Et ton prochain, comment va-t-il ?
par Jean-Robert Yapoudjia1
Ces hommes et ces femmes qui peuplent notre terre ne sont pas seulement des âmes… ils ne sont pas seulement des corps… ils ne sont pas seulement des êtres sociaux…
Prédicateur et bienfaiteur
Durant son ministère public, le Seigneur Jésus a volontairement associé sa prédication à l’action sociale en faveur des plus démunis : « Jésus allait dans toute la Galilée, il enseignait dans les synagogues de la région, proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissait les gens de toutes leurs maladies et de toutes leurs infirmités » (Mt 4.23).
« Jésus passait par toutes les villes et tous les villages ; il enseignait dans les synagogues, prêchait la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissait toutes les maladies et toutes les infirmités » (Mt 9.35).
Dans Ac 10.38, Pierre rappelle à Corneille quel fut le ministère de Jésus : « Vous savez comment Dieu a répandu la puissance du Saint-Esprit sur Jésus de Nazareth. Vous savez aussi comment Jésus a parcouru le pays en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient sous l’emprise du diable, car Dieu était avec lui. »
Jésus a toujours eu le souci des pauvres. Du reste, ne disait-il pas : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades […] ; car je ne suis pas venu appeler les personnes respectables, mais des gens de mauvaise réputation » (Mt 9.12-13).
Ces créatures à l’image de Dieu que sont les hommes et les femmes qui peuplent notre terre ne sont pas seulement des âmes : notre seule préoccupation ne peut se limiter à leur procurer de la nourriture, des vêtements, un refuge ou des soins ! Ils ne sont pas seulement des êtres sociaux : nous ne pouvons nous limiter à leur salut éternel ! Ils ne sont pas seulement des corps : notre seul souci ne peut se limiter à nous préoccuper uniquement de leurs difficultés de vie communautaire !
Ils sont les trois à la fois ! C’est ainsi que le Dieu créateur a conçu l’homme !
Si donc nous aimons vraiment notre prochain et désirons lui manifester notre affection, nous veillerons à son bien-être, celui de son âme, de son corps et de son environnement social.
Pauvre parmi les pauvres
Jésus n’est pas demeuré « à l’abri » dans le ciel, mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant la forme d’un serviteur, devenant semblable aux hommes (Ph 2.7).
Il s’est abaissé lui-même, est devenu faible et vulnérable. Il a connu nos souffrances, nos difficultés et nos tentations. Il n’a pas seulement proclamé la Bonne Nouvelle du Royaume, mais a aussi manifesté sa venue en guérissant les malades, en donnant à manger aux affamés, en pardonnant aux pécheurs, en secourant les exclus de la société et en ressuscitant les morts. Il n’était pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme rançon de plusieurs (Mt 20.28).
Et comme le Père a envoyé Jésus, lui aussi nous envoie !
Jésus s’est fait pauvre, de riche qu’il était (2 Co 8.9). Il s’est identifié aux pauvres et nous invite à savoir le reconnaître parmi ceux-là.
L’avons-nous secouru ?
« J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi. […] Je vous le dis, en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites ! » (Mt 25.34 à 46)
Jésus nous commande de nous occuper des plus petits ! Et nous connaissons la suite de cette parabole du Seigneur ! Qu’en sera-t-il de ceux qui auront négligé l’affamé, l’assoiffé, l’étranger, le vagabond, le délaissé, le malade, le handicapé, le prisonnier de n’importe quelle prison – de pierre – de drogue ou d’alcool – de solitude aussi ! Qu’en sera-t-il de ceux parmi les chrétiens qui n’auront pas aimé leur prochain, qui n’auront pas été prêts à donner leur vie pour ceux qu’ils auraient dû aimer ?
Tout au long de l’Histoire de l’Eglise chrétienne, l’évangélisation et l’engagement social des chrétiens ont toujours été intimement liés ! Mais voilà qu’au cours de ce XXème siècle, les chrétiens se sont progressivement dessaisis de leurs responsabilités diaconales au profit d’Oeuvres laïques et de l’Etat. La chrétienté y a perdu non seulement ses Institutions Sociales, mais aussi bon nombre de collaborateurs !!!
Démission
Satan n’a pas besoin d’attaquer de front dans nos pays ! C’est imperceptiblement qu’il a, petit à petit, démuni l’Eglise de sa mission diaconale. Combien reste-t-il aujourd’hui de ministères sociaux pleinement engagés ?
Combien d’oeuvres chrétiennes ont dû fermer ou passer le relais, parce que liées au point de ne plus pouvoir mener à bien leurs objectifs spirituels ?
Combien d’oeuvres chrétiennes ont perdu leur identité, parce que contraintes d’embaucher du personnel athée, faute de candidats chrétiens ?
Combien d’oeuvres chrétiennes ont dû « déposer le bilan » par manque de soutien financier des églises et de leurs membres ?
Combien d’oeuvres chrétiennes vivotent aujourd’hui, abandonnées par les leurs, oubliées par la multitude de chrétiens qui se pressent aux portes des églises ?
Changement de cap
On a beaucoup parlé de renouveau ces dernières années ! J’ose dire qu’il faudra aussi un renouveau social dans l’Eglise, une nouvelle vision de la mission diaconale de chaque chrétien. Acceptons de souffrir avec ceux qui souffrent, d’être pauvres avec ceux qui le sont, allons au devant des « plus petits » ! Le Seigneur bénira notre démarche.
Que les jeunes de nos églises cessent de se préparer à des professions qui ne satisferont qu’eux-mêmes, qu’ils aillent envahir de leur présence et de leur témoignage les écoles d’éducateurs, d’assistants sociaux, d’infirmières, les facultés de médecine, les écoles normales ; que toutes les professions dites sociales soient noyautées par les chrétiens ! C’est là notre place !
Si vous pensez que l’Etat et les Associations non chrétiennes s’occupent déjà très bien des pauvres et de tous ceux qui ont besoin de l’intervention de quelqu’un dans leur vie, dites-vous bien qu’ils sont incapables de leur apporter l’Evangile, qu’ils ne peuvent pas les conduire à Jésus-Christ ! C’est à nous de nous en occuper ! C’est NOTRE responsabilité !
Aussi devons-nous nous laisser interpeller par la Parole de Dieu :
Que fais-je pour le plus démuni ? Pour le plus pauvre (que moi) ? Suis-je à MA place, à celle que Dieu m’a préparée, là où je travaille actuellement ? Sont-ce vraiment CES études, est-ce vraiment CETTE formation que je dois suivre ? Et notre église, que fait-elle pour les plus petits des frères du Seigneur Jésus ? Y a-t-il seulement une place, un siège pour eux dans notre salle ? Comment nous positionnons-nous vis-à-vis des oeuvres sociales chrétiennes ?
Oh ! que je souhaite que chacun d’entre nous puisse entendre le Seigneur lui redire ses propos que nous avons lus dans Mt 25 : « Oui, tu m’as rassasié ! Oui, tu m’as désaltéré ! Oui, tu m’as accueilli ! Oui, tu m’as habillé ! Oui, tu m’as visité ! »
Je conclurai ces lignes par une petite histoire vraie : un pasteur déguisé…
C’est dimanche matin à Kingston Town (USA). Alors que les fidèles s’empressent d’entrer dans l’église pour le culte dominical, un vagabond traîne autour du temple. Il fouille les poubelles environnantes dans l’espoir de trouver quelques denrées consommables… Finalement, il s’assied sur les marches de l’église ; que fait ce vieux par là ?
Les rumeurs et les commentaires se font plus bruyants quand, finalement, ce bon à rien traverse le couloir central et monte en chaire. Alors, il saisit ses cheveux, ôte la perruque, enlève son manteau déchiré et révèle ainsi sa véritable identité : c’est bien le pasteur Bobby Rice, leur pasteur. Le thème de sa prédication : « L’amour du prochain et le péché d’indifférence ».
Seuls deux membres de la communauté lui avaient adressé la parole : l’ancien gouverneur de l’Etat d’Oklahoma, Raymond Gary et Jim Stevenson, un jeune croyant qui devait être accueilli à l’église ce jour-là. Gary voulait lui acheter quelque chose et Stevenson l’avait invité à entrer au culte. Le pasteur Rice expliqua qu’il avait tenté pareille expérience dans sa paroisse de Texarcana : « A l’époque, rapporte-t-il, on m’a même poussé sur le côté ». Ce pasteur considère son déguisement comme un support très utile pour sa prédication : « Cela nous ouvre les yeux sur notre prochain », dit-il (Idea Spektrum).
J.- R. Y.
NOTE
1. : Jean-Robert Yapoudjian, après avoir été le directeur du Bercail, maison qui accueille des enfants déshérités (voir article p.8), dirige maintenant l’Action Sociale Evangélique (A.S.Ev.).