Avant le baptême
par Daniel BRESCH
PETIT HISTORIQUE…
On entend souvent dire qu’au temps de la première Eglise les choses étaient plus simples : les convertis à la foi en Christ passaient par les eaux du baptême sans délai ou presque. La conversion suffisait ! Pourquoi avoir institué une catéchèse ?1 Est-ce bien conforme à l’Ecriture ?
Quelqu’un a écrit : « Nous pouvons exiger que quelqu’un montre sa compréhension de la foi, mais non qu’il suive un cours de formation biblique et doctrinale… Mieux vaut tôt que tard ! Si le baptême scelle et fortifie la foi, le nouveau chrétien a besoin d’être baptisé peu après sa conversion.2 » A l’appui de cette affirmation, on cite volontiers les exemples des 3000 convertis le jour de la Pentecôte de l’an 30 (Ac 2.41), puis des Samaritains, du ministre éthiopien, de Saul à Damas, de Corneille à Césarée, de Lydie et du gardien de prison à Philippes (Ac 2.41 ; 8.12,36-38 ; 9.18 ; 10.47s ; 16.15,33). En fait, seuls deux textes mentionnent « aussitôt »…
Est-ce si simple que cela ?
L’exemple des Corinthiens (Ac 18.8) permet quelques réserves et les cas particuliers du couple Priscille et Aquilas (18.25,26) et des Ephésiens (19.5) posent question. Peut-on vraiment tirer une règle générale de cette dizaine d’exemples choisis dans un laps de temps d’environ 20 ans ?
Nous pensons que le livre des Actes a été conçu comme la révélation du mouvement de Dieu déclenché par la proclamation de l’Evangile à ses débuts et non comme un manuel normatif des pratiques ecclésiastiques. Puis, que dire du silence des épîtres sur ces questions de pratique, notamment des préalables au baptême ? Cela ouvre la voie à une certaine liberté qui invite à la responsabilité quant au sens et à la valeur du baptême, plutôt qu’à la préoccupation d’une conformité à un règlement, voire à des coutumes.
En tout cas, ce qui importait aux apôtres, fidèles à la mission que Jésus le Christ leur avait confiée, était la cohérence indissociable, mais sans confusion, entre d’une part le baptême dans l’Esprit – la régénération -, action de la grâce du Dieu souverain marquant l’acte de foi, de repentance et de réception du pardon, et d’autre part le baptême d’eau – par immersion du corps entier -, témoignage visible et public, signe extérieur de la réalité intérieure (cf.
Ac 2.38 ; Tt 3.5). Ce lien est souligné par le fait que le même mot est employé pour les deux.
Il y a un seul baptême (Ep 4.5).
Ne savez-vous pas… ? (Rm 6.3 ; cf. Ga 3.27 ; Col 2.11-13).
Coup d’oeil sur le temps passé
II ne faut pas oublier que, dans ses débuts, l’Eglise réunissait des chrétiens issus essentiellement de milieux juifs ou proches (souvent des prosélytes), bénéficiaires d’une certaine instruction religieuse (connaissance des lois de Dieu dans l’Ancien Testament). « Il y avait alors moins de risques d’équivoque.3» Dans les exemples cités des Actes, on ne peut écarter l’élément instruction.
La propagation de l’Evangile en milieu païen, du vivant des mêmes apôtres, va rapidement changer les conditions. A certains égards, les développements doctrinaux de leurs lettres constituent des mises au point « catéchétiques »4.
La Didaché, d’un auteur inconnu du début du 2ème siècle, est le premier écrit post-apostolique faisant allusion à une instruction précédant le baptême, avec un jeûne de plusieurs jours. Nous citerons encore Tertullien, Père apologiste du début du 3ème siècle, qui a laissé un traité sur le baptême. Entre autres développements sur le rite et la théologie, il mentionne sa préparation avec certains délais imposés par la situation du catéchumène, le passage d’un examen et une catéchèse succédant au baptême. Ensuite, ce catéchuménat sera porté à trois ans5.
Par la publication de catéchismes, la Réforme au 16ème siècle, a donné une impulsion remarquable à l’enseignement de la Bible et des éléments de la foi. Dans un contexte de « chrétienté » où la plupart des personnes étaient baptisées peu après leur naissance, la visée des Réformateurs n’était pas seulement et spécifiquement la préparation au baptême. De même dans les milieux où l’on pratiquait le baptême des adultes (les Anabaptistes à l’époque), il s’agissait impérativement d’enseigner le peuple des croyants. La valeur de ces catéchismes est indéniable. Du côté protestant, les ‘Ecoles du dimanche’ en tirent leur inspiration.
La Contre-Réforme ne manqua pas de répondre sur ce plan par la rédaction de catéchismes catholiques dès la fin du 16ème siècle, puis par le développement d’institutions comme « Le Petit Catéchisme ».
Où nous trouvons-nous ?
Devant la baisse générale d’intérêt et de fréquentation des cultes par leurs membres, avec comme effet une ignorance criante et galopante, les grandes Eglises réfléchissent et travaillent depuis un certain temps à la production de « catéchismes pour adultes ». Un besoin semblable se manifeste d’ailleurs aussi dans les Eglises évangéliques sous forme de demande – timide et peu structurée, il est vrai – de formation de « base » des membres pas nécessairement nouveaux de ces communautés.
Quant à la préparation particulière des candidats au baptême, si tant est que nous encouragions les jeunes convertis à témoigner ainsi de leur prise de position dans la foi, force est de constater qu’il n’est plus question de tabler sur quelques acquis de culture chrétienne : on est obligé de partir à zéro, après avoir déblayé un terrain encombré de confusions religieuses, voire de notions « néopaïennes ».
D.B.
1. Le verbe « catècheô » (transmettre, informer, enseigner) existe bien dans le Nouveau Testament, mais est peu courant et n’a pas le sens technique de catéchiser qu’il va acquérir, comme catéchèse, catéchisme, catéchumène…, à partir du 3ème siècle. Les termes français apparaissent au 14ème siècle.
2. Christopher SPENCER, note in Les Cahiers de l’Ecole Pastorale Baptiste, N° 24, page 27 -1995 – 47, rue de Lille, Paris.
3. F. Buhler, L’Eglise locale, page 150 – Editions Farel, 1979.
4. Mais on ne peut suivre certains exégètes qui comprennent les épîtres comme des modèles d’instruction pré-baptismale. Voir à ce propos S. Bénétreau, La première épitre de Pierre, pages 16ss – Edifac, Vaux-sur-Seine, 1984, et A. Kuen, Introduction au Nouveau Testament, Les Epîtres Générales, pages 157, 164ss – Ed. Emmaiis, 1996.
5. Diverses sources. Cette évolution de l’ordre de la pastorale se complique aussi par les glissements théologiques , entamés dès le 2ème siècle (baptême-sacrement et baptême des enfants).
Pour une préparation pratique au baptême, on peut lire « Se faire baptiser » (Alfred Kuen, Éditions Emmaüs), 40p.