Un livre précurseur
par Esther Buckenham
Bientôt l’année 1992 sera morte. Nous sommes, encore une fois, à un tournant de notre histoire. Nous avons voté… et il est vrai que la France a « murmuré » son « oui » à l’Europe ! Nous avons reçu par la poste, tous, un « Traité sur l’Union Européenne » – un ensemble de dix-sept protocoles, un acte final, et trente-trois déclarations…
« Résolus à poursuivre le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises le plus près possible des citoyens, conformément au principe de subsidiarité : dans la perspective des étapes ultérieures à franchir pour faire progresser l’intégration européenne, ont décidé d’instituer une union européenne… ».
Pour beaucoup d’entre nous, cette union européenne semble être une chose bien lointaine qui ne touche pas directement à notre vie de chaque jour. Nous sommes conscients d’un malaise général — d’incertitudes — de soucis ressentis par les uns et les autres. Pour les chrétiens, s’ajoute toute la question de la foi, de l’Evangile, de la liberté de l’avenir.
Les royaumes, les empires, les puissances de ce monde, changent souvent, et continueront de changer — mais la Parole de notre Dieu demeure éternellement. Pour encourager notre foi, nous devons regarder en arrière avant de considérer l’avenir ! Nous pouvons dire avec David : « Seigneur, tu as été pour nous un refuge de génération en génération. Avant que les montagnes fussent nées, et que tu eusses créé la terre et le monde, d’éternité en éternité tu es Dieu… » (Ps 90.1 -2).
L’hébreu, le grec classique, même le latin, sont devenus des langues mortes (sauf pour les étudiants et les érudits) mais ici en France, ici en Europe, Dieu a pourvu ! Chacun peut lire sa Parole dans sa propre langue. Ne devons-nous pas en cette fin d’année, prendre le temps de le remercier, et de nous réjouir ?
Savez-vous ? En France…
… un des premiers textes connus de notre temps est un dictionnaire latin-français de la Bible, qui date de 768 ans après Jésus-Christ ? Ce dictionnaire s’appelle le « Glossaire de Reichenau » — découvert à la Bibliothèque Reichenau en 1863. Il se compose de deux colonnes parallèles, dont l’une donne les mots de la Bible latine, et l’autre les mots correspondants du français d’alors.
Ainsi, le premier écrit connu de notre langue est un ouvrage destiné à faire comprendre la Bible (Histoire de la Bible française, D. Bortsch. Ce dictionnaire en deux manuscrits est conservé à la Bibliothèque de Karlsruhe en Allemagne).
Il est impensable de ne pas mentionner le Nouveau Testament imprimé par Guillaume Le Roy à Lyon vers 1476-78, pour Barthélémy Buyer (Bibliothèque Municipale de Lyon). Un peu plus tard, l’oeuvre de Jacques Lefèvre d’Etaples — une traduction complète de la Bible en français — fut publiée en dépit de maintes difficultés en 1527-28 (Bibliothèque du Saulchoir, Paris). Depuis lors, les traductions de la Bible se sont succédées, et aujourd’hui nous pouvons louer Dieu non seulement pour sa Parole entre nos mains, dans notre langue, mais aussi pour la liberté dont nous jouissons pour la lire, pour la faire connaître, pour la mettre en pratique chaque jour de notre vie.
Mais allons un peu plus loin…
Savez-vous ? En Allemagne…
… un manuscrit a été écrit en allemand au commencement du 9e siècle à Mondsée, près de Salsbourg. Il contient 16 pages de l’Evangile selon Matthieu. Nous n’en savons pas la date exacte, mais nous savons que ce fut avant l’an 800. Il existe aussi d’autres manuscrits de cette époque, qui incluent trois versions de la prière dominicale.
Un moine de Weissenbourg — Otfrid — a écrit un poème : « Liber Evangelorum », entre 863 et 871. Il explique au début de son ouvrage, pourquoi il écrit en allemand : « Cur scriptor hune librum theodisce dictaverit » — « Car il a remarqué que les Grecs et les Romains ont chacun écrit dans leur propre langue — pourquoi pas les Francs — car ils ne sont pas inférieurs aux autres » (The Cambridge History of the Bible, page 419).
Il faudrait beaucoup plus de place pour parler de l’oeuvre énorme de Martin Luther et des changements dans la pensée, dans l’expression et dans la langue qui se sont produits en Allemagne — et bien au-delà — grâce à sa traduction de la Bible !
Savez-vous ? En Espagne…
… la Bible « Complutensian » (1514-17) avait une mise en page tout à fait originale ? Au centre de la page se trouvait le texte en latin (la Vulgate), à gauche il y avait la Septante en grec, et à droite, l’hébreu. Au bas de la page se trouvait le « Targum d’Ongelos » avec sa traduction en latin. Cette mise en page souligne le soin d’exactitude qu’apportaient les anciennes écoles de Séville et de Tolède à la transmission du texte biblique.
Malheureusement, une traduction en langue valencienne de la Bible tout entière, par Bonifacius Ferrer, a été si abîmée, que seule subsiste aujourd’hui la dernière page de cet ouvrage ; elle est conservée à la Société Hispanique de New-York.
Il est intéressant de noter qu’à la différence des traductions en d’autres langues, les bibles espagnoles ont été traduites de l’hébreu, et non du latin de la Vulgate (The Cambridge History of the Bible, page 465).
Savez-vous ? En Italie…
… la Bible a été traduite plus tard qu’en France et qu’en Allemagne ? Les Evangiles et les Psaumes se sont trouvés parmi les premiers livres à être traduits. Nos plus anciens documents de Bible complète datent du 14e siècle, mais il y en avait eu probablement dès le milieu du 13e siècle. Deux Bibles complètes ont été imprimées à Vienne en 1471 : l’une par Nilcolo Malermi (1420-81), l’autre par N. Jenson. Dante, dans Conviction (1304-08) cite la Bible en italien 52 fois! (35 citations de l’Ancien Testament, et 17 du Nouveau — The Cambridge History of the Bible, page 458).
Ces flashes sur quelques pays d’Europe — auxquels ils serait intéressant d’en ajouter plusieurs autres, dont l’Angleterre et la Suède — nous montrent combien nous devons être reconnaissants : nos racines bibliques sont solides et ont résisté à l’épreuve du temps ! A nous de poursuivre la tâche entreprise dans des conditions bien plus défavorables que les nôtres aujourd’hui ! A l’heure actuelle la Bible a été traduite en entier en plus de 300 langues ; il en existe des portions en plus de 1900 langues, et plus de 500 traductions sont actuellement en chantier.
Douze millions de Bibles sont diffusées chaque année, et depuis 1991, un effort spécial sur 4 années est entrepris en faveur des pays de l’Europe de l’Est — ce qui devrait doubler ces chiffres. En Albanie cette année, l’Alliance Biblique prévoit la distribution de 60000 Bibles (renseignements fournis par l’Alliance Biblique en France et dans le monde).
Oui, en Europe aujourd’hui, nous avons la Parole de Dieu : don inestimable. Nous avons l’Esprit Saint, nous avons toutes les ressources de la prière, et nous avons notre Seigneur Jésus-Christ qui nous représente jour et nuit dans la présence de Dieu le Père.
Nous sommes peut-être entourés d’incertitudes, d’apathies, de problèmes économiques, de pauvreté, de chômage, mais nous pouvons à la fin de cette année 1992, et « au seuil de l’Europe » — une nouvelle étape — lever la tête et partager le cri de triomphe et d’espoir de Job : « Je sais que mon Rédempteur est vivant » — en Europe, aujourd’hui — « II y a un avenir et notre espérance ne sera pas anéantie » (Pr 23.18).
E.B