Richesse et pauvreté de la louange

 Louange

 

 

par François-Jean MARTIN

 

 

Les cultes « à tout faire »

 

Nos cultes sont devenus en général, surtout dans les grandes villes, à cause des problèmes de temps de déplacement qui sont une réalité incontournable, une réunion fourre-tout, car c’est la seule qui réunit l’ensemble des membres de l’assemblée. Les autres réunions en semaine sont souvent peu fréquentées en particulier par nos soeurs qui sont majoritaires dans l’Eglise et qui, soit du fait des enfants, soit du fait d’un conjoint non chrétien, ne peuvent se libérer.

 

A partir de ce constat, l’équipe des responsables essaye d’utiliser cette réunion pour y caser tous les aspects de la vie d’Eglise, à savoir la communion fraternelle, le partage, le témoignage, la prière, la louange, l’adoration, l’exhortation, l’enseignement, la libéralité, la Sainte Cène, et l’expression de toutes sortes de dons plus ou moins importants bibliquement… dans le cadre d’un culte d’adoration.

 

 

Les cultes bien structurés

 

II arrive aussi que nos Eglises, soucieuses de mettre chacun de leurs membres au service, sectionnent le culte en petites parties dont une est la louange, alors que tout le culte est louange rendue à Dieu. Parfois, chaque partie est « professionnalisée » et dévolue à un spécialiste qui la gère à lui tout seul.

 

Dans une situation extrême, tout peut être réglé par trois personnes : le responsable de la louange organise ses 30 minutes, le président dirige la Sainte Cène durant 30 minutes, le prédicateur prêche durant 30 minutes et le culte est ficelé, souvent de très bonne façon. Si le responsable de la louange choisit tous les cantiques et les introduit, où est la place des membres ?

 

Cela peut être positif au niveau de la mise en service de quelques dons dans l’Eglise, et de la qualité ordonnée du culte ; cela a aussi des effets négatifs, car un des piliers de notre vie d’Eglise, le sacerdoce universel, disparaît…

 

 

La passivité des membres

 

Lorsque deux ou trois personnes gèrent l’ensemble du culte, le reste de l’Eglise assiste passivement. Mais on constate aussi malheureusement que les membres de l’Eglise ne répondent parfois pas volontiers lorsque celui qui préside le culte ouvre une plage où chacun peut s’exprimer librement, indiquer un cantique, lire un texte biblique… Pourquoi certains silences sont-ils parfois si longs ? Les membres non « spécialistes » craindraient-ils que leur prière ne soit pas à la hauteur ? que leur témoignage soit mal reçu ? Sont-ils trop timides ?

 

Autrefois, les jeunes n’osaient pas prier lorsque deux ou trois anciens s’étaient exprimés par de longues et belles prières de 5 minutes ou plus qui partaient de Moïse et finissaient par les épîtres… Mais ce temps est révolu. Cependant trop souvent, ceux qui sont présents au culte sont plus « consommateurs », assistants, que participants : n’ont-ils rien à dire au Seigneur ? N’ont-ils pas de reconnaissance à exprimer ? Comment comprennent-ils le sens d’un culte d’adoration et de louange ?

 

Ceux qui président risquent alors de «squattériser» ces plages disponibles, et le temps de culte ne sera plus que l’affaire d’une ou deux personnes dans l’Eglise. On assiste au culte, mais on n’y participe pas, on ne rend pas un culte à Dieu.

 

 

Le difficile équilibre

 

equilibreII ne s’agit pas ici de rejeter l’existence d’un groupe de louange ou l’exercice de leur service. Il faut équilibrer leur rôle et leur intervention. Il ne s’agit pas non plus de rejeter l’exercice d’un don de présidence bien nécessaire dans nos cultes.

 

Face à un culte que l’on disait autrefois conduit par l’Esprit, mais où la liberté était parfois confisquée par les mêmes frères dimanche après dimanche et où une sorte de liturgie non écrite s’était établie avec les années, où les cultes se déroulaient toujours exactement de la même façon, on a vu le balancier aller dans l’autre sens et nos cultes sont bien (trop bien ?) organisés.

 

Comment trouver ou retrouver un culte d’adoration qui soit un moment vivant, heureux et libre, qui en même temps se déroule convenablement et non dans le désordre (1 Co 14.40) ?

 

Pour cela il faut bien sûr retrouver le sens d’un culte d’adoration. Il faut aussi du discernement, de façon à ne pas laisser se produire des interventions qui n’ont rien à voir avec un culte d’adoration.

 

 

Un culte dirigé par l’Esprit de Dieu

 

colombeLes anciens devraient enseigner aux membres ce qu’est une Eglise, un culte. Quelle est la différence entre une réunion de prière où l’on intercède en faveur de besoins divers et le moment de culte tourné vers l’adoration et la louange. Les anciens devraient montrer l’exemple et entraîner l’Eglise à vivre des moments où

 

Dieu soit honoré, glorifié comme il doit l’être. Celui qui a un don de présidence, celui qui a un don d’enseignement, qu’il l’exerce pour que l’Eglise soit enrichie ! Que chaque membre de l’Eglise participe aussi en offrant ces sacrifices de louange que Dieu attend (Hb 13.15).

 

En lisant le Nouveau Testament, on cherche vainement un ordre rituel dans lequel un culte d’adoration devrait se dérouler, une liturgie définie. Le Seigneur se plaît à laisser une pleine liberté à son Eglise pour organiser ces moments qui lui sont consacrés. Il a donné le Saint-Esprit qui peut inspirer dans sa préparation et dans l’établissement du programme celui qui présidera le culte ; le Saint-Esprit guide aussi celui qui apportera la méditation biblique dans son étude et sa réflexion personnelle préalables.

 

Le Saint-Esprit saura aussi susciter les prières, les chants, les témoignages, les lectures bibliques que tout membre d’Eglise est invité à exprimer au cours du culte. Tel dimanche, celui qui exerce la présidence peut être amené à bouleverser son programme si l’Esprit suscite des interventions d’une orientation imprévue. Si l’Eglise en est enrichie, édifiée, bénie, elle reconnaîtra la direction divine dans le déroulement du culte. Dans le cas contraire, celui qui présidait saura reconnaître son erreur. Quel privilège offert à tous les croyants ! et quelle responsabilité aussi !

 

Les anciens sont certes responsables de la bonne croissance de la vie de  l’Eglise (les consignes sont claires), de la discipline, de la fidélité de ses membres (il leur en sera demandé compte !). Ils ont également à faire en sorte que le moment de culte soit cohérent et juste. Ils ont en particulier à faire surgir, et à gérer la liberté pour que l’Eglise (c’est-à-dire chacun de ses membres) puisse s’exprimer, louer Dieu, chanter, prier avec joie, sans contrainte, dans la liberté que donne le Saint-Esprit.

 

 

Un culte vécu ensemble !

 

Mais chaque participant doit aussi venir au culte avec le désir de louer et de chanter Dieu, non seulement dans son coeur, mais à haute voix ! Si un culte se déroule dans une atmosphère pesante et morne, la faute n’en revient pas seulement aux anciens et à celui qui préside le culte ! Si personne ne répond « amen » à la prière de son frère (1 Co 14.16), comment ce dernier peut-il se sentir approuvé et en communion avec le reste de l’Eglise ? Un culte se vit ensemble !

 

 

Une question de notes…

 

Parfois c’est le chant qui est source de tension. Chaque génération doit pouvoir louer le Seigneur avec des chants composés avec ses mots et sa musique. L’Eglise est l’union de générations différentes qui louent ensemble le Seigneur. Il faut donc que toutes y trouvent leur compte, leurs mots, leurs mélodies. Pour qu’il y ait équilibre, il faut une communion et une tolérance mutuelle. Il faut éviter les extrêmes qui gênent, qui choquent.

 

Des refrains, pauvres en sens et en mélodie, sont parfois répétés, repris, rechantés encore… cela frise la manipulation de groupe. A l’inverse des cantiques à la mélodie vieillotte et aux paroles surannées fatiguent et rebutent les plus courageux…

 

De tout temps, il a existé des cantiques au sens riche et d’autres très pauvres. Il en existe dans nos vieux recueils et dans les nouveaux. Quelle joie lorsque l’on sait choisir des cantiques, anciens ou nouveaux, où toutes les générations s’unissent pour chanter la gloire de Dieu ! Découvrir ensemble de nouveaux cantiques aux paroles belles et profondes, être unis aux anciennes générations de chrétiens par le chant du psautier, des psaumes mis en musique… Quelle joie quand jeunes et vieux peuvent se réjouir ensemble dans l’Eglise !

 

Le Seigneur s’est acquis par son offrande sur la croix et le tombeau vide, un peuple d’adorateurs dont la mission est de le louer. Nos cultes sont des moments privilégiés pour que toutes les générations confondues de toute l’Eglise le louent par leurs chants, leurs prières, leurs témoignages, la lecture et la méditation de la Parole, c’est-à-dire se préoccupent de Dieu et pas uniquement de ce qui leur fait plaisir.

 

La devise de Jeanne d’Arc était : « Sire Dieu, premier servi ! » Puisse-t-elle être la nôtre.

 

F-J. M.

 

 

Méditation sur la louange

 

Les Psaumes résolvent merveilleusement bien le problème d’une culture déficiente en louange, en fournissant les paroles nécessaires. Il nous suffit d’entrer dans ces paroles, en laissant le contenu des Psaumes réaligner notre comportement intérieur.

 

Dietrich Bonhoeffer suggère que les Psaumes sont les cours de langues de Dieu.

 

Quand les anciens Hébreux rencontraient quelque chose de beau et de majestueux, leur réaction naturelle n’était pas de contempler la scène ou de l’analyser, mais plutôt de louer Dieu pour cela.

 

PHILIP VANCEY (La Bible que Jésus lisait, Éditions VIDA)