Pourquoi manque-t-on de candidats pour le ministère d’ancien
dans nos Assemblées ?
par Jean-Pierre BORY
Voilà une question d’actualité : la commission de service l’a constaté dans plusieurs assemblées, et la question lui a été posée à plusieurs reprises. Trop souvent le groupe d’anciens se réduit à trois, deux personnes, voire une seule ! Et parfois, ceux qui sont « anciens » n’en ont manifestement pas les qualifications.
Ouvrons nos Bibles et commençons par le début :
Dieu donne
Ne croyons pas que Paul a créé Apollos, Tite ou Silas « prêts à l’emploi » !
Dieu donne des dons aux hommes, des qualifications, naturelles, spirituelles dès leur conception (ps 139.13) : l’un deviendra un Raphaël, l’autre un Molière, un Mozart… Le génie, le talent ne s’achètent pas et ne s’enseignent pas. Les dons spirituels ne s’acquièrent pas non plus : ils sont aussi des dons de Dieu (Ac 9.15 ; 1 Co 12.6-7,11). Leur attribution nous échappe. Il ne nous reste que l’intercession auprès de Celui qui les donne : prions donc Dieu d’accorder à plusieurs membres de notre Eglise, les dons nécessaires à son développement, à sa croissance, à son affermissement !
Et n’oublions pas : Dieu donne ! Dieu donne à chacun au moins un don particulier ! Si nous le croyons, nous aurons donc un autre regard sur notre Eglise : elle est riche en potentialités diverses ! Il y a des dons cachés chez ses membres. Si nous le croyons…
Que les anciens soient donc des évêques !
1) Pour découvrir où sont les dons
C’est en effet l’un des rôles des anciens en place (Ac 20.28). En grec, le mot évêque signifie « veillant-sur », celui qui veille sur l’Eglise, qui l’observe, qui la regarde de près. Jésus utilise l’image du berger qui « surveille » chaque brebis pour voir si elles ont de quoi manger, si l’une est malade, ou s’écarte… Ce berger, aussi, observe les agneaux pour sélectionner les plus vigoureux à élever pour la reproduction et l’avenir du troupeau.
Anciens de nos assemblées, sommes-nous des « évêques » au sens biblique de ce terme ? Observons-nous chaque jeune de notre Eglise pour discerner le ou les dons que le Seigneur lui a faits ? Car il y a des gens doués dans notre Eglise ! sinon il faut remettre en cause les affirmations de l’Écriture !
2) Pour observer l’émergence de ces dons
Ce n’est pas si difficile que ça. Les anciens de Lystres et d’Icone avaient bien remarqué qu’un certain jeune nommé Timothée avait une conduite et un témoignage excellents (Ac 16.2). Ceux de Corinthe (et pas seulement les anciens) ne tarissaient pas de louanges sur un frère anonyme (2 Co 9.18) ; et Paul et ses compagnons avaient aux aussi remarqué l’empressement d’un autre frère (ils avaient bénéficié de ses services : v22).
Plus fort encore : Aquilas et Priscille, à Ephèse, écoutent attentivement un universitaire très qualifié, éloquent, religieux, mais non chrétien ! « Voilà un homme doué, capable, qu’il nous faut dans l’Eglise » durent-ils penser, car ils l’invitèrent chez eux et lui parlèrent de Jésus ; il se convertit à Christ et c’est ainsi qu’ils gagnèrent un enseignant très valable ! Si nous ouvrions les yeux sur notre Eglise…
Que les anciens osent
II faut parfois prendre des risques. L’exemple le plus typique est celui de Barnabas : le voilà qui entend parler d’un jeune homme, bon théologien, qui, depuis trois ans, témoigne avec fougue de Jésus-Christ dans les villages d’Arabie et les synagogues de Damas (Ga 2.18). Le jeune en question vient d’arriver à Jérusalem et cherche à prendre contact avec les disciples (Ac 9.26-27). Mais il s’avère que cet homme est un certain Saul, né à Tarse, qui après sa formation avec Gamaliel s’est mis au service du sanhédrin pour persécuter les chrétiens partout où il en trouvait !
Mais Barnabas l’écoute attentivement, pense à ce changement de conduite radical depuis trois années, au fait qu’il a témoigné au risque de sa vie à Damas. Et il ose ! Il prend le risque de le cautionner auprès des disciples. Comment Barnabas aurait-il pu savoir ce qu’allait donner ce jeune homme plus tard ? Il n’avait aucune garantie : trois ans seulement d’un témoignage engagé, courageux certes, mais c’était un homme qui autrefois avait fait preuve d’un fanatisme aveugle, cruel, délibéré contre l’Eglise. Pourtant Barnabas prend le risque de croire que Dieu n’a pas donné de tels dons à cet homme pour rien, que Dieu va continuer en lui l’oeuvre commencée. Il ose l’introduire dans le groupe des disciples en vue de faire approuver ce ministère débutant.
Aurions-nous pris un tel risque ?
Que les anciens testent
Barnabas n’oublie pas Saul. Peu après cette première rencontre, Saul doit quitter Jérusalem et s’en va évangéliser dans les provinces de Syrie et de Cilicie. Barnabas observe de loin, écoute ce qui se dit de ce Saul : « il annonce maintenant clairement la foi » (Gal 2.23). Et cela dure. Saul persévère pendant une dizaine d’années. Barnabas patiente et en quelque sorte, attend la preuve de la fidélité et de la persévérance de Saul, de la réalité de ses dons, de la nature de ses dons. Et dix ans plus tard, alors qu’il vient d’être nommé responsable principal pour organiser l’Eglise d’Antioche, Barnabas s’en va jusqu’à Tarse chercher Saul pour l’inviter à le rejoindre comme disciple.
Et là, il continue de le tester, de le former, de le prendre avec lui pour enseigner et participer aux réunions de l’Eglise : Barnabas faisait faire en quelque sorte à Saul un dernier stage pastoral d’un an ! Un dernier test.
Barnabas lui-même avait été longuement observé et testé sous plusieurs angles avant de se voir confier la charge de former l’Eglise d’Antioche : sitôt après sa conversion, il s’était à tel point engagé et consacré au Seigneur que les membres de l’Eglise, témoins et touchés par son témoignage, lui donnèrent le surnom de « Fils d’exhortation » (c’est ce que signifie Barnabas en hébreu : le vrai nom de Barnabas étant Joseph). Ensuite, sur le plan financier il devient le modèle positif, l’exemple de la parfaite clarté et entière consécration (Ananias et Saphira en sont l’antithèse : Ac 4.36 et Ac 5.1ss).
Il est reconnu comme étant bon, plein de foi et d’Esprit Saint (12.24). Et l’Eglise aurait pu le choisir comme diacre (en Ac 6) car il avait démontré qu’il possédait toutes les qualités requises pour cela, mais dans son discernement des dons de Barnabas, l’Eglise semble lui avoir confié d’autres responsabilités, plus proches de celles qu’exerçaient les disciples, des responsabilités d’enseignant, de berger de l’Eglise (puisqu’il était particulièrement doué pour exhorter et consoler). C’est ainsi qu’après avoir, lui aussi, pendant plus de douze ou quatorze ans, été testé, mis à l’épreuve, formé, dans l’Eglise de Jérusalem, il reçut un mandat d’apôtre à exercer à Antioche.
Que faisons-nous ?
Comment pratiquons-nous dans notre Eglise ? Savons-nous tester les jeunes ou les moins jeunes dont on remarque les qualités ? Savons-nous leur confier des responsabilités, d’abord mineures, puis progressivement plus importantes ? Leur confier une introduction de réunion de prière, une introduction au culte, la présidence d’une réunion, la responsabilité du groupe de jeunes ou de la formation de catéchumènes si sa connaissance de la Bible est suffisante ?
Savons-nous l’inviter à certaines séances de réflexion du groupe des anciens ? Le nommer dans un conseil élargi de l’Eglise ? Lui confier la prédication, la représentation de l’Eglise avec un autre ancien dans une pastorale régionale ? L’associer à l’organisation d’un effort d’évangélisation ? Si dans toutes ces étapes, le test est réussi, si la tâche accomplie l’est, non seulement fidèlement. mais avec une réelle capacité. est-ce que ce frère ne sera pas digne et capable d’assumer une charge d’ancien ?
Il n’aura évidemment pas tous les dons ! Il ne sera pas parfait… Mais le sommes-nous, et avons-nous, nous-mêmes, tous les dons ?
Que les anciens forment
II ne faut pas penser que l’Eglise vis-à-vis de Barnabas, ou Barnabas vis-à-vis de Saul, ou Paul vis-à-vis de Timothée, se soient bornés à tester, à mettre à l’épreuve, à porter un jugement qualitatif sur le « jeune » ! Loin de là ! Les apôtres, puis Barnabas, puis Paul, ont enseigné ceux qu’ils avaient repérés pour un ministère éventuel. Comment Barnabas a-t-il appris tout ce qui lui était nécessaire pour devenir le formateur de la première Eglise au monde composée de païens convertis ? Les apôtres l’ont formé pendant des années, ils ne se sont pas bornés à l’observer mais l’ont enseigné. Comme Spurgeon le faisait avec ses étudiants (voir dans ce même numéro de SERVIR l’article sur Spurgeon).
Que les anciens soient des exemples !
Comment Timothée est-il devenu un serviteur que Paul ose envoyer à Corinthe pour redresser la situation spirituelle catastrophique de l’Eglise, puis à Ephèse pour nommer et former de nouveaux anciens ? Paul l’a enseigné (2 Tm 1.13 ; 2.2), lui a montré l’exemple : il le lui rappelle clairement dans la dernière lettre qu’il lui écrit (2 Tm 3.10-11). Paul, dans toute sa vie d’apôtre, s’est efforcé d’imiter Jésus-Christ, afin de servir d’exemple aux jeunes chrétiens, aux membres de l’Eglise, aux serviteurs de Dieu qu’il formait. Il osait dire imitez-moi, suivez mon exemple, parce qu’il montrait le bon exemple, celui de Jésus-Christ qu’il imitait lui-même.
Quel exemple d’ancien montrons-nous ? Sur le plan personnel, dans nos relations avec les autres ? Faisons-nous preuve de bonté, de compréhension ? Savons-nous, en fonction des dons que nous avons nous-mêmes bien sûr, entraîner des plus jeunes, les former en travaillant avec eux, à l’évangélisation, aux visites, à l’enseignement ? Savons-nous surtout leur montrer l’exemple de l’engagement personnel, de la consécration, de l’application ? Le ministère d’ancien est loin d’être de tout repos ; savons-nous accepter nous-mêmes ces difficultés positivement, et être un exemple digne d’être suivi ?
Sinon, ne nous faisons pas d’illusions : nos enfants spirituels nous ressembleront. N’attendons pas de la part de futurs responsables, des qualités spirituelles que nous ne sommes pas capables de montrer, ou que nous n’avons pas le courage de montrer. Car être un ancien engagé, un battant, cela demande de l’énergie et de la volonté, et pas mal de fatigues et de soucis…
Que les anciens prennnent le temps
Un tel processus prend des années. Tant pour Barnabas que pour Paul, il en a fallu plus de dix. De combien de temps disposons-nous pour former la relève ?
Généralement, lorsque l’on fait appel à la Commission de Service, c’est dans l’urgence. Pourtant c’est dès la création d’une Eglise qu’il faut garder dans l’esprit cette nécessité de discerner les dons, d’observer, de mettre en route, de former ceux qui peut-être se révéleront dignes et capables de devenir anciens. C’est tout au long de la vie de l’Eglise que, constamment ce souci doit être présent, et ce processus en route.
Lorsqu’un serviteur à plein temps est engagé dans une Eglise, c’est dès les premières années qu’il doit préparer la relève pour le moment où il ira exercer son ministère ailleurs. Ne pas le faire est très grave, car c’est passer à côté d’un des aspects essentiels du ministère. C’est même une désobéissance : le Seigneur nous ordonne, c’est notre mission, celle de l’Eglise de former des disciples. Le mot disciple signifie celui qui est enseigné, celui qui apprend. Notre tâche est non seulement d’annoncer l’Evangile, mais de former ceux qui annonceront après nous l’Evangile (2 Tm 2.2).
Parfois, souvent, une Eglise locale n’a aucun de ses anciens, qui a la capacité d’enseigner la connaissance nécessaire pour être un docteur dans l’Eglise (l’enseignant), ou pour être pasteur (celui qui prend soin des personnes, qui visite, exhorte, console), pour être évangéliste (celui qui sait présenter l’Evangile publiquement de façon à ce que les gens le comprennent). Cela peut s’apprendre dans des Instituts ou Facultés Bibliques qui ne sont en réalité que des lieux de ministères de formation au service des Eglises, pour les aider là où elles sont en peine de former.
Et de même qu’il faut plus que trois mois, plus qu’une année pour former valablement une infirmière, un mécanicien, un dentiste, il faut aussi plus que 3 ou 12 mois pour former un serviteur de Dieu. Il faut le temps nécessaire pour faire le tour des domaines dans lesquels tout serviteur de Dieu doit être formé, qu’il soit ancien à plein temps ou non. Le fast-food, la restauration rapide est possible, mais tout Français fait la différence avec une bonne table.
La pérennité et la qualité de l’Eglise locale dépendent de la qualité de ses anciens, de ses responsables. On ne peut pas tricher dans ce domaine.
Conclusion
C’est peut-être une situation idéale que nous avons tenté de dépeindre. Mais ne voulons-nous pas le meilleur pour Dieu ? Ou nous contenterons-nous de l’a peu près, du moyennement bon, de l’acceptable… ? Loin de moi l’idée de juger, de condamner ceux qui luttent sans voir les fruits espérés. Le Seigneur connaît nos situations et nos Assemblées. Mais dans sa bonté, il peut répondre à nos prières, nous faire la grâce d’être fidèles, nous donner la volonté et la capacité d’agir. Et accorder les dons nécessaires à l’Eglise.
J-P.B.