Germes de violence1
par Marcel Rufo
L’insulte, la télévision, l’insécurité sexuelle dans la famille : l’agressivité actuelle des adolescents découle de tout cela.
On a souvent l’impression que les ados sont menaçants. D’ailleurs, le récent rapport de l’Observatoire national de la délinquance souligne que les «atteintes volontaires à l’intégrité physique» exercées par les mineurs ont augmenté de 55% en sept ans. Les générations précédentes n’étaient pas une menace pour les personnes âgées, on ne bousculait pas les vieilles dames. On assiste à un phénomène de régression primitive : c’est la loi du plus fort. Dans mon village, lorsque j’étais gamin, on laissait la clef sur la porte. Ce ne serait plus possible aujourd’hui. Quelque chose s’est délité.
Il y a plusieurs types de violences. La première, c’est l’insulte. Les enfants insultent les parents, mais les parents s’insultent entre eux. Il n’est pas rare d’entendre un parent dire, en présence des enfants : « Tu me fais chier ! » La courtoisie a disparu. L’insulte est le virus de la violence. N’acceptons jamais que l’ado hausse le ton.
Il existe une autre violence à laquelle sont soumis les jeunes. Avant, on pouvait rêver à un monde meilleur. Aujourd’hui, il y a la télévision qui fait désirer et exiger. Comment conquérir son rêve quand celui-ci est visible ? On propose à l’ado une image idéale de soi alors qu’il doit se construire lui-même. On n’est pas un produit manufacturé parfait. Il n’y a qu’à regarder l’obsession actuelle de l’orthodontie. Cette perfection est terrible. Les enfants sont devenus les Barbie et Ken de leurs parents.
Cette impossibilité d’avoir et d’être ce qu’on leur montre entraîne des comportements d’agressivité. Récemment, je suis allé voir un jeune en prison. Il avait voulu arracher le sac d’une vieille dame. Elle avait résisté et elle était morte. Ce jeune répétait : « Elle n’avait qu’à lâcher le sac ! » Il ne comprenait pas sa responsabilité. Il était incapable de dire : « Je suis désolé, ce n’est pas ce que je voulais. » Cette violence se retourne parfois contre soi-même. On se pointe, on se perce, on se scarifie. C’est une épidémie. Il n’y a plus personne à qui parler.
La violence sexuelle des jeunes vient aussi du climat d’insécurité sexuelle dans leur famille : 4 fois sur 10, le violeur est le père, le beau-père ou le grand-père. L’agressivité actuelle découle de toutes ces différentes violences. Ma crainte, c’est que les jeunes, à force de ne rien respecter, finissent un jour par choisir l’ordre plutôt que la réflexion, qu’ils deviennent tous militaires.
M.F.
Note
1 : Article « Graines de violence » par Marcel Rufo – L’Express du 21/02/2005. Reproduit avec autorisation.