Les premières Bibles imprimées
par Mavis ABERNETHY1
Jusqu’au XIVe siècle, l’expression picturale et littéraire en France et en Allemagne se faisait par le manuscrit enluminé en exemplaire unique. La situation était mûre pour un changement vers l’introduction des procédés de reproduction de masse de l’illustration et du texte. Cependant cette évolution ne pouvait commencer avant que le papier devienne disponible, que les techniques de gravure sur bois soient perfectionnées et qu’une méthode satisfaisante d’impression soit inventée.
C’est en Chine que l’on fabrique du papier pour la première fois. Il semblerait que la technique fût connue en 65 après Jésus-Christ, mais que le procédé ne fut officiellement rapporté qu’en 105 après Jésus-Christ. Il fallut longtemps pour que la fabrication du papier voyage de la Chine vers l’Europe ; c’est probablement en Espagne, en 1150 environ, que fut fabriqué le papier pour la première fois en Europe. En Italie, les moulins Fabriano étaient opérationnels en 1276 et, en France, on fabriquait du papier près de Troyes en 1438.
L’existence de la gravure comme technique établie dans l’armure et dans des matériaux similaires donna aux artistes l’idée d’expérimenter une substance plus douce. L’utilisation du bois a dû leur paraître assez évidente ; c’est ainsi que la production de gravures sur bois prit de l’essor et que l’impression de l’image s’établit en Europe et conduisit au livret en bois.
C’est à peu près en 1430 que le « livret » commença à apparaître en Europe. Ainsi, au lieu de produire une seule impression d’image, on fabriquait une collection d’impressions sous la forme d’un livre. Puis vint la page contenant le dessin accompagné d’une légende. Le livret était destiné à être un substitut bon marché du manuscrit enluminé ; il eut une vie très courte, étant remplacé par le procédé de l’impression avec caractères mobiles, une invention déjà dans les premiers stades de son développement lorsque le livret commença à être publié.
Parmi les livrets parus en France et en Bourgogne, on peut citer Ars moriendi, Apocalypse, la Biblia pauperum et la Spéculum humanae salvationis, qui sont des adaptations de la version du manuscrit. Les images illustrent essentiellement les tentations d’incroyance, de désespoir et d’avarice qui, toutes, menacent le mourant ; le texte et les illustrations étaient tous gravés sur le même bloc de bois. La Biblia pauperum2 est apparue en manuscrit pour la première fois à la fin du XIIIe siècle ; elle était destinée au laïc ayant peu d’instruction. Le Spéculum humanae salvationis, trouvé sous forme de manuscrit pour la première fois en 1324, était un livre du même genre mais avec plus de texte. Il racontait les histoires de la Vierge et du Christ.
La première édition imprimée de 1450 avait quarante plaques auxquelles furent ajoutées dix autres dans les éditions postérieures entre 1470 et 1480. La Biblia pauperum servait à diriger le lecteur vers une vie de dévotion et le préparait à la vie après la mort ; les illustrations traduisaient cette pensée chrétienne. La Biblia pauperum eut du succès en France et en Allemagne, mais on n’a trouvé que peu d’exemplaires dans le reste de l’Europe,
Au XVe siècle, le nombre de personnes sachant lire s’accrut, le besoin d’apprendre s’accentua, ce qui créa une demande pour une méthode de reproduction des manuscrits plus facile que la coupe laborieuse de caractères en bois. Cette demande fut satisfaite lorsque Johann Gutenberg inventa un moule à partir duquel des lettres métalliques séparées pouvaient être fondues en grande quantité.
Johann Gutenberg est né à Mayence entre 1394 et 1399 ; il était membre de la famille Gensfieisch, de la classe patricienne. Mayence était connue pour l’habileté des ouvriers qui travaillaient les métaux précieux et Gutenberg, jeune homme, se familiarisa avec les techniques de moulage, une compétence qui devait plus tard l’aider pour son invention. Undes problèmes de la production de masse des caractères en métal était la fabrication de petites lettres en grande quantité. L’invention de Gutenberg d’un moule performant et le développement d’un alliage adéquat fut une percée majeure. La date précise de l’invention est difficile à déterminer en raison de la nécessité de garder le procédé secret.
Entre 1444 et 1448, Gutenberg quitta Strasbourg et retourna à Mayence où, en 1450, il emprunta de l’argent à Johann Fust, avocat et orfèvre, dans le but express d’imprimer une Bible in-folio. Fust et Gutenberg se lièrent en affaires parce que Gutenberg avait besoin de l’argent de Fust. Un procès mit fin à ce partenariat, Gutenberg ne pouvant rembourser ses dettes envers Fust. Péter Schoffer rejoignit Fust et ils imprimèrent la Bible in-folio qui comprenait 643 feuilles.
Nous savons peu de choses sur ce que fit Gutenberg après avoir quitté Fust, mais certains pensent qu’il aurait imprimé une autre Bible – celle « à 36 lignes » de 1457 dont il nous reste 9 copies. Gutenberg, mort en 1468 était, ses dernières années, pensionnaire de l’archevêque de Mayence.
M.A.
NOTES :
1. Traduction de Denyse Vanzo.
2. La Bible des pauvres.