Vivre avec notre maître
par Daniel Herrmann
VIVRE ENSEMBLE était le thème de la Conférence Nationale des C.A.E.F. à Chevilly-Larue fin octobre 1991. Chacun des participants a été frappé de plein fouet par ce message, qui aborda successivement les trois niveaux de relation que chaque chrétien expérimente : Vivre avec notre Maître, Vivre en équipe, Vivre l’Eglise dans le monde. Les lignes qui suivent sont des notes prises lors de la première soirée1.
Suivre le Maître
1. Le sens
Le maître c’est celui qui gouverne, qui commande, qui exerce un pouvoir, qui a une autorité. Quand on considère certains textes dans la Bible qui parlent de Dieu le Maître, on est profondément frappé de sa grandeur, de son autorité. Quand Melchisédek bénit Abraham, il le bénit au nom du Dieu Tout-Puissant, le Maître du ciel et de la terre, le Dieu Très-Haut. C’est une notion qui devient importante quand nous acceptons de reconnaître notre Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu, comme étant notre Maître.
Nous voyons partout aujourd’hui les influences, les actions du prince de ce monde, nous n’avons pas le droit d’oublier celui qui est le Maître du ciel et de la terre. En effet, ce Dieu qui nous a appelés, qui nous a sauvés de la perdition éternelle, qui nous a pardonnes, qui veut vivre d’une façon si proche de chacun d’entre nous, est le Maître du ciel et de la terre ! Et si Dieu l’est réellement il a droit, dans nos vies, à un certain respect.
J’aime beaucoup dans la Bible ce passage de Malachie 1.6, où Dieu parle aux sacrificateurs infidèles : Si Dieu est Père : où est l’honneur qui lui est dû ? Si Dieu est maître : où est la crainte qu’on a de Lui ? La crainte est ce profond respect, ce sentiment qui pousse l’homme à se pencher, se plier, adorer le Dieu Tout-Puissant.
2. La portée
Notre Maître demande une telle attention, un tel engagement d’obéissance de notre part que Jésus précise en Matthieu 6.24 que nul ne peut servir deux maîtres. En effet, tout l’amour que Dieu peut investir dans notre existence, tout l’amour que nous pouvons exprimer en dépendant de Lui, est juste l’amour suffisant pour servir un seul maître. Nous n’aurons jamais, aussi longtemps que nous respirerons, la force nécessaire pour servir deux maîtres de la façon dont Dieu attend que nous le servions. Il nous faudra toute notre force, tout notre coeur pour le servir et l’aimer. En particulier Jésus déclare qu’il est impossible de l’aimer et d’aimer Mammon (le matérialisme, l’argent, nos biens, notre vie, nos désirs égoïstes)…
Est-ce que j’ai bien compris que Dieu est le Maître ? Est-ce que ma vie reflète, confirme cette conviction ? Fait-elle preuve d’obéissance ? Est-ce que cette obéissance est mesurable ? Dans notre thème, nous lisons l’expression « notre Maître ». Si je déclare que Dieu est mon Maître, il y a une prise de position personnelle. Je rends un témoignage, il est mon Maître. C’est un choix, j’ai décidé ainsi que quelqu’un a autorité sur ma vie.
Si j’ai décidé cela, je dois reconnaître dans ma vie personnelle que toute la volonté que Dieu m’a donnée, doit être engagée à faire la volonté de Dieu. Je crains que nous ne courrions parfois le risque dans notre génération de vivre un certain laisser-aller comme celui que l’on observe dans le monde qui nous entoure. Certes, nous ne sommes pas esclaves d’une vie mondaine dépravée, mais nous avons peut-être transformé les passions mondaines en désirs « évangéliques », en désirs religieux, en désirs qui protègent d’une certaine façon notre vieille nature, au lieu de l’exposer à la lumière de Dieu. Qu’il nous aide à engager la volonté qu’il nous a donnée pour nous soumettre à la sienne.
3. La pratique
J’ai toujours des jeunes autour de moi et j’aime former des jeunes sur le terrain. Je crois en effet que la volonté se forme dans la pratique, au travers de situations où l’on ne peut pas faire marche arrière, où l’on est obligé de continuer. Car je crois que la volonté est formée dans notre vie par la souffrance. C’est Dieu qui met la dose utile pour notre sanctification, c’est Lui qui sait ce qui est indispensable afin que nous ne puissions pas nous reposer sur nous-mêmes. Notre Père céleste a une pédagogie adaptée à chaque être humain de façon très personnelle. Une formation de la volonté est indispensable pour accéder à certaines profondeurs spirituelles.
Je plains quelquefois des bien-aimés du Seigneur, qui sont tellement conduits par leurs désirs du moment qu’ils n’arrivent jamais à certaines profondeurs spirituelles où ils pourraient s’engager pour traverser une bataille spirituelle jusqu’à la victoire. Je crois que bien des batailles spirituelles ont été livrées en France par beaucoup de frères et soeurs aimant le Seigneur, mais sans que nous en soyons beaucoup plus avancés. Car trop de batailles ont été abandonnées avant la victoire.
On aime rapidement faire des bilans, faire des statistiques, alors qu’on a peut-être oublié qu’on est au milieu de la bataille, et qu’il faut apprendre à investir toute la volonté reçue pour faire la volonté du Seigneur. La question à se poser à soi-même est la suivante : Est-ce que ma femme et mes enfants, en observant mon comportement ont la preuve que Jésus est mon Maître ?
Je crois que nous devons réapprendre dans notre vocabulaire à réaliser que les vérités spirituelles sont des déclarations pratiques et non philosophiques ou cérébrales. Vous affirmez : « Jésus est mon Maître ! » Est-ce une déclaration théologique, philosophique, cérébrale, mentale ou une prise de position pragmatique, pratique sur le terrain ?
4. La réalité
J’ai toujours été émerveillé par la façon d’évaluer de Jésus. Quand nous regardons les Evangiles, nous ne trouvons nulle part le Seigneur en train de dire à ses disciples : « Voyez cette personne, nous avons un bon contact ensemble. Elle est venue me voir tout à l’heure, on a pu prier ensemble et elle a fait un pas » (on ne trouve pas cela dans le NT… le pas). Au contraire, le Seigneur dit à ses disciples : « C’est aux fruits que vous connaîtrez l’arbre ».
Si vous me conduisiez en hiver dans un verger et que vous me demandiez lesquels sont les pommiers, et de quelle variété de pommes il s’agit, vous vous amuseriez bien parce que je n’y connais pas grand-chose. En automne quand il y a les fruits, ça va déjà mieux, j’ai plus de discernement. Je crois que dans toute la nature que Dieu a créée, il nous a laissé des leçons importantes, une en tout cas : il y a un temps pour tout, des saisons très différentes.
Aujourd’hui on confond le fruit et les dons, et c’est un problème qui paralyse certaines églises… Pour Noël certains mettent des sapins de Noël dans leur salon et y accrochent des chocolats. Ces arbres devraient-ils s’appeler des chocolatiers ? On ne reconnaît pas un arbre aux cadeaux que l’on y suspend, mais on le reconnaît à ses fruits. On le reconnaît par ce qui a mûri sur lui grâce à son enracinement dans le sol, à la lumière, à la sève qui circule de son tronc à ses branches.
L’Evangile est simple, pratique. Par la grâce de Dieu je peux saisir sa pensée. Je crois qu’effectivement nous pouvons consacrer notre existence à ce Maître. Il fera, au travers de nos vies, transparaître la sienne. Avoir cette ambition n’est pas de l’orgueil. Un pommier ne porte pas de fruits par orgueil, mais parce qu’il est en contact permanent avec les richesses du sol, parce qu’il est un arbre vivant.
Aux pieds du Maître
1. Prendre du temps
Comment entrer dans l’intimité de ce Maître ? Comment vivre avec Lui ? Vous possédez probablement un de ces « livres de mort» que sont les agendas (le seul Livre de Vie est au ciel !). La plus grande épreuve de force que traverse la volonté du chrétien aujourd’hui est de s’arracher aux multiples activités quotidiennes pour être un moment seul avec son Maître.
Voilà ce que l’on écrivait déjà au XVIe siècle : « Cherchez un temps propre à vous occuper de vous-mêmes et pensez souvent aux bienfaits de Dieu. Laissez là ce qui ne sert qu’à nourrir la curiosité, lisez plutôt ce qui touche le coeur que ce qui amuse l’esprit, retranchez les discours superflus, les courses inutiles, fermez l’oreille aux vains bruits du monde, et vous trouverez assez de loisirs pour la méditation de la Bible.
Nul ne parle avec mesure, s’il ne se tait volontiers ; nul n’est en sûreté dans les premières places s’il n’aime les dernières ; nul ne commande sans danger s’il n’a pas appris à obéir. Laissez aux hommes vains les choses vaines, ne vous occupez que de ce que Dieu vous commande. »
Quand j’étais enfant, j’entendais souvent la porte du bureau de mon père s’ouvrir à 5 heures et mon père s’asseoir pour prier. Plus tard, en pleine crise de l’adolescence, je me révoltais contre Dieu par bêtise et surtout par orgueil, mais je savais intimement que mon père allait gagner.
2. Le rencontrer
Le royaume de Dieu ne se construit ni dans la précipitation, ni par hasard ; il se construit par des femmes et des hommes qui aiment la solitude avec le Maître. Le royaume ne se construit pas par ceux qui courent de-ci de-là. Si Dieu nous utilise malgré tout dans notre affairement, c’est encore une preuve de sa grâce. Il sait utiliser même des choses futiles et imparfaites pour en tirer du bien.
Mais j’aimerais vous encourager à trouver, à prendre ce temps de solitude avec Dieu. Ce n’est pas chose aisée, c’est une bataille que je livre depuis 20 ans dans ma vie. Mais je sais aussi combien ils sont bons ces longs moments passés dans la présence de l’Eternel, lorsque l’on est inaccessible pour les humains et seul avec le Père. Je voudrais tant qu’ensemble et chacun pour soi, nous puissions apprendre la richesse profonde d’une intimité prolongée avec le Père. Il est possible de lire à haute voix la Bible, de s’arrêter à chaque verset pour répondre au Père par rapport à ce qu’il dit : la Bible est la parole vivante que Dieu nous adresse aujourd’hui.
Au travers de situations parfois difficiles, Dieu veut entraîner notre volonté ; quand II réalise qu’elle est déficiente, II nous place parfois dans des circonstances où elle a l’occasion de se fortifier. C’est pourquoi nous ne pouvons présenter de demande de ce style : « Père, donne-moi de la patience tout de suite ! ». Certes, il nous répondra, mais il s’agit d’accepter de s’entraîner, de suivre le processus normal de formation dans lequel Dieu nous a engagés. Nous avons un Maître merveilleux qui sait exactement ce dont nous avons besoin pour grandir dans la connaissance. Quand vous êtes dans sa présence, à son écoute, dans le silence, avec la Bible ouverte, j’aimerais vous encourager à faire une pleine confiance au Saint-Esprit.
3. L’oeuvre du Saint-Esprit
Si nous sommes nés de nouveau, nous avons reçu le Consolateur, le Saint-Esprit. Sans lui nous ne pourrions pas vivre. Il est là pour fortifier notre foi, pour replacer au bon moment les promesses de Dieu devant nos yeux.
Ce Consolateur est là comme un bien-aimé qui arrête le cours de l’histoire de ma vie quand je pèche. Je suis heureux de ne pas avoir à m’introspecter en permanence en ce qui concerne le péché, car je connais l’attention fidèle de ce Consolateur à mon égard : quand je tombe, je sens le resserrement de mon coeur. Ainsi quand je racontais une histoire, si j’en disais plus que la réalité, j’ai dû, plus d’une fois, m’arrêter au milieu d’un dialogue pour dire : « Pardonne-moi, j’ai exagéré ». L’arbitre avait sifflé la faute ! C’est le bien-aimé qui rappelle à l’ordre, c’est le Consolateur qui suggère : « Reste en contact avec le Père… Arrête… » Quel privilège alors de pouvoir demander pardon et de se rappeler encore et encore et inlassablement que le sang de Jésus suffit pour effacer mon péché.
En voyant naître une nouvelle Eglise, j’ai souvent dû faire appel au Consolateur ; en observant telle ou telle personne, j’étais en souci pour elle et mon coeur se remplissait de crainte. Ma consolation, c’est qu’il s’agit de l’Eglise du Seigneur, dont il est le Berger. Un Berger qui sait rappeler à l’ordre et consoler. Ceux qui aiment le Seigneur désirent se laisser corriger par l’Esprit de Dieu. Quel repos ! Quel privilège de savoir que l’Esprit Saint travaille dans les coeurs !
4. Vivre la victoire
Dans les moments où vous êtes seul avec Dieu, je vous invite à monter au ciel… Je sais que dans la bataille que nous avons à livrer, nous sommes confrontés à notre vieille nature, au monde, aux puissances adverses, aux démons. Nous sommes engagés dans une bataille où le monde invisible est bien organisé.
En étant auprès du Seigneur, nous sommes du côté des vainqueurs ; nous constituons la seule armée à aller au combat en ayant déjà remporté la victoire ! C’est un privilège du chrétien : il ne part pas à la guerre avec un sentiment d’échec. Au contraire, nous allons à la guerre en suivant le char triomphal du Christ, très conscients que la victoire est déjà acquise !
C’est pour cela qu’il est très important, pendant le temps que nous consacrons à l’intimité avec le Père, de monter au ciel pour nous approcher du Trône de la grâce. Ma vue d’en-haut sur la situation du monde est meilleure que la vue d’en-bas… car on considère le présent ou l’avenir menaçants peut-être, dans l’optique d’une victoire finale qu’il a acquise sur la croix.
« Vivre avec le Maître » : l’ennemi essaie de faire tout son possible pour placer comme un nuage de fer au-dessus de l’Eglise pour l’empêcher de voir la victoire, la splendeur, la beauté de Christ. Et il me semble que nous n’avons pas à nous battre contre ce nuage, mais à le dépasser : la bataille a été livrée, le tombeau est vide. Nous pouvons vivre pour un Maître victorieux dans le quotidien ; vivre aussi avec Lui, conscients de toutes nos défaites.
Je sais combien Dieu est capable de travailler avec un incapable… Dans une entreprise, tout bon patron qui se sait non polyvalent, s’entoure de gens qualifiés. Jésus est tellement capable qu’il peut s’entourer de gens… incapables pour construire son royaume ! Sa victoire est tellement efficace qu’il n’a pas à compter avec mon incapacité de renverser l’ennemi.
5. Le mot de la fin
Si nous voulons vivre avec notre Maître, sachons que nous serons toujours plus proches de Lui. Mais sachons aussi qu’un principe spirituel demeure : il n’y a pas de bénédiction sans obéissance. Bénédiction et obéissance sont deux mots de la Bible qui sont inséparables. Dieu attend de nous la fidélité dans des petites choses, les plus petites.
Ayons le courage de faire de la place dans notre agenda, d’écarter des projets qui nous semblent importants pour avoir du temps pour Dieu. Nous ne pouvons pas tout conserver, mais il s’agit de mettre toujours Dieu en priorité !
D.H.
NOTE
1. : Le style oral a été conservé. Nous remercions l’auteur qui nous a permis de publier ce texte.