Chaque jour est un carrefour
par Jean-Pierre BEZIN-BERTHET1
… un carrefour où il faut choisir sa voie. Qu’il est difficile parfois de faire le bon choix ! Pourtant la grâce de Dieu est là, disponible pour guider, enrichir de tout don et de toute qualification en vue d’une attitude agréable à Dieu : ne souhaite-t-on pas lui plaire, en étant soumis, conduit par son Esprit ?
Hélas, l’homme met toute sa fierté à se débrouiller seul. Réfléchir avec intelligence, tenir compte de l’expérience acquise, revendiquer son « bon droit », n’est-ce pas le propre d’un homme digne de ce nom ?
Cela ne tourne pas à son avantage : se priver de l’aide, de la grâce, de la sagesse de Dieu n’est pas sans danger. C’est ce qu’illustrent les expériences respectives des trois personnages du récit relaté dans 1 S 25. 2 à 42.
Cet épisode est, à proprement parler, un « non événement » sur le plan historique : on y voit une bande de hors-la-loi, conduite par David, demander de la nourriture à un homme riche, Nabal. Celui-ci leur refuse son aide, mais sa femme Abigaïl, animée de meilleurs sentiments, apporte à manger aux quémandeurs. David, rassasié, est d’abord terriblement irrité, mais il se calme et continue son chemin.
Trois mille ans plus tard au travers de ce récit, Dieu enseigne que chaque instant de la vie de l’homme est sous son regard, et que tout événement est voulu de Lui, pour conduire le croyant à Lui, pour fortifier sa foi et pour lui faire connaître sa bénédiction.
Trois personnages animent ce récit :
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NABAL, homme du monde, égaré dans les intérêts matériels.
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DAVID, homme de Dieu se laissant emporter par des sentiments du monde, et
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ABIGAÏL, femme de Dieu témoignant de sa fidélité et de sa soumission.
NABAL …
C’est la richesse, le pouvoir en place. Le légaliste qui trouve sa satisfaction dans les biens acquis et se justifie dans la loi qui les protège. David vient le déranger dans un moment important pour lui : il prépare une fête traditionnelle après la tonte des moutons. David s’approche avec respect et il lui est facile de l’écarter comme un importun, d’autant plus que ce dernier s’exprime avec humilité. A cela s’ajoute le fait que David, fuyant Saül, est un hors-la-loi :
Nabal se sent donc totalement dans son droit pour écarter celui qui pourrait gâcher sa fête : « II y a aujourd’hui beaucoup de serviteurs qui s’échappent d’auprès de leurs maîtres. Et je prendrais mon pain, mon eau, et mon bétail que j’ai tué pour mes tondeurs, et je les donnerais à des gens qui sont je ne sais d’où ? » (v. 10)
Si l’on donne de l’importance à ses possessions, à sa position, à sa réputation, il sera difficile de discerner la volonté de Dieu dans les David qu’il envoie… Nabal est dans la logique de son temps qui est aussi celle de notre temps. Il est fidèle à l’autorité qui protège ses richesses auxquelles il consacre toute son attention, incapable de comprendre leur vanité. Nabal ne respecte pas celui qui a moins que lui.
Dieu donne à Nabal, à travers la demande de David, une occasion d’abandonner un peu de son matérialisme pour servir Dieu en servant son prochain. Mais Nabal choisit de s’endurcir, il ne réussit pas cette épreuve : ce sera pour lui la dernière, avant de rencontrer la justice de Dieu.
DAVID …
Est un homme de Dieu. Dans le chapitre 24, nous le voyons marcher dans l’humilité et la soumission. Quand il aurait pu tuer Saül, assoupi dans la caverne au fond de laquelle il s’était réfugié, il reprend ses amis et s’en remet à Dieu pour lui rendre justice. Ici encore c’est avec beaucoup de respect qu’il s’adresse à Nabal pour lui demander de l’aide : mais la méchanceté de Nabal l’empêche de reconnaître l’homme de Dieu en David. Devant la réponse injuste qui lui est faite, David s’emporte et se laisse aller aux sentiments – humainement légitimes – que lui inspire l’attitude indigne de Nabal.
Il confond la justice de Dieu et celle des hommes. Nabal doit être jugé par Dieu et non par David. Dans sa colère, ce dernier s’égare jusqu’à tenter Dieu : « Que Dieu traite son serviteur David dans toute sa rigueur, si je laisse subsister jusqu’à la lumière du matin qui que ce soit de tout ce qui appartient à Nabal » (v.22)
Ce n’est pas parce que Nabal a tort que David a raison d’oublier sa soumission à Dieu. L’attente de Dieu à l’égard de l’homme est totale : l’obéissance à l’enseignement reçu, le respect de sa volonté, n’ont pas a être remis en cause par l’injustice subie ; « Sanctifiez dans vos coeurs Christ le Seigneur, étant toujours prêts à vous défendre avec douceur et respect devant quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous » ( 1 P 3.15)
ABIGAIL …
Oblige David à regarder au dessein pour lequel Dieu l’a choisi : régner sur Israël. David s’égarait, mais Dieu lui envoie une messagère inattendue – faible mais efficace – qui le ramène dans la bonne voie. Le coeur est prompt à errer, mais le Seigneur veille.
Abigaïl, la plus faible, la plus discrète, la plus fidèle, la plus soumise de ce récit, agit par l’Esprit de Dieu qui lui donne même de prophétiser devant David et de lui faire abandonner son comportement orgueilleux : « Lorsque l’Eternel aura fait à mon seigneur tout le bien qu’il t’a annoncé, et qu’il t’aura établi chef sur Israël, mon seigneur n’aura ni remords, ni souffrance de coeur pour avoir répandu le sang inutilement et s’être vengé lui-même » (v.30). Abigaïl est restée fidèle et soumise dans une épreuve qui n’échappait pas à Dieu, fidèle à un mari injuste et méchant, soumise à l’engagement qui la liait à ce mari. Abigaïl aurait pu rechercher par elle-même une solution à une situation qui devait lui apparaître sans espoir.
Cet événement révèle à Abigaïl quel est l’objectif de Dieu dans son épreuve, et sa soumission la conduira à une bénédiction qu’elle n’aurait pu, seule, envisager.
TROIS ENSEIGNEMENTS DE CE CHAPITRE
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Chacun peut se retrouver dans ces trois personnages
Si l’on examine objectivement son propre comportement, il faut reconnaître que dans certaines circonstances, on est accaparé par ce que l’on fait, anxieux peut-être de réussir une activité dans laquelle on s’investit totalement à cause de l’opinion de l’entourage. Il peut s’agir de l’organisation d’une fête de famille, d’un séminaire de travail, ou même d’une rencontre d’église.
Si l’on est dérangé dans ses plans par quelqu’un d’inattendu, va-t-on rechercher le message de Dieu caché derrière le visage du visiteur ? Ou bien utilise-t-on le bon droit des bien pensants que l’on est pour écarter l’importun, et pour l’écarter d’autant plus aisément du fait de sa situation de faiblesse à son égard ou à l’égard de la société ?
Est-on toujours des Abigaïl attentives, ou trop souvent, des Nabal légalistes ?
Lorsqu’on est victime d’une injustice, se confie-t-on en son Seigneur pour dominer cette difficulté, ou se laisse-t-on emporter par l’orgueil ? Comment est-on au volant de sa voiture, pour prendre un exemple tout à fait quotidien ? Lorsqu’on est en difficulté, se confie-t-on avant tout en son Seigneur, ou cherche-t-on d’abord à résoudre le problème avec sa propre intelligence et sa propre expérience ?
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Les desseins de Dieu à l’égard de l’homme sont parfaits
Dieu contrôle les événements tout en laissant à chacun une pleine liberté pour agir selon son coeur. Il n’y a là contradiction que pour notre entendement bien limité. A travers un même événement, Dieu adresse des messages précis et différents aux trois acteurs du récit : Nabal a une ultime occasion pour s’amender, mais il continue d’écouter son coeur d’homme, au péril de sa vie, dans le présent et pour l’au-delà. David est mis à l’épreuve quant à son orgueil ; après son égarement, il reconnaît la bonté de Dieu et son repentir lui permettra de devenir un plus grand serviteur de Dieu. Abigaïl a accepté une vie de soumission dans l’injustice : Dieu lui révèle qu’il a un but en cela, et qu’il lui réserve une grande bénédiction, l’amour d’un roi choisi par Dieu.
Rien dans la vie n’arrive par hasard, et l’infinie puissance de Dieu peut y être démontrée. Tout événement est contrôlé ou voulu par Dieu pour tout homme : à chacun de savoir reconnaître la main de Dieu dans les détails de ses journées. Elihu l’a bien dit à Job : « Dieu voit la conduite de tous, II a les regards sur les pas de chacun » (Jb 34.21). Quel ne sera pas l’étonnement de beaucoup en un jour prochain, de découvrir toutes les intentions divines qui n’ont pas été perçues ? Combien plus simple est la vie lorsque l’on vit pleinement la déclaration de Paul :
« Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8.28).
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Abigaïl donne un enseignement tout à fait pratique.
Le lecteur est invité à se placer aux temps de la fin pour apprécier la situation présente. Lorsqu’on rencontre des circonstances perturbantes (comme Nabal), difficiles, injustes ou humiliantes (comme David), quel souvenir souhaite-t-on garder de son attitude aux temps de la fin ? Il faut apprendre à regarder les frustrations de chaque jour à partir de la position bénie où l’on sera bientôt, avec le Seigneur.
Pour conclure, écoutons l’auteur de l’épître aux Hébreux : « Nous désirons que chacun de vous montre le même zèle pour conserver jusqu ‘à la fin une pleine espérance, en sorte que vous ne vous relâchiez point et que vous imitiez ceux qui, par la foi et la persévérance, héritent des promesses » (Hé 6.11).
J.-P. B.-B.
NOTE
1 : Jean-Pierre Bezin-Berthet est membre de l’Assemblée des Gobelins à Paris. Ce texte est le résumé d’un message qu’il y a donné en juillet 1996.