Pourquoi j’ai signé une carte de donneur d’organes
par Annick WAECHTER
J’étais assise dans la salle d’attente de l’hôpital ; enceinte de notre deuxième enfant, je venais pour une simple visite chez l’anesthésiste, rien de grave. Pour essayer de tromper le temps et faire patienter Pierre, un an et demi, je me mis à me promener dans le hall.
Il y a toujours de la littérature dans ce genre d’endroit, et j’ai ramassé un certain nombre de brochures. L’une était un fascicule pour encourager au don d’organes, et contenait une carte de donneur à remplir.
On y lisait que ce n’était pas au moment du décès qu’il fallait se poser la question : « Est-ce que j’autorise le prélèvement d’organes sur mon conjoint, mon enfant… ? »
Emotionnellement, c’est extrêmement dur, surtout que le temps est court. Leurs arguments étaient intéressants, mais j’ai pensé à ma famille.
J’ai commencé à imaginer mon mari ou mon petit garçon « découpés » dans leur chair. Bien sûr, le corps est recousu, les ablations cachées… mais à cette idée, j’ai frissonné. Je n’étais pas prête, non. Ce n’était pas un problème d’ordre spirituel ; la vision d’un tel spectacle me brisait le coeur.
Mais voilà, on n’est pas forcément dans la situation du mort.
Il se pourrait que l’un de nous ait désespérément besoin d’une greffe pour survivre, besoin que l’on prélève un organe sur une personne décédée…
Egoïstement, j’ai décidé à ce moment-là de signer la carte de donneur d’organes, et mon mari a fait de même ; nous avons aussi décidé que nous accepterions des prélèvements sur nos enfants, en cas de décès. Accepter de recevoir un organe, c’était pour nous accepter d’en donner.
Signer n’a pas été un mouvement spontané envers l’inconnu qui souffre, par grandeur d’âme. Je l’ai fait parce que le jour où l’un de nous décédera, je ne serai peut-être plus capable d’être objective, de supporter que l’image de l’être aimé soit abîmée, et je crains alors de refuser. Je l’ai fait pour ne pas culpabiliser ensuite d’avoir faibli.
Maintenant que ma petite carte trône dans mon portefeuille, je suis en paix. Je sais que j’ai pris la bonne décision.
A.W.