Jésus-Christ, Fils de Dieu
par Henry BRYANT
Langue et culture
Pour interpréter correctement la Bible, il faut comprendre le sens des mots, non d’après leur usage actuel, mais selon celui de l’époque où ils ont été écrits. Cette règle est particulièrement importante pour le sens du terme « Fils » appliqué à Jésus. Aujourd’hui, ce mot désigne un enfant par rapport à ses parents biologiques. Dans la Bible, il a un sens bien plus large : n’en pas tenir compte, ne permet pas, par exemple, de saisir le témoignage de Pierre quand il dit à Jésus : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant (Mt 16.16). Les musulmans refusent, à juste titre, que ce texte enseigne que Jésus est le fils biologique de Dieu.
Malheureusement, nos traductions françaises cachent assez souvent le sens idiomatique du mot « fils ». Quelques exemples :
Mc 3.17 : Jésus appelle Jacques et Jean : Boanergès, qui signifie littéralement fils du tonnerre.
Ac 4.36 : Joseph est surnommé par les apôtres Barnabas, rendu souvent par fils d’exhortation.
En Mt 9.25, les amis de l’époux sont dans le grec, littéralement les fils de la salle des noces.
Toutes ces expressions reflètent un hébraïsme, bien répandu dans l’Ancien Testament, où le terme « fils de » permet de définir le caractère, l’appartenance, ou la nature d’une personne. Considérez les exemples suivants :
fils d’une rançon = otage ;
fils de violence (Da 11.14) = homme violent ;
fils (pluriel) de Dieu (Job 1) = anges ;
fils de « ne rien valoir » (beli-yahat) (1 Rois 21.10) = fils de Bélial = vaurien (qui ne vaut rien) ;
fils des prophètes (2 Rm 4.1, etc.) = disciples des prophètes.
Quand Dieu s’adresse à Ezéchiel, il appelle constamment le prophète « fils de l’homme », ce qui souligne l’humanité et la distance infinie qui demeure entre Dieu et son interlocuteur terrestre, humain.
L’essence divine du Fils
Comment alors comprendre ce terme quand il désigne Jésus ? Il faut certainement voir dans ce terme plus que le rappel de sa naissance par Marie1. Le terme « Fils de l’homme » appliqué à Jésus rappelle la vraie humanité de Jésus, de la même manière que « Fils de Dieu » renvoie à sa nature essentiellement divine. Il est intéressant de noter que, dans l’Evangile de Jean, Jésus est appelé douze fois « Fils de l’homme » et douze fois « Fils de Dieu », ce qui suggère parfaitement sa double nature à la fois divine et humaine.
Alors, quand Jésus se dit « Fils » de Dieu son « Père », le premier sens à dégager est son identité d’essence, de nature, avec le Père : sa vraie et pleine divinité. C’est ce que Jésus a maintenu à plusieurs reprises (Jn 5.23, 10.30). C’est ce que les Juifs ont compris (Jn 5.17-18 ; 10.31-39), même s’ils ne l’ont pas tous admis.
Le chrétien n’adore pas trois dieux, mais un seul. Seulement en Dieu, la Bible révèle trois personnes distinctes et égales, Père, Fils, et Saint-Esprit. Jésus nous a laissé la seule illustration de cette vérité dans sa prière sacerdotale : il a comparé l’unité qui existe entre Lui et son Père à celle qui devrait exister entre ses disciples, en priant afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi2… Comme dans un mariage où les deux époux deviennent une seule chair, on peut constater que la Bible parle d’une pluralité dans l’unité.
La relation du Fils avec le Père
En même temps, il est possible que Jésus utilise le terme « Fils » pour exprimer sa soumission au Père, car les Écritures semblent enseigner une certaine hiérarchie entre le Père et le Fils (1 Co. 11.3 ; 1 Co 15.24-28).
Le mot « Fils » a aussi, dans la culture hébraïque, une toute autre connotation qui a disparu de notre vocabulaire. Il désigne l’enfant qui est déclaré « fils » lors de la cérémonie de la bar-mitsva. Pour le peuple juif, c’est le moment où il devient homme, et reçoit de son père les droits à l’héritage. L’apôtre Paul y fait allusion dans Galates 4.1-6. C’est sans doute le sens de cette expression dans le Psaume 2, v.7, où il conviendrait mieux de traduire « Tu es mon Fils ; je te déclare Fils aujourd’hui. Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, les extrémités de la terre pour possession ».
Car le « aujourd’hui » dont il est question n’est pas son jour de naissance, mais le jour de sa résurrection selon Actes 13.33 – résurrection par laquelle Jésus est déclaré Fils de Dieu avec puissance (Rm 1.4)3. Alors Jésus, proclamé Fils de Dieu lors de sa résurrection est aussi Celui que (Dieu) a établi héritier de toutes choses (Hé 1.2).
De même, le terme Fils de l’homme prend un tout autre sens dans un moment critique de la vie de Jésus. Sommé par le souverain sacrificateur de déclarer sous serment s’il était le Christ, le Fils de Dieu, Jésus répond : « Tu l’as dit (tu dis vrai). De plus je vous le déclare, vous verrez désormais le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu et venant sur les nuées du ciel. »4
La réaction du sacrificateur est immédiate. Pour lui, c’était le blasphème suprême, car Jésus indique ainsi qu’il est Dieu ayant pris l’apparence d’un fils de l’homme dont parla autrefois le prophète Daniel : « Je regardai pendant mes visions nocturnes, et voici, sur les nuées des deux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme ; il s’avança vers l’ancien des jours, et on le fit approcher de lui. On lui donna la domination, la gloire et le règne; et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit.5
Ces différents textes, pris ensemble avec beaucoup d’autres, nous montrent combien Jésus est « vrai Dieu », même s’il s’est revêtu temporairement de la nature humaine : il est notre Dieu. Nous nous rappelons ces paroles si importantes de l’apôtre Jean : Nous savons aussi que le Fils de Dieu est venu, et qu’il nous a donné l’intelligence pour connaître le Véritable ; et nous sommes dans le Véritable en son Fils Jésus-Christ. C’est lui qui est le Dieu véritable, et la vie éternelle. Petits enfants, gardez-vous des idoles.
H. B.
NOTES :
1. Dans Lc 1.35, l’enfant de Marie est appelé Fils de Dieu parce qu’il est né par l’action du Très-Haut.
2. Jn 17.21
3. L’expression « je t’ai engendré aujourd’hui » (utilisée dans la version Segond), lue hors de son contexte historique, pourrait laisser entendre qu’il est fait allusion à la naissance du Christ divin, à son commencement d’existence. Il faut se souvenir que cette expression d’Ac 13.33 (reprise en Hé 1.5 et 5.5) est une citation du Ps 2.7, qui reprend une formule utilisée dans le Proche-Orient ancien au moment de l’intronisation d’un héritier royal, et même en Israël : comparer 1 S 7.8 et 14 (pour Salomon) et Ps 89.27-28 (pour David). Voir aussi l’explication donnée en note dans la Bible du Semeur à propos de Ps 2.7.
4. Mt 26.64
5. Da 7.13-14
6. 1 Jn 5.20-21