Le baptême dans l’histoire
par Alain Kitt
L’eau, agent purificateur
II est difficile d’être certain des origines exactes de la pratique du baptême d’eau. L’usage rituel de l’eau est commun à la plupart des religions, sous forme d’ablution, d’immersion, de bains rituels dans un fleuve sacré comme le Gange ou le Nil. Mais c’est dans le judaïsme qu’il faut chercher les antécédents du baptême chrétien.
Les ablutions rituelles ordonnées dans l’Ancien Testament pour tout ce qui était devenu impur (en touchant un cadavre, par ex.) étaient poussées à l’extrême par certaines sectes juives de l’époque de Jésus, comme les Esséniens qui préconisaient un bain de purification avant chaque repas. Les païens convertis au judaïsme prenaient un bain rituel avant d’être circoncis, mais cela ne semble pas avoir été une exigence absolue.
Le baptême de Jean-Baptiste
Nous nous intéresserons en particulier au baptême pratiqué par Jean-Baptiste et à celui ordonné par le Seigneur et pratiqué par les chrétiens depuis la prédication de l’apôtre Pierre à Jérusalem le jour de la Pentecôte. Le baptême de Jean était différent des autres baptêmes antérieurs ou contemporains : jusque-là le baptême concernait surtout les non-Juifs, mais Jean demandait aux Juifs de se repentir.
Le baptême était le signe de leur repentance. Jean a donc innové en proclamant le baptême de repentance pour le pardon des péchés. Jésus lui-même, tout en étant sans péché, a approuvé le baptême de Jean en s’y soumettant (voir ses propos en Luc 7.30).
La baptême chrétien
Jésus a clairement enseigné l’importance du baptême, qui figure dans le commandement donné aux disciples après la résurrection : Faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les ! (Mt 28.19). Le baptême revêt un sens nouveau, compte tenu de l’accomplissement en Jésus de ce que Jean annonçait de façon prophétique. Les apôtres incluaient le baptême dans leur prédication, où il était lié à la repentance, au pardon des péchés et à la réception du Saint-Esprit.
Dans cette première période de l’histoire de l’Eglise, le baptême suivait de près la conversion ; et dans le Nouveau Testament la possibilité d’être chrétien sans être baptisé n’est même pas envisagée.
Le baptême chrétien concerne toujours des personnes conscientes de ce qu’elles font : la foi précède le baptême. Les premiers Pères de l’Eglise (p.ex. Clément de Rome, fin du 1er siècle et Justin Martyr, au 2ème s.) parlaient seulement du baptême d’adultes. Tertullien (155-220) mentionnait le baptême d’enfants, mais ne l’approuvait pas.
La pratique du baptême des enfants ne se généralisa qu’à partir du moment où le christianisme devint progressivement religion d’Etat dans l’empire romain (à la suite de l’édit de Milan en 313 qui le reconnut licite dans l’empire) : la pratique changea avec l’arrivée dans l’Eglise d’un grand nombre de païens christianisés mais non convertis. On attacha une importance grandissante aux rites : ceux-ci, correctement effectués, furent considérés comme efficaces en eux-mêmes. Le baptême devint nécessaire au salut, car on considéra qu’il conférait lui-même la vie spirituelle. Il importait donc de baptiser les enfants dès que possible, afin de leur assurer la vie éternelle.
Avec la montée en puissance d’une Eglise d’Etat, le baptême devint obligatoire pour chaque citoyen. Charlemagne, par exemple, décréta que les parents qui ne faisaient pas baptiser leurs enfants devaient payer une amende. Au moyen-âge, seuls quelques groupes de chrétiens dissidents ont continué à baptiser uniquement les croyants et ils ont été persécutés.
Epoque de la Réforme
Pourquoi les Réformateurs, qui ont redécouvert la doctrine de la justification par la foi et remis à l’honneur les Ecritures comme seule autorité dans le domaine de la foi, ne sont-ils pas revenus à une pratique biblique du baptême ? La situation politique de leur époque y était certainement pour quelque chose. Luther, Calvin et Zwingli ont conservé une certaine idée d’Eglise d’Etat, et ils ont justifié le maintien de la pratique du baptême des enfants pour des raisons autres que bibliques, en s’appuyant soit sur la foi supposée de l’enfant, soit sur celle des parents ou des parrains.
Dans un Etat monolithique – d’obédience catholique ou protestante – on ne pouvait pas tolérer de dissension religieuse, d’où la tragique persécution de chrétiens qui, comme les Anabaptistes, voulaient réserver le baptême à ceux qui confessaient leur foi. C’est suite aux mouvements de Réveil à partir du 18ème siècle que le baptême d’adultes sur confession de leur foi a regagné du terrain, tout en restant une pratique minoritaire par rapport à celle des grandes Eglises de multitude.
Le baptême est une ordonnance du Nouveau Testament, instituée par Jésus-Christ, pour être au baptisé un signe de sa communion avec Christ en sa mort et sa résurrection, de son insertion en lui, de la rémission de ses péchés et de son offrande de lui-même à Dieu par Jésus-Christ pour vivre et marcher en nouveauté de vie.
Ceux qui effectivement professent la repentance envers Dieu, ainsi que la foi et l’obéissance au Seigneur Jésus, sont les seuls candidats légitimes à cette ordonnance.
CONFESSION DE FOI REFORMEE BAPTISTE de 16891. |
Evolution du mode de baptême
Le verbe grec transcrit par baptiser signifie immerger, et les témoignages historiques évidents qui nous viennent des premiers siècles de l’Eglise indiquent que le baptême se faisait toujours par immersion. Le langage employé par Paul dans l’épître aux Romains, au chapitre 6, en est un exemple, mais il y en a d’autres.
Au début on baptisait dans la mer ou dans une rivière. Plus tard on construisit des baptistères, et les plus anciens montrent bien que le baptême se faisait par immersion. La Didaché, document écrit probablement vers la fin du 1er ou au début du 2ème siècle, autorise le baptême par aspersion, mais seulement si l’immersion n’est pas praticable. Des auteurs comme Tertullien, vers 200, et Jean Chrysostome, vers 400, parlent d’immersion.
Nous ne savons pas trop comment et quand la pratique a été modifiée : selon le Supplément au Dictionnaire de la Bible de Vigouroux, les coutumes ont varié en Orient et en Occident, mais en général on aurait baptisé par immersion jusqu’au 14ème siècle, puis par immersion partielle accompagnée d’aspersion du 13ème au 15ème, ensuite par aspersion seulement.
Ceux qui tiennent au baptême par immersion des seuls croyants n’ont donc pas besoin de se croire en position de faiblesse par rapport à des pratiques qui sont peut-être majoritaires, mais qui ne se justifient pas bibliquement, et qui n’étaient pas présentes dans l’Eglise des premiers siècles.
R.K.
NOTE
1 : Confession de foi réformée baptiste de 1689 (publiée déjà en 1677 à Londres ; édition française à St Marcel par le Comité d’entraide réformé baptiste, en 1994), p. 78.