Job, mon ami…
(3° partie)
par Francis Bailet
La scène céleste du début du livre de Job nous a permis de découvrir les ruses et les desseins de Satan le menteur, l’accusateur et le meurtrier. Le dialogue qui s’est déroulé dans le ciel est essentiel pour la compréhension du livre. Nous abordons maintenant l’étude des chapitres 3 à 37.
Deuxième partie : DIALOGUE SUR LA TERRE
Cette partie du livre est la plus importante. Elle nous rapporte les autres paroles de Job, les discours de ses trois amis et l’intervention d’Elihou.
Six épreuves ont atteint Job, en deux vagues successives. L’intervention de ses amis sera la septième épreuve, la plus longue, la plus dure. Elle l’atteindra au plus profond de lui-même, mettra son âme à nu. De ce terrible match, Job a gagné les deux premiers sets. Il va perdre le troisième, mais cette défaite sera sa victoire, tant il est vrai qu’être vaincu par Dieu c’est être vainqueur.
Les amis de Job
Des consolateurs fâcheux, des médecins de néant (13.4 et 16.2).
Eliphaz, Bildad et Tsophar étaient sincères, animés d’une affection vraie. Ils sont venus de loin pour consoler leur ami, ont pleuré devant sa douleur, ont mené deuil durant sept jours et sept nuits, mais ils n’ont pas su comprendre, ni secourir.
Ils ont parlé, beaucoup parlé, mais n’ont pas su consoler. Ils n’ont pas su répondre parce qu’ils n’ont pas su écouter. Ils ont mal parlé de Job, ils ont mal parlé de Dieu (42.7). Leurs déclarations étaient justes, mais ne correspondaient pas à la situation de leur ami.
Leur argumentation est fondée sur des visions personnelles (4.12-21), sur l’enseignement des vieillards (15.7-10). Elle est conforme à la théologie traditionnelle : le péché entraîne toujours le châtiment de Dieu ; s’il y a châtiment, c’est qu’il y a péché.
Ils s’irritent des réponses de leur ami et parlent souvent avec dureté, sans compassion. Le deuxième discours d’Eliphaz (ch. 15) est particulièrement sévère (ce discours contient pas moins de 15 questions).
Il y a progression dans leur accusation :
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Dieu bénit le juste et punit le méchant (4.7-9).
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Si Dieu te reprend, c’est pour ton bien. Ne refuse pas la correction du Tout-Puissant (5.17).
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Peut-être que tu as péché ou bien tes enfants ont péché (8.4).
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C’est seulement le méchant qui souffre. Le méchant souffre toujours, tu as du commettre une faute. Tu es méchant, tu as gravement péché (22.5-10).
Le résultat de leurs discours : ils ont irrité leur ami et lui ont fait du mal. Mais Dieu s’est servi d’eux pour mettre à nu le coeur de son serviteur et lui faire du bien à la fin. Par cette dernière épreuve, Job a appris à se connaître.
Les autres paroles de Job
Les premières paroles de Job exprimaient sa soumission parfaite à la volonté de Dieu : « L’Eternel a donné et l’Eternel a ôté : que le nom de l’Eternel soit béni ! » On comprend qu’elles nous soient laissées en exemple. Mais fallait-il rapporter les autres paroles de Job ? Fallait-il consacrer plusieurs chapitres de ce livre à ses plaintes, ses lamentations, à ses déclarations qui vont jusqu’à la folie (6.3) ? Dieu l’a voulu ainsi pour nous faire comprendre qu’il écoute et entend nos plaintes et nos cris. Nous pouvons tout lui dire avec l’assurance qu’il va comprendre et intervenir.
Job a besoin de parler et d’être écouté : « Je ne retiendrai pas ma bouche… je parlerai dans l’angoisse de mon coeur… je me plaindrai… » (7.11 ).
« Je veux parler au Tout-Puissant… je veux plaider ma cause devant Dieu… »
« Que n’avez-vous gardé le silence ? … Ecoutez, je vous prie… »
« Taisez-vous, laissez-moi, je veux parler. Ecoutez, écoutez mes paroles… Quelqu’un disputera-t-il contre moi ? Alors, je me tais et je veux mourir » (13.3, 5-6, 13, 17, 19 ; 21.2-3).
Ces déclarations de Job doivent nous interpeller. Autour de nous, des hommes et des femmes sont incompris et souffrent. l’Eglise sera-t-elle un lieu d’accueil, de compassion et d’écoute ?
Ses « pourquoi » sont nombreux. Vous pouvez les compter. Pourquoi ne suis-je pas mort dans le sein de ma mère ? Pourquoi donne-t-il la lumière à celui qui souffre ? (3.11, 20). Pourquoi espérer quand je n’ai plus de force ? (6.11). Pourquoi me rendre à charge à moi-même ? (7.20) et bien d’autres encore.
Dieu écoute nos « pourquoi » et prend la peine de les écrire. Il voit aussi nos larmes et « les inscrit dans son livre » (Ps 56.9). Où trouver un Dieu comme notre Dieu ?
Ses paroles de désespérance révèlent la profondeur de sa souffrance :
Périsse le jour où je suis né ! Ce que je crains, c’est ce qui m’arrive. Je n’ai ni tranquillité, ni paix, ni repos, et le trouble s’est emparé de moi (3.1, 25-26). Mon âme est dégoûtée de la vie (10.1 )…
Ses paroles sont un appel au secours :
Ayez pitié, ayez pitié de moi vous mes amis ! (19.21 ) Celui qui souffre a droit à la compassion de son ami même quand il abandonnerait la crainte du Tout-Puissant (5.14). Les paroles du désespéré sont faites pour le vent (6.26), c’est-à-dire n’en tenez pas compte, laissez le vent les emporter.
Cependant, il faut le dire aussi, Job a trop parlé. Il est allé trop loin : « J’ose le dire : Dieu détruit l’innocent comme le coupable » (9.22). Il a souhaité la mort alors que la vie est une grâce. Irrité par les fausses accusations de ses amis, il a osé proclamer qu’il était juste devant Dieu (32.1-2). Son monologue final (ch. 29 à 31) exprime une grande tristesse dans révocation du bonheur passé et du malheur présent. Tout ce discours démontre qu’il est centré sur lui-même. Il faut noter les « je » des chapitres 29 et 31. Le chapitre 31 est appelé son « serment d’innocence ».
Ainsi, Job se considère « sans péché ». Il est propre juste, il n’a pas encore appris à se connaître. « Ses amis cessèrent de lui répondre parce qu’il se regardait lui-même comme juste » (32.1 ). C’est Elihou qui va prendre le relais pour essayer de convaincre Job, mais sans plus de succès. Il faudra l’intervention de Dieu pour que lui soit révélé l’état véritable de son coeur.
L’intervention d’Elihou
Ce personnage mystérieux a été témoin du dialogue entre Job et ses amis. A cause de sa jeunesse, il a écouté, avec patience, les longs discours des vieillards. Maintenant il va parler parce que les autres n’ont plus rien à dire.
L’intervention d’Elihou prépare celle de Dieu lui-même. Son nom signifie: « Dieu est l’Eternel ». On peut résumer l’essentiel de son intervention de la manière suivante :
Une autre attitude
Respect, humilité et dépendance de Dieu
II a attendu que les autres aient fini de parler (32.6). « Devant Dieu, je suis comme toi. Moi aussi, j’ai été tiré de l’argile. » « Mon autorité ne saurait t’accabler… « (3.6). Il sait que « c’est Dieu qui peut confondre Job et non un homme » (32.13). Il ne fait pas de considération de personne, il ne flatte pas l’être humain, car il ne sait pas flatter (32.21-22).
Elihou parle avec humilité, mais avec autorité et ose dire à Job, à plusieurs reprises : « Sois attentif, écoute-moi… tais-toi…tais-toi et je t’enseignerai »(33.31-33).
Une autre révélation
L’enseignement d’Elihou n’est pas fondé sur la sagesse des hommes, mais sur les révélations de Dieu
L’Esprit de Dieu l’a formé et le remplit (33.4). Il s’exprime parce qu’il ne peut faire autrement, il est « plein de paroles ». Au dedans de lui c’est comme « du vin sous pression, comme des outres neuves qui vont éclater » (32.18-19).
Elihou révèle à Job la magnifique grâce de Dieu « Dieu a trouvé une rançon », II a compassion et fait grâce aux hommes. Il ne les traite pas comme ils le méritent. L’homme éprouvé, au bord du désespoir peut alors « chanter devant les hommes et dire : j’ai péché, j’ai violé la justice et je n’ai pas été puni comme je le méritais ; Dieu a délivré mon âme., et ma vie s’épanouit à la lumière » (lire 33.22-30).
Une autre exhortation
Les trois amis ont reproché à Job son passé. Elihou veut lui faire comprendre que c’est son attitude présente qui ne va pas. Elihou conseille à Job :
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La patience : « Bien que tu dises que tu ne le vois pas, ta cause est devant lui : attends-le » (35.14).
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La confiance: « II te retirera de la détresse » (36.16).
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la louange : « Souviens-toi d’exalter ses oeuvres » (36.24).
Une autre réponse
Dieu est souverain : « Si Dieu ne pensait qu’à lui-même, s’il retirait à lui son esprit, toute chair périrait soudain » (34.14).
Dieu est juste : « II parle, il avertit, il reprend » (33.14). « Par la souffrance aussi l’homme est repris sur sa couche » (33.19 et 36.15).
Dieu voit, soutient, comprend, a compassion : « II regarde tous nos pas » (34.21). « II entend le cri du malheureux » (34.28). « II te retirera de la détresse » (36.16).
Elihou est un vrai serviteur. Il a préparé le chemin du Seigneur. Job est prêt maintenant à écouter l’Eternel. Le dialogue ne sera plus entre des hommes. Le ciel va s’ouvrir et Dieu va parler.
Enfin, un dialogue va s’établir entre le ciel et la terre.
F.B.