Louer Dieu au culte : grandeur ou grincement
par Nelly SINCLAIR-KUEN
Quelle résonance a pour nous le mot « louange » ?
Nous savons que Dieu invite son peuple à la louange. Et de tout temps les chrétiens ont loué Dieu. Ce terme n’évoque pas la même chose pour tous. Il va résonner en fonction du vécu de chacun, ou de l’habitude de son Eglise… Selon les expériences, ce mot de « louange » est lumineux ou il donne des boutons !
Pour les uns il recouvre l’expression de la prière libre, ou la lecture de passages bibliques, pour d’autres, il est inconcevable sans chants. Et encore quels chants ? Pour certains « les psaumes, ça c’est de la louange, pas des parolettes sur de la musiquette ». Pour d’autres, ce sont les hymnes de leur enfance (du début du siècle dernier). Pour d’autres encore, ce seront des chants actuels (« EXO » de préférence !).
La louange représente-t-elle un moment spécial du culte ou est-elle présente dans tout son déroulement ?
Et comment arrive-t-on le mieux à louer Dieu ? Chanter, debout ou assis, lever les mains ou non pendant le chant, utiliser un recueil de cantiques ou un rétroprojecteur ? Faut-il un groupe de louange ? Quels instruments sont habilités à accompagner : guitare électrique ? batterie ?…
Les divergences portent essentiellement sur des questions de forme.
La première démarche utile
serait donc une prise de conscience : quelle est la connotation de ce terme pour moi et que recouvre-t-il ? Quand je comprends mes a priori, mon cheminement peut évoluer à partir de là où je suis vraiment. Cela est valable tant au niveau individuel que collectif. Les responsables d’Eglises locales auraient avantage à identifier leurs présupposés.
Qu’est-ce qu’un « bon moment de louange » ? Est-ce celui qui correspond à mes goûts et convictions, à mes chants, à ma manière de louer ? Si ce qui est présenté est un plat selon mes préférences, tout va bien. Sinon ça grince…
Chacun réagit en fonction de ce qui le touche et dans un certain sens, c’est légitime.
Au cours du moment de louange, il s’agit de rejoindre personnellement l’ensemble des participants. Plusieurs aspects sont à prendre en compte : les différentes sensibilités musicales, l’équilibre entre l’ancien et l’actuel, entre le connu et le nouveau, entre le préparé et le spontané, entre ce qui est de l’ordre de la réflexion, des valeurs, de l’expression corporelle, de celle des sentiments…
Cet équilibre est à trouver au cours d’un même culte. Il peut aussi être maintenu grâce à une supervision de tout un trimestre : on peut varier les accents selon les dimanches (orienter une fois vers les jeunes ou les personnes âgées, accorder plus de temps pour la prédication, ou pour la louange, ou pour les témoignages…).
Si chacun est touché, il s’ouvrira et pourra s’approcher de Dieu. De là peut naître une rencontre authentique qui change le regard sur la vie. Pour favoriser cela, l’ensemble du culte comportera une progression : des aspects extérieurs vers les réalités intérieures spirituelles, de la reconnaissance à la louange puis l’adoration. Il faudra tout particulièrement y veiller lorsque plusieurs personnes préparent une partie du culte, pour ne pas amorcer un mouvement vers Dieu qui « reste en plan » ou qui retombe sur des considérations secondaires.
Au-delà de certaines idées reçues
Ce ne serait pas très constructif de polariser le débat entre jeunes et vieux, entre cantiques anciens ou modernes, ou encore entre charismatiques ou non.
Ne serait-ce pas plutôt l’attitude intérieure de chacun qui est déterminante ?
C’est vrai, chaque assemblée réunit des personnes différentes et nous avons parfois du mal à accueillir ces différences, à les ressentir comme positives. Pourtant c’est aussi avec cette diversité que Dieu a voulu l’Eglise et qu’il se révèle. Nous pouvons développer l’ouverture et le respect les uns envers les autres. Ainsi nous préservons à chacun la liberté d’exprimer la louange à sa manière.
Une autre dimension concerne le coeur même de la louange. Celui qui aime louer Dieu est heureux de le faire quelle que soit la forme utilisée. Au fond, ce moment du culte est-il pour se faire plaisir à soi-même ou pour honorer Dieu ?
Qu’est-ce qui nous amène à nous focaliser sur certaines formes ?
Des peurs individuelles : ne pas retrouver ce que je connais, ce dont j’ai l’habitude et que je considère comme spirituel. Peur de perdre l’orthodoxie, ou plutôt ce que je nomme orthodoxie. Je m’accroche à ce que je crois être la spécificité de mon Eglise.
Des peurs plus collectives : perdre les jeunes, « l’avenir de l’Eglise », mais aussi risquer de perdre les plus âgés, qui prient et sont fidèles dans leur soutien. Peur des émotions, ou peur d’être manipulés. Peur de perdre le contrôle et qu’il y ait des excès. Peur d’être embarqués dans une tendance qui nous dépasse (charismatique ou trop conservatrice).
Mais y a t-il des choses concrètes qui justifient ces peurs dans le vécu de l’Eglise ? Peut-on en parler ?
Ce serait dommage de faire la politique de l’autruche, et de se contenter d’une sorte de modus vivendi de façade. Les concessions deviennent alors une nouvelle liturgie implicite. Malheureusement chaque essai d’innovation fera ressurgir le fond du problème. Ceux qui conduisent la louange peuvent se retrouver dans une position très inconfortable, à faire de l’équilibrisme sur la corde raide, pour chercher à plaire à tout le monde.
« L’amour véritable chasse toute crainte ».
Nous pouvons voir ces peurs en face, portés par l’amour de notre Seigneur et par l’amour des frères et soeurs.
Un dialogue vrai permettra de se dégager de ce qui parasite ou freine l’élan.
Grandeur de la louange
Dieu, le premier visé dans la louange, pourra aussi prendre sa vraie place.
Il vaut la peine de se poser la question de Sa marge de manoeuvre : Doit-il entrer dans une case acceptable, raisonnable ? Son Esprit n’est-il pas là pour nous conduire, nous corriger, nous instruire ?
Mais il faut reconnaître que parfois même Dieu nous dérange. Il nous fait aller au-delà de nous-mêmes et de nos conceptions toutes faites. Mais c’est pour nous libérer de nos prisons et de nos paquets de souffrance… Il y a une puissance de guérison attachée à la proclamation de notre cher Sauveur et Seigneur.
Osons reconnaître nos motivations profondes et « lâchons » nos résistances. Si nous nous humilions devant Dieu, II va nous rencontrer chacun là où nous sommes, avec notre sensibilité, pour nous amener plus loin. La louange jaillira alors d’un coeur touché. Ce sera un nouveau souffle qui régénère jusqu’aux tréfonds de l’être et qui porte la marque de la puissance de notre grand Dieu.
Par la louange communautaire, II amène l’ensemble de l’Eglise à progresser dans sa mission.
Le Très-Haut sera alors élevé au milieu de son peuple et devant les puissances célestes, pour sa plus grande gloire.
N. S.-K.