Sans profession
par Jeanne WHEELER
Notre fille aînée, mariée et missionnaire en Sicile, venait d’accoucher de son troisième enfant dans notre ville d’Arras, chef-lieu du Pas-de-Calais. En l’absence de son mari, j’ai eu le privilège de déclarer la naissance de la petite Kristin à la mairie de la commune. Les questions routinières m’ont été posées : « Profession du père ? Profession de la mère ? » Ma réponse : « Mère au foyer » se traduisait par : « Sans profession ». Avec le sourire, j’ai fait remarquer que j’étais choquée de devoir signer que ma fille était « sans profession » alors qu’elle exerçait la plus belle de toutes les professions !
Malheureusement, aujourd’hui des circonstances empêchent souvent certaines mamans de s’occuper elles-mêmes de leurs enfants, les entourant, les soignant, les instruisant dans la justice, leur apprenant à chercher la volonté de Dieu pour leur propre vie… : les « cent professions » exercées par toutes les mamans consacrées à leur tâche.
Ce que peut produire une colonie de vacances
Au début de notre ministère dans l’oeuvre du Seigneur, mon mari, voulant devenir directeur diplômé de colonies de vacances, a dû « faire une colo » tout seul comme directeur, mais sous surveillance, à titre d’essai. Les CEMEA d’alors lui ont confié des enfants d’un orphelinat. Moi-même, j’étais l’infirmière. Deux fois par jour, un « trop » long défilé de ces garçons à l’infirmerie révélait leur soif d’affection et leur besoin d’être écoutés.
Cette colonie d’enfants nous a bien marqués et nous a fait penser que le Seigneur voulait que nous ouvrions un home d’enfants. Nous nous sommes donc attendus à Lui pour qu’il nous confie des enfants.
Le premier fut un garçonnet de 8 ans – nous pensions qu’il n’en avait que 6. Sa mère était malade et déjà placée dans un home pour personnes âgées ; son père était un buveur invétéré. A ce moment-là, nous travaillions à Petite-Synthe (59) avec le docteur Pierre Bernard. Son épouse, médecin elle aussi, avait « découvert » ce garçon dans le quartier et nous avait demandé de nous en occuper.
« Prends cet enfant… nourris-le, et je te donnerai ton salaire » fut alors la parole du Seigneur pour nous ; et jusqu’à 19 ans, Joël est devenu membre à part entière de notre petite famille. A son arrivée, notre aîné avait 3 ans et demi et notre second, 6 semaines.
Un peu plus tard, une fillette de 6 ans nous a été aussi confiée mais seulement pour une année. Puis plus d’autre.
Très vite Joël est devenu le grand frère de nos garçons, totalement accepté par nos jeunes fils et plus tard par nos deux fillettes. Actuellement nous sommes encore reconnus, en tant que mamy et papy, par les trois filles de Joël et son épouse, Marie-Christine. Il est évident que la Bible a fortement marqué Joël. Bon mari, bon père de famille, honnête ouvrier, oui ! – mais nous attendons encore le moment où le Seigneur fera de lui son enfant.
Depuis l’envolée de nos oisillons
Après quelques années, quand notre plus jeune avait déjà 8 ans et que nos autres enfants quittaient le foyer, une connaissance de notre quartier populaire m’a priée de prendre son enfant pendant qu’elle était en repos « forcé » d’un mois. Par la suite, une assistante sociale du quartier m’a demandé si nous voulions, de temps en temps, recevoir d’autres enfants « en urgence » pour de courtes périodes allant de 2 ou 3 jours à un mois, selon les besoins ; je suis donc redevenue « assistante maternelle agréée ».
De 1979 jusqu’à 1994, nous avons reçu dans notre foyer un total de 53 enfants, toujours (à part une exception) plus jeunes que notre cadette. En principe, nos enfants à nous étaient toujours heureux de la présence de ces « invités ».
Au départ, les autorités sociales nous décourageaient de parler de « notre religion ». Mais nous avons pu leur expliquer l’impossibilité de séparer cette « religion » d’avec notre vie de famille. L’une des assistantes sociales a juste pris la décision « d’en avertir » les parents avant que les enfants ne viennent chez nous. Sinon, personne ne disait rien.
La plupart de nos petits hôtes ne savaient pas du tout qui était Jésus et n’en avaient jamais entendu parler. Un ou deux se rappelaient vaguement d’un « bonhomme sur une croix ». Mais combien de ces enfants, venant de milieux perturbés, retrouvaient des nuits sans cauchemars et sans « pipi au lit » malheureux ! Le fait de prier le soir avec eux pour leurs parents et de leur parler de Jésus et de sa présence dans leur chambre, de leur raconter une histoire biblique, apportait souvent un apaisement profond dans leurs jeunes cœurs. Les assistantes sociales y ont reconnu, tacitement, l’effet de l’Evangile. Une fois, j’ai été désignée comme « l’ange gardien du quartier ».
Mamans au foyer, ne voudriez-vous pas prolonger votre ministère de mère auprès d’enfants qui abondent dans nos cités et qui ont tant besoin de connaître l’amour de Jésus pour eux, en devenant « assistante maternelle agréée » ? N’est-ce pas la plus belle des « cent professions » d’une « sans profession » ?
J.W.