A lire sur le sujet de la Création – Le Chiffre de la vie
par Grégory Bénichou1
En faisant la cuisine, j’allume souvent la radio. Et voilà qu’un matin, sur France Inter,un homme explique simplement que le monde ne peut s’être créé de lui-même, et qu’il existe forcément, logiquement, un Grand Programmeur. J’ai voulu en savoir plus sur lui.
De Grégory Bénichou, auteur du Chiffre de la vie, je n’ai appris que peu de choses : né en 1971, il est docteur en philosophie et en pharmacie, diplômé de l’ESSEC2 où il enseigne l’éthique et les sciences humaines.
Si l’auteur de l’article précédent, Phillip Johnson, croyant convaincu en un Créateur, exclut tout processus évolutionniste, Gregory Bénichou fait le chemin inverse et part de la biologie pour aboutir à la nécessité d’un Grand Programmeur !
Voici un aperçu trop partiel de son ouvrage3 :
L’ADN, un programme
L’auteur compare linguistique et génétique et démontre que « l’ADN représenterait le premier de tous les langages, la matrice originelle de toutes les formes de codes verbaux. Les concepts cardinaux de la biologie moléculaire sont en effet empruntés au vocabulaire linguistique : programme et information génétiques, code, ou message héréditaire, déchiffrement du génome, transcription de l’ADN, traduction de l’ARN.
Or `un ‘langage’ renvoie directement à l’idée d’une Pensée, d’une Intelligence, d’une Ame du monde, bref, à tout ce qui s’oppose à une philosophie de la matière. De même, la notion de ‘programme’ enveloppe celle d’un dessein harmonieux préétabli, et non d’un hasard aveugle dans l’évolution. » Or qui dit cela reconnaît également la présence d’un « Grand Programmeur ». Cependant, si « ce langage génétique se parcourt désormais facilement, il reste un cryptogramme : nous nous trouvons face au ‘Chiffre de la vie’, c’est-à-dire face à un sens caché ».
Evolution et création
En touchant ces deux points, Bénichou parle d’une rélévation nuancée dans l’organisation de tous les animaux3, et des mutations des caractères des espèces. « La mutation génétique n’est pas une erreur de la finalité, mais l’expédient qui la fait avancer ». Il ne s’agit donc pas pour lui de nier la création, l’harmonie préétablie ; mais de la concevoir conjointement à « la théorie de l’évolution [qui] constitue l’histoire tâtonnante de son développement ».
Il estime que le refus des biologistes d’accepter la réalité de la création à l’origine du monde relève davantage de leurs opinions idéologiques personnelles (matérialistes, athées) que de constatations scientifiques. Il rappelle aussi que Charles Darwin n’était pas athée. « A l’encontre des néodarwiniens, aujourd’hui pétris d’athéisme, Darwin critique fermement l’idée d’un hasard aveugle dans l’évolution. »
« Quand on contemple la création, on contemple un peu la sagesse de Dieu. On voit Dieu comme un ingénieur. » « L’hypothèse du hasard n’est pas raisonnable, surtout quand on considère le deuxième principe de la thermodynamique : l’ordonné évolue vers le désordre. » Pierre Puget – Responsable programme au LETI (laboratoire d’électronique) Grenoble) |
Qui a créé la vie?
A la question de l’existence du Dieu créateur de la vie, l’auteur ne se dérobe pas. S’il faut une réponse, elle se trouve dans la Genèse : « Dieu dit… ». Bénichou n’a pas pour objectif de prouver Dieu, mais il veut rester ouvert : « A l’encontre des vieilles suspicions du positivisme scientiste, qui rejette radicalement toute référence déiste et biblique, je suis de ceux qui croient que cette recherche spirituelle n’obscurcit pas, mais au contraire éclaire partiellement les interrogations de l’homme sur l’univers. […] Je pense que le récit de la Genèse – à travers la place centrale qu’il confère au langage dans la création – peut contribuer à enrichir une approche symbolique de la génétique.»
Associant Leibniz et Darwin, l’auteur conforte la thèse du « Grand Programmeur », de «l’Horloger». Il souligne que les scientifiques qui ne misent que sur l’évolution, refusent de se poser la question de la cause des choses, de l’origine, de la finalité, s’enfermant dans l’apologie de la sélection naturelle, du cercle de la vie, de la reproduction par l’être lui-même. Ils devraient se demander « d’où vient ce mécanisme ? »
Liberté et eugénisme
Le Chiffre de la vie aborde également la question du libre-arbitre face au déterminisme compris dans le programme. Sur le terrain éthique, « si la vie nous programme, la technique nous autorise-t-elle en retour, à programmer la vie ? » L’auteur s’insurge contre un eugénisme qui pourrait se traduire par la « qualification génétique », contre la réduction de l’homme « à son génome, a son programme », c’est-à-dire contre la déshumanisation de l’homme.
Mon avis
L’ouvrage de Grégory Bénichou, Le Chiffre de la vie, est passionnant par la diversité de ses sources et de ses angles d’étude. Sa lecture est parfois ardue, mais très intéressantes sont les remarques, les inter- rogations et les suggestions de ce chercheur qui s’efforce de penser plus loin que la lentille de son microscope sans toucher à la théologie.
Annick Waechter
« N’y a-t-il pas une véritable grandeur dans cette manière d’envisager la vie, avec ses puissances diverses attribuées primitivement par le Créateur à un petit nombre de formes, ou même à une seule ? » (Darwin, L’Origine des espèces, XIV, « Récapitulations et conclusions », cité par Bénichou, p. 76). « Je n’ai jamais nié l’existence de Dieu. Je crois que la théorie évolutive ne s’oppose pas à la foi en Dieu » |
NOTES
1. Editions du Seuil, octobre 2002
2. ESSEC : Ecole supérieure des Sciences Economiques et Commerciales.
3. Pour en savoir plus sur la pensée de G. Bénichou, consulter le site : www.medhyg.ch