Questions à John Lennox
John Lennox est professeur de Mathématiques et de Philosophie des Sciences à Oxford
Propos recueillis par Reynald KOZYCKI 1
Une grande objection à la foi est la question du mal et de la souffrance. La question pourrait être formulée ainsi : « Comment un Dieu personnel qui s’occuperait de chacun de nous pourrait-il accepter tant de souffrances et de mal dans ce monde ?». Comment répondez-vous à ce genre de questions ?
Je pense que c’est probablement la question la plus délicate des débats que j’ai régulièrement sur la foi. Je répondrais que l’athéisme ne résout pas non plus la question. De plus, l’athéisme n’apporte aucune espérance sur le fait qu’une justice s’accomplira un jour. Chaque être humain a un sens aigu et presque inné de justice. Nous réagissons tous négativement lorsque nous sommes traités injustement. S’il n’y a pas de Dieu, la mort est la fin de tout, il n’y aurait pas de jugement final.
Pour celui qui aura vécu des injustices, l’athéisme, en voulant éliminer Dieu, apporte encore plus de problèmes. Il ne peut donner une explication à ce sens de justice qui est en nous et suppose qu’il s’agit simplement d’une illusion parce que ce sentiment ne pourra jamais réellement être satisfait. En revanche, le chrétien est très sensible à la question de la justice et peut dire qu’un jour le jugement aura lieu, qu’il sera parfaitement équitable. Toute injustice trouvera alors une réponse.
Deuxièmement le chrétien peut pointer du doigt la croix de Jésus-Christ. On y découvre un Dieu qui n’est pas resté distant par rapport à la souffrance, il s’y est impliqué de manière directe et a pris part à la souffrance. Une esquisse de solution apparaît ainsi. C’est un point que je considère fondamental et qui apporte le début d’une réponse-clé à une tragédie personnelle et à nos souffrances.
Il y a en fait deux facettes à ce problème. La première est ma souffrance personnelle que je ne parviens pas à comprendre et qui nécessiterait une aide pastorale, une certaine compassion, sympathie… Et il y a une facette intellectuelle, plus vaste, concernant la souffrance que j’observe autour de moi. Il s’agit, dans ce cas, d’un problème intellectuel. Nous avons à la fois besoin d’une réponse qui soit de type pastoral ou thérapeutique et d’une réponse de type intellectuel.
Quelles sont les principales différences entre l’apologétique actuelle et celle des dernièresdécennies ?
Nous sommes confrontés de plus en plus à une société pluraliste et relativiste.
Dans les années précédentes, par exemple en Angleterre, de nombreuses personnes fréquentaient les Eglises et nous pouvions parler de « société chrétienne », mais ce n’est plus le cas. Il y a aujourd’hui toutes sortes de cultures et religions et la fréquentation régulière des Eglises a complètement chuté.
Deuxièmement nous constatons une critique post-moderne de la notion de vérité provenant du siècle des Lumières. Cette critique remet en question les bases même de l’éthique. Chacun a sa vérité et on professe qu’il n’y a pas de vérité absolue. Il n’y a même plus de « bien » et de « mal » mais chacun se fait son idée du « bien » et du « mal ». Même si le relativisme remonte déjà aux « sceptiques grecs », nous sommes aujourd’hui confrontés à un mode de pensée assez nouveau.
L’autre point est l’athéisme grandissant en Occident ; de plus en plus agressif. Il est devenu aussi très intolérant face aux religions, notamment face au christianisme.
Néanmoins la situation présente ressemble aussi beaucoup à ce que Paul vivait en son temps, comme nous le relatent les Actes des Apôtres. Je dis souvent que nous n’avons pas besoin d’une nouvelle apologétique, mais d’un retour au message de Paul avec confiance. Le problème fondamental auquel est confronté l’Eglise aujourd’hui est la perte de confiance dans la puissance de la Parole de Dieu. Mais évidemment il est important de réfléchir sur ce qui se passe dans notre culture et comment apporter des réponses crédibles.
NOTE
1. Il s’agit d’une suite d’un article paru dans le numéro de Septembre 2007.