouches, les crapauds ou le poulet qui ont ouvert de nouvelles pistes en recherche fondamentale, avec des retombées médicales importantes.
 

J’ai eu l’énorme chance lorsque j’ai commencé mes études de sciences, d’avoir un professeur de paléontologie qui a commencé son cours en nous expliquant qu’il comptait nous expliquer COMMENT étaient apparus les êtres vivants, mais qu’il n’était absolument pas habilité à commenter sur QUI était à l’origine de la vie (Dieu ? le hasard ?), domaine qui relève de la philosophie ou de la théologie.
 

Dans la Bible, Dieu souligne Son intervention particulière à plusieurs étapes clés de la création (passage du «rien» à la matière, de la matière à la vie, et de l’animal à l’humain), étapes sur lesquelles les scientifiques se posent bien des questions. Par contre, il ne s’est pas vraiment appesanti sur les méthodes qu’il a utilisées pour créer le monde.
 

Je pense que les chrétiens gagneraient beaucoup à argumenter sur ces interventions divines (par opposition au hasard, qui pose de gros problèmes statistiques, comme « moteur de l’évolution »), plutôt que sur le détail des mécanismes mis en oeuvre. C’est là que nos contemporains, scientifiques inclus, attendent des éléments de réponses !
 

dialogue-2Un certain nombre des personnes voient une contradiction entre la démarche des scientifiques et la foi évangélique, qu’en est-il pour toi ?

 

Difficile de répondre en quelques mots…
 

La démarche scientifique, en apparence neutre, a pour but de mieux comprendre le monde (la nature, l’histoire, le fonctionnement des sociétés, etc.). Que faire des informations récoltées ?
 

La médiatisation d’annonces prématurées, la soif de notoriété, l’absence de sens moral de certains scientifiques ne doivent pas occulter les réflexions éthiques d’autres chercheurs qui ne sont hélas pas diffusées en prime time. Il me semble que pour une majorité des scientifiques (malheureusement un peu trop silencieuse), la démarche scientifique consiste à examiner toutes choses et à retenir ce qui est bon (1 Th 5:21).

 

Propos recueillis par Reynald Kozycki.