Comment utiliser son temps libre ?
par Sylvain LOMBET 1
Vous vous êtes certainement déjà posé cette question. Pour pouvoir y répondre, il faut d’abord se demander ce qu’on entend par « temps libre » ? Car de l’idée que nous nous faisons du temps libre va découler notre façon de l’utiliser.
Définition
A proprement parler, le temps libre c’est le loisir. Voici, résumée, la définition du mot loisir que donne le Petit Robert :
– La permission, la possibilité de disposer de son temps (il est loisible, permis de faire quelque chose).
– Le plaisir de faire quelque chose à loisir, autant qu’on le désire, à satiété.
– Le temps dont on peut librement disposer, en dehors de ses occupations habituelles et des contraintes qu’elles imposent.
– Les occupations, les distractions pendant ce temps de liberté (les loisirs).
Il y a donc plusieurs sens au mot loisir. Si nous abordons la question de l’utilisation du temps libre, il convient alors de savoir de quoi nous parlons. Par exemple, si la gestion de notre temps libre nous pose problème, à quel endroit se situe le problème ? Est-ce dans le fait de trouver le temps de nous distraire ? Dans le choix des occupations ? Dans la permission que nous avons ou que nous nous donnons d’avoir un temps de loisir ? Dans la possibilité de nous faire plaisir ?
Loisir et plaisir
Dans le vocabulaire entendu pendant mon enfance, tous ces mots finissant en -ir : loisir, plaisir, désir, etc., avaient une connotation plutôt négative. Le discours ecclésial mettait en garde les chrétiens contre « les plaisirs de la chair », « les mauvais désirs », et leur recommandait d’être prudents face à la « société de loisirs et de consommation ». Ce discours est pertinent par certains côtés. Mais l’on peut également finir par entendre que du loisir et du plaisir, il vaut mieux s’en préserver parce qu’en quelque sorte, «c’est mal».
Loisir et paresse
Le loisir peut ainsi être associé au laisser-aller, voire au péché, au vice. D’ailleurs ce mot loisir ressemble phonétiquement à oisiveté. Et comme chacun sait, « l’oisiveté est mère de tous les vices » selon le proverbe populaire.
On pourrait encore associer oisiveté et paresse, et donc, par extension, loisir et paresse. Nous pourrions citer la Bible elle-même au sujet de la paresse (Pr 6.6-11 par exemple). Le loisir risque-t-il de nous mener à la paresse ? S’activer alors pendant son temps de loisir, au point de ne plus pouvoir faire la différence d’avec le temps de travail habituel, peut être une façon (inconsciente) d’éviter la paresse.
Ou plus exactement d’éviter de se sentir paresseux, aux yeux des autres ou à nos propres yeux. Ainsi, en travaillant dur dans notre loisir, nous pouvons soulager notre conscience qui, sinon, nous accablerait (« Quoi ! Tu te reposes ? Fainéant ! »). Le loisir ne doit alors pas être un temps perdu.
La peur du loisir
Chez les chrétiens, cette attitude peut trouver un écho dans une certaine conception du service. Ils travaillent, ils se dévouent pour les autres, leur emploi du temps est chargé ! Ils « n’ont pas le temps de se distraire ou de s’accorder des plaisirs, ils doivent servir ». Il ne s’agit pas ici de douter de la valeur de leur action (on peut admirer le dévouement de ces hommes et de ces femmes), mais de se demander ce que peut, parfois, recouvrir une telle attitude : un vide, la peur d’un jugement, etc. Nous saurons heureusement éviter ce piège…
Il y aurait néanmoins beaucoup à dire sur le sens que nous donnons à tous ces mots : liberté, permission, travail, service, repos, activité, etc.
En cernant mieux ce qui se joue pour nous autour de ces différents mots, nous pourrons alors mieux répondre à la question : Comment utiliser notre temps libre ?
S.L.
NOTE
1. : Sylvain Lombet est psychologue et travaille dans une institution accueillant des adolescents en difficulté.