Approche pastorale du mariage

 

 couple

par Marc LÜTHI

 

 

Ceux qui ont participé à la Conférence Nationale des Assemblées en novembre dernier ont été enrichis par les études apportées par Marc Lüthi. Plusieurs ont souhaité voir ces exposés publiés. Voici donc le texte du premier. Le second paraîtra dans le prochain numéro de Servir, ainsi que l’étude de M. Henri Blocher sur le même thème.

 

Nous sommes particulièrement heureux de pouvoir consacrer une première étude à la pastorale du mariage, avant de traiter de la pastorale du divorce et du remariage. Comme en médecine, la priorité doit être accordée à la prophylaxie plutôt qu’à la thérapeutique. Ou dit différemment : la prophylaxie reste la meilleure thérapeutique !

 

 


 

I. Préparation au mariage

 

1. Enseignement généralisé

 

La mentalité du monde dans lequel nous vivons est de plus en plus éloignée de l’éthique chrétienne. Son influence se fait toujours plus forte, jusque dans les églises, et nos assemblées évangéliques n’en sont pas épargnées. La seule façon de contrecarrer ce courant est de revenir à l’enseignement des Ecritures.

 

Il nous faut donc saisir toutes les occasions pour transmettre un enseignement biblique approfondi sur le mariage. Il est de la responsabilité des anciens et des pasteurs de veiller à cet enseignement à tous les niveaux : catéchisme, groupe de jeunes, études bibliques, prédications, etc. Il est indispensable que le peuple de Dieu connaisse l’enseignement des Ecritures concernant le mariage, le couple et la famille.

 

2. Rencontres pour fiancés

 

Une manière très positive de contribuer à cette éducation chrétienne est de proposer des séminaires ou des fins de semaine à l’intention des fiancés. Chaque église locale n’a pas forcément la capacité d’organiser de telles rencontres, mais il est possible de le faire par région, en mettant en commun les ressources et faisant appel à des ministères plus spécialisés.

 

La Ligue pour la lecture de la Bible en Suisse romande, par exemple, organise depuis quelques années de tels séminaires. Les fiancés sont invités à mettre à part deux week-ends par année pour un temps de réflexion, de partage et de formation. Les animateurs en sont un couple pastoral et un médecin chrétien. Au programme figurent des thèmes comme : Qu’est-ce que le mariage ? Fondements bibliques et spirituels. Comment favoriser le dialogue dans le couple ? Une éthique sexuelle, médicale et biblique. Les relations affectives selon Dieu.

 

3. Rencontres de préparation au mariage

 

Je ne pense pas ici à des rencontres de groupe, quoique ce serait envisageable, mais je pense plutôt aux entretiens de préparation au mariage avec celui qui aura la responsabilité de la bénédiction du mariage, avec le pasteur ou l’ancien. Plusieurs rencontres doivent être prévues pour pouvoir aborder ensemble un certain nombre de thèmes indispensables. A mon avis, il ne faudrait pas descendre en-dessous de trois séances qu’il serait utile de vivre en couples, dans le cadre chaleureux d’un foyer, si possible précédé ou suivi d’un repas. Une présence féminine est très souhaitable ! L’atmosphère doit être au partage, à l’écoute et à la confiance.

 

a) Le déroulement de la cérémonie de bénédiction

 

II est utile de prendre du temps pour mettre au point le déroulement de la cérémonie. Il n’est pas nécessaire de suivre régulièrement le même ordre. On peut tenir compte des voeux des futurs mariés, des circonstances particulières des familles présentes, etc. Il est bon de faire preuve d’une certaine souplesse tout en sachant garder l’essentiel. Des détails comme par exemple, l’entrée des époux et de leurs familles, méritent d’être discutés, ne serait-ce que pour aider les futurs mariés à réfléchir aux sensibilités de leurs parents et éviter de se créer des problèmes par manque d’attention. La préparation au mariage est souvent le premier choc de deux familles !

 

Il faut également rendre sensibles les candidats au mariage au fait que cette cérémonie ne leur appartient pas en propre. Ce n’est pas une rencontre privée, ni même familiale, mais de caractère ecclésiastique. Il est donc juste de veiller à ce que les responsables des églises auxquelles sont attachés les futurs époux soient au courant, plus que cela, impliqués dans la cérémonie.

 

b)Le contenu des promesses ou des engagements qui seront échangés lors de la cérémonie

 

Nous préciserons plus tard pourquoi il nous paraît utile pour ne pas dire indispensable de prononcer de tels engagements dans l’Eglise. Pour l’instant nous nous contentons de nous arrêter à leur contenu. Bien des fiancés souhaitent rédiger eux-mêmes leurs promesses, alors il faut leur donner les moyens de le faire en les aidant à bien comprendre l’enseignement biblique au sujet du mariage afin que leurs engagements soient véritablement une réponse personnelle donnée à la Parole de Dieu. Il est tout à fait possible de faire usage d’une liturgie et de l’adapter.

 

c) D’autres points à partager avec les futurs époux

 

II est souhaitable également d’oser aborder avec les futurs époux ce qui concerne leur vie sexuelle. C’est le moment d’un partage en rapport avec ce qu’ils ont vécu jusqu’à présent. Il est juste, voire même nécessaire d’en parler, parce que ce peut être l’occasion d’une confession, d’une repentance et d’une mise à la lumière. Le but n’est pas de chercher à culpabiliser les fiancés, mais de leur donner l’opportunité de recevoir la grâce de Dieu concernant leur vécu commun et/ou passé. Ce climat de transparence et de vérité entre les époux et avec eux est une condition à la bénédiction de Dieu sur eux !

 

D’autre part il est aussi important de s’entretenir des moyens de contraception et de souligner l’importance d’un profond accord entre les époux à ce sujet (cf. 1 Co 7.5). Leur conseiller une visite médicale. Les aider à réfléchir à leurs motivations en ce domaine. Veiller à ce qu’ils soient prêts aussi à accueillir un enfant le moment venu. Il ne serait pas juste de bénir une union de conjoints qui refuseraient d’accomplir leur tâche de procréation (Gn 1.28).

 

« C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair » (Gn 2.24). Ce verset non seulement institue le mariage, mais souligne l’importance de « quitter » les parents, II ne s’agit pas d’abord d’un éloignement géographique, mais d’une coupure psychologique. Pour qu’un nouveau foyer puisse être fondé, il est indispensable que les jeunes époux soient pleinement indépendants. Des ressentiments tels que la haine ou la rancune lient un homme ou une femme à ses parents de façon négative ! D’où l’importance de régler les relations avec les parents, de veiller à ce que la grâce et le pardon de Dieu les aient restaurées. Ce peut être l’occasion de démarches précises de pardon, de guérison intérieure, de réparation.

 

 

II. La cérémonie de bénédiction de mariage

 

1. La responsabilité de l’Eglise dans la bénédiction de mariage

 

Bien des jeunes de nos assemblées, marqués par l’esprit individualiste de notre époque, conçoivent leur bénédiction de mariage comme un acte privé. Souvent ils fixent eux-mêmes la date sans consulter personne, choisissent indépendamment le lieu de culte, contactent tel prédicateur de leurs amis pour lui demander de prononcer la bénédiction, sans ressentir le besoin d’un contact ou d’un partage avec les responsables de leurs églises locales. Nous avons assisté à une bénédiction de mariage où les jeunes époux, s’étant tournés vers l’auditoire, furent les premiers à souhaiter la bienvenue à leurs familles et amis, oubliant qu’en fait c’était l’Eglise qui les accueillait en ce lieu. Ils sont en cela les enfants du siècle, mais aussi les héritiers de chrétiens qui n’ont souvent que peu le sens de l’Eglise et cela jusque dans les assemblées évangéliques marquées par le chacun pour soi.

 

2. La prédication

 

C’est vrai qu’une bénédiction de mariage rassemble souvent des auditoires nombreux formés en bonne partie de personnes ne fréquentant pas habituellement les lieux de culte, et que ce peut être l’occasion rêvée de faire de l’évangélisation ! Comment ne pas profiter de cette aubaine pour un prédicateur de pouvoir s’adresser à tant de personnes « nouvelles » ? Sans perdre de vue cette dimension d’évangélisation, il me paraît pourtant utile de rappeler le fait que la prédication s’adresse d’abord aux jeunes époux. Il ne faudrait pas trop vite oublier que même en tant que chrétiens, les conjoints ont besoin de la grâce de Dieu pour vivre valablement leur vie de couple.

 

Il ne faudrait pas faire croire que pour eux les choses iront toutes seules et par conséquent que ce qui compte, c’est le salut des perdus ! Dans la mesure où cette parole aura rejoint les époux, elle saura aussi toucher à salut les autres auditeurs présents. Parce que nous aurons clairement reconnu que tous indistinctement nous vivons de la même grâce de Dieu, à commencer par les chrétiens, tous pourront aussi se sentir concernés par le message ! Ce qui fera sa force, ce sera l’authenticité et l’humilité !

 

3. L’échange des promesses

 

II se peut que pour certains l’échange de promesses au cours de la cérémonie de mariage paraisse superflu, trop pompeux et liturgique. L’engagement pris devant l’officier d’état civil n’est-il pas suffisant ? D’ailleurs nous n’avons pas le droit ni en Suisse ni en France, de célébrer le mariage religieux avant le mariage civil. Le mariage civil serait-il incomplet, un mariage au rabais ?

 

Le mariage étant une institution divine d’ordre créationnel, nous reconnaissons la pleine valeur du mariage civil. Il n’est pas nécessaire que l’Eglise s’en mêle. Cependant les engagements pris devant l’officier d’Etat civil est conforme aux lois politiques du pays, tandis que dans l’Eglise il s’agit de l’engagement par rapport à la loi divine. Et nous le savons bien, l’écart entre les deux se creuse de plus en plus. C’est pourquoi la formulation des promesses prononcées dans l’église, doit être une réponse fidèle à l’enseignement biblique concernant le mariage. Attention à une trop grande originalité en ce domaine, d’engagements évasifs ou au contraire surabondants. Que les responsables y veillent !

 

C’est aussi l’occasion pour les époux de marquer clairement leur dépendance de Dieu, le besoin d’être secourus par sa grâce pour être capables de tenir leurs promesses. Ne donnons pas la fausse impression aux jeunes chrétiens que tout ira tout seul pour eux, par le simple fait qu’ils sont chrétiens. C’est une folie de prendre de tels engagements, si ce n’est avec l’aide de Dieu, confiants en sa toute puissance et en son secours fidèle !

 

4. Les témoins

 

Dans l’Eglise l’alliance est scellée en présence des témoins visibles et invisibles. Ceux-ci donnent à une déclaration ou à une promesse son caractère solennel, irréfutable et en font un engagement ou une alliance. « Un fait ne pourra s’établir que sur la déposition de deux ou trois témoins » (Dt 19.15 ; cf. aussi Mt 18.15-20). Nous savons le rôle que jouent les témoins lors du mariage civil. Ce rôle s’étend, lors de la bénédiction de mariage, à toutes les personnes présentes et tout particulièrement à ceux qui connaissent de près les époux, les membres de la communauté chrétienne. Il est par conséquent utile de rappeler à ceux qui assistent à la cérémonie, leur responsabilité d’entourer fidèlement les jeunes mariés de leur affection et de leurs prières.

 

N’oublions pas que cet engagement, cette alliance est conclue également devant les témoins invisibles. Quand l’apôtre Paul s’adresse à son enfant spirituel pour l’instruire concernant ses devoirs au sujet des anciens d’Ephèse, il lui écrit : « Je te conjure devant Dieu, devant le Christ Jésus, et devant les anges élus, d’observer ces règles sans préjugé et de ne rien faire par favoritisme » (1 Tm 5.21). L’engagement pris par les époux dans l’Eglise a des dimensions célestes, s’inscrit jusque dans le ciel. Et les puissances sont tenues de prendre note de cette alliance et de la respecter. Les paroles échangées par les époux dans l’Eglise constituent une homologation devant Dieu, devant les anges et devant les hommes de l’alliance conclue.

 

5. La prière pour les époux

 

C’est un moment particulièrement important de la cérémonie. Les époux ayant été déclarés unis désormais par les liens du mariage, il appartient à l’Eglise réunie, par l’intermédiaire de ses représentants, de bénir le jeune couple. Cette prière pourra être accompagnée de l’imposition des mains, comme d’un geste de bénédiction, mais aussi de solidarité avec le nouveau couple et les engagements qui ont été pris et pour demander sur eux le secours du Saint-Esprit les rendant capables d’accomplir leurs promesses et de renouveler en eux le charisme du mariage (cf. 1 Co 7.7).

 

 

III. L’accompagnement des couples mariés

 

Ce qui a été dit de la cérémonie de bénédiction de mariage nous a déjà fait comprendre le rôle important de l’Eglise et de ses membres à l’égard des couples et des familles. Il ne se limite pas à la cérémonie de mariage, ni même à sa préparation, mais se prolonge dans un accompagnement durable à tous les stades du développement du couple et de la famille. C’est en ce domaine que nous devons confesser notre faiblesse, celle de nos églises et communautés !

 

John Stott dans un article qui a pour titre « Le mariage et le divorce »1, préconise, à cause du manque de disponibilité des pasteurs et des anciens, de s’adjoindre « le service de couples mûrs de l’église, qui s’engagent à passer plusieurs soirées avec les fiancés, à les revoir après leur mariage, et à rester en contact avec eux durant leurs premiers temps d’adaptation l’un à l’autre ».

 

Jacques et Claire Poujol dans leur livre Vivre à deux. Gérer les conflits dans le couple2 distinguent 4 phases de l’existence conjugale au cours desquels le couple traverse des « zones de vulnérabilité dans lesquelles les conflits sont plus problématiques » :

 

a) La première phase : la lune de miel (jusqu’à 1 an) ; « C’est le temps de l’euphorie, l’idéalisation de l’avenir vécu comme une éternisation du présent » ;

 

b) La deuxième phase : de 1 à 5-7 ans de mariage : « C’est la première période critique : les divorces sont nombreux (30 %) après seulement un an de mariage. On a les premières désillusions sur le conjoint » ;

 

c) La troisième phase : de 5-7 ans à 15-20 ans de mariage : « Après 7 ou 10 ans de mariage s’annonce une autre crise due avant tout à l’accaparement des époux par leur travail ou leurs enfants, le manque de variété de la vie quotidienne, la routine » ;

 

d) La quatrième phase : le vieillissement ensemble : « Une nouvelle acceptation, un engagement renouvelé sont requis pour entrer dans l’âge mûr ».

 

Au cours de notre expérience pastorale dans l’Assemblée de l’Oasis à Morges, une communauté de près de 250 membres, nous avons mis sur pied des rencontres pour les jeunes couples. C’était l’occasion pour eux de partager leurs expériences, de prendre conscience du fait qu’ils n’étaient pas les seuls à rencontrer certaines difficultés dans leurs relations et de se mettre ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu. Des séminaires, des week-ends et des camps ont été organisés pour répondre aux besoins des uns et des autres.

 

Par la suite, le besoin s’est fait sentir, de groupes plus spécifiques, pour aborder les problèmes que pouvaient rencontrer les couples et les familles aux différentes étapes de leur développement. Ainsi furent organisées des rencontres pour les tout jeunes couples (jusqu’à deux ans de mariage), pour ceux qui se préparaient à recevoir leur premier enfant, puis pour les parents d’adolescents. A chaque étape le couple doit faire preuve de nouvelles capacités d’adaptation et du même coup doit surmonter de nouvelles difficultés. Quelle grâce de pouvoir s’épauler pour mieux vivre ces diverses étapes !

 

Ne serait-il pas souhaitable que les assemblées évangéliques et leurs responsables s’efforcent d’accompagner les couples et les familles dans ces diverses phases délicates de leur existence ? Il y va de l’avenir de nos églises et du rayonnement de l’Evangile !

 

M.L.

 


NOTES

 

1. John Stott, « Le mariage et le divorce », dans Le chrétien et les défis de la vie moderne, Collection Alliance Sator, 1989, p. 199.

 

2. Jacques et Claire Poujol, Vivre à deux. Gérer les conflits dans le couple, Collection Le couple Mazerolles. Editions Empreinte, 1991, pp. 21-25.