L’aîné, mon prochain

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Par Brad Dickson

 Dickson
 
 
Je me suis interrogé récemment concernant le titre d’un livre : « L’important, c’est l’enfant ! »Si je peux comprendre que l’Eglise doit prêter une attention particulière à l’enfant parce qu’il a sa vie devant lui, je ne peux pas m’empêcher de penser aussi à ceux qui l’ont plutôt derrière eux : nos personnes âgées. L’Alliance Evangélique a déclaré l’année 2007, « année de l’enfance ». Arriverait-elle un jour à mobiliser nos Eglises pour une « année de la vieillesse » ?
 
Dans un temps et une société qui ont succombé au culte de la jeunesse, il serait facile d’oublier notre devoir envers nos aînés. Mais la pyramide démographique ne nous laissera pas les ignorer, car nous entrons en plein dans un « papy boom » sans précédent. Timidement, nos Eglises prennent conscience des opportunités et des devoirs qui leur incombent face aux ‘cheveux blancs’. Le but de cet article est de rappeler le fondement biblique de ce travail.
 
Une lecture soigneuse de la Parole inspirée révèle que Dieu, lui, n’a pas oublié les seniors. Elle nous rappelle, entre autres, que la vieillesse est un temps difficile. « Souviens-toi de ton créateur pendant les jours de ta jeunesse, avant que les jours du malheur viennent et que les années soient proches, dont tu diras : je n’y trouve aucun agrément » (Ecc 12.1, qui est suivi d’une description poétique et humoristique des divers problèmes liés au vieillissement). En effet, il serait hypocrite de peindre un tableau trop utopique de la vieillesse, même si la Bible nous indique que certains sont morts après une « heureuse vieillesse » (Abraham : Gn 25.8 ; Gédéon Jg 8.32). N’est-il pas vrai que les personnes âgées, avec les jeunes, sont les plus tentées par le suicide ? Il serait donc astucieux et juste de leur porter une attention particulière.
 
Mais comment faire pour les aider ? J’ai relevé dans la Bible six verbes qui ouvrent six pistes de réflexion pour l’accompagnement des personnes âgées.
 
 

Honorer


aine2« Tu te lèveras devant les cheveux blancs et tu honoreras la personne du vieillard. Tu craindras ton Dieu. Je suis l’Eternel. » (Lv 19.32). Cette exhortation bien connue est un bel exemple d’une forme littéraire hébraïque que nous appelons un parallélisme, forme dans laquelle la même pensée est dite deux fois, de deux manières différentes, et ceci dans l’intention de l’accentuer. Ainsi, les « cheveux blancs » correspondent bien sûr au « vieillard », et le « tu te lèveras » est synonyme de « tu honoreras. » L’accentuation est accrue par l’appendice solennel : « Je suis l’Eternel ! ». Dieu prend au sérieux la manière dont nous traitons les cheveux blancs ! Il nous faut trouver des manières culturellement adaptées pour exprimer notre déférence : se lever, en effet, pour offrir la meilleure place au culte ou dans une salle d’attente ; reconnaître de manière publique un service fidèlement rendu ; saluer de façon particulièrement chaleureuse ; envoyer une carte pour un anniversaire ou juste comme cela, pour dire que l’on pense à eux. Utilisons notre imagination pour honorer ceux qui nous ont précédés.
 
 
Il est frappant de voir comment Esaïe décrit la décadence et l’anarchie qui guettaient Juda juste avant la déportation : « Je leur donnerai des jeunes gens pour chefs, et des gamins domineront sur eux …Le jeune homme attaquera le vieillard et le vulgaire celui qui est honoré. » (Es 3.1-7). Selon ce texte, le manque de respect pour la personne âgée est un marqueur qui caractérise une société bouleversée, livrée par Dieu à sa propre folie. Un enseignement sur ce sujet au culte, en présence des jeunes, ne serait peut-être pas inutile …
 
 

Visiter

 
« La religion pure et sans tache, devant Dieu le Père, consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions … » (Jc 1.27). Ce texte est douloureusement simple. Dieu veut que nous rendions visite aux personnes âgées (et pas seulement à notre grand-mère) !
 
Jules Marcel Nicole appelle le Psaume 71, « le Psaume du vieillard ».1 Une des prières du Psaume traduit la peur de l’abandon : « Ne me rejette pas au temps de la vieillesse ; quand mes forces défaillent, ne m’abandonne pas ! » (Ps 71.9).
 
Autrefois, la personne âgée vivait avec la famille étendue. Aujourd’hui plusieurs facteurs font que beaucoup de seniors vivent dans la solitude, même au sein des structures où ils reçoivent des soins compétents.
 
Je me rends chaque semaine dans une maison de retraite de notre quartier. Régulièrement, les résidents me font part de leur solitude. Quand l’un ou l’autre attend une visite, il n’est pas rare de le voir installé vers l’entrée plusieurs heures avant celle annoncée pour le rendez-vous, tant leur attente est grande.
 
Dans les premiers temps, il a fallu que je me force pour aller vers ces personnes dont parfois l’apparence, les odeurs et les attitudes peuvent être repoussantes. Petit à petit, la parole de notre Seigneur, « c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25.40), est devenue une conviction pour moi et je me suis attaché à elles.
 
 

Écouter

 
« Les justes fleurissent comme le palmier…Ils sont encore féconds dans la vieillesse, Ils sont pleins de sève pour annoncer que l’Eternel est droit… » (Ps 92.13-16)Une autre difficulté de certaines personnes âgées est de gérer le sentiment d’avoir été mises à l’écart, alors qu’elles peuvent encore contribuer à diverses choses. La sensation d’inutilité leur est insupportable, à juste titre. Or, la Bible dit qu’elles ont encore un rôle à jouer. « La force est la parure des jeunes gens et les cheveux blancs sont l’ornement des vieillards. » (Pr 20.29). « Les femmes âgées doivent donner de bonnes instructions, afin d’apprendre aux jeunes femmes … » (Tt 2.3-5). Si la force est l’atout des jeunes, l’expérience est la richesse des aînés.
 
Les écouter crée un échange gagnant-gagnant. Nous profitons de leur sagesse et ils se sentent utiles. Et si l’âge avancé et la maladie font que les idées ne sont plus très claires, l’écoute est encore utile, comme signe de respect.
 
 

Exhorter

 
Vous êtes surpris, peut-être, de trouver ce verbe sur la liste des attitudes à adopter vis-à-vis de nos aînés. N’est-ce pas irrespectueux d’oser reprendre une personne âgée ? Non, car tous peuvent s’égarer. Dans ce cas, ignorer, laisser dans l’erreur sont de pires offenses. La parole nous autorise à l’exhortation, sous certaines conditions.
 
« Ne réprimande pas rudement le vieillard, mais exhorte-le comme un père … les femmes âgées comme des mères … » (1 Tm 5.1-2). « Dis que les vieillards doivent être sobres, respectables, sensés, sains dans la foi, dans l’amour, dans la patience. » (Tt 2.2).
 
Il y a donc de la place pour une exhortation affectueuse et humble. Tel frère devient-il amer ? Rappelons-lui l’importance du pardon et de la reconnaissance. Telle sœur se sent-elle abandonnée du Seigneur ? Exhortons-la à ranimer sa foi dans les promesses divines. 
 
 

Prendre soin

 
Cette promesse de Dieu au reste d’Israël est précieuse, et peut s’appliquer aux individus : « … Vous que j’ai pris à ma charge dès le sein maternel, que j’ai portés dès votre naissance ! Jusqu’à votre vieillesse, je serai le même, jusqu’à votre âge avancé, je vous soutiendrai… » (Es 46.3,4).
 
Je me trouve dans la force de l’âge, l’âge pour porter des fardeaux. On nous appelle la génération sandwich, et c’est vrai. Avec mon épouse, nous sommes un peu « coincés » entre nos enfants adolescents et nos parents vieillissants devenus dépendants. Les soutenir, c’est suivre l’exemple du Seigneur dans sa fidélité à son peuple et c’est obéir au commandement clair exprimé par Paul à Timothée : « Si quelqu’un n’a pas soin des siens, surtout de ceux de sa famille, il a renié la foi et il est pire qu’un infidèle. » (1 Tm 5.8). Ce soin pourra aller jusqu’à prendre chez soi un parent dépendant. Tout un programme !3
 
Pour les personnes âgées sans famille, c’est l’Eglise qui doit jouer ce rôle (1 Tm 5.16). Une personne âgée autour de vous a-t-elle besoin d’un bricolage, d’un transport, d’un repas, d’une aide pour remplir des formulaires compliqués ? Merci d’en prendre soin ! C’est au Christ que vous l’aurez fait.
 
 

Entourer

 
« Consolez ceux qui sont abattus, entourez les faibles. » (1 Th 5.14) Si par « prendre soin », j’ai voulu évoquer une aide matérielle, par « entourer » je souhaite attirer notre attention sur les besoins psychologiques et spirituels de la personne âgée. Le contexte du verset ci-dessus mentionne la personne abattue. Chaque phase de la vie comporte des batailles spécifiques à livrer. Les deux citations suivantes témoignent du fait que nos personnes âgées sont plus avancées que nous dans le pèlerinage dont la dernière phase est éprouvante. « Quand vous venez au monde, on vous apprend à vivre, puis à peine avez-vous appris cette leçon qu’il vous faut apprendre à mourir, et c’est beaucoup plus difficile ! »4  « La vieillesse : une succession de frustrations, de pertes, de deuils. Le but visé par Dieu c’est de nous faire passer progressivement de l’état d’homme installé à l’état de voyageur dans ce monde qui passe. »5
On pourrait croire que pour le croyant, l’approche de la mort est une attente joyeuse. C’est simpliste, dit Samuel Gerber dans son livre, « Mourir s’apprend ». Il nous rappelle avec sagesse que même le Christ a été « saisi d’effroi et d’angoisses » dans le jardin de Gethsémané (Mc 14.33). L’auteur fait état du phénomène bien documenté des étapes de deuil par lesquelles passent ceux qui se savent mourants.6 Un chrétien les vit différemment, certes, mais il les vit quand même. Il est alors précieux de pouvoir traverser ces étapes accompagné par un frère, une sœur, qui prie avec nous, qui tient notre main, qui veille.
 
 

Conclusion

 
 
Dans un excellent petit livre, à lire par les jeunes et les moins jeunes, André Pinguet avance que Dieu jugera les sociétés et les individus en partie en fonction de la manière dont ils auront traité les personnes âgées.7 Il se base sur l’accusation portée contre Babylone par Esaïe : « Tu n’as pas eu compassion d’eux, tu as lourdement appesanti ton joug sur le vieillard. » (Es 47.6). Cela fait penser, par exemple, à l’ancien régime en Roumanie où ceux de plus de 60 ans n’avaient plus droit aux médicaments remboursés ni à certains soins hospitaliers.
 
En tant qu’individus et en tant qu’Eglises, saisissons toutes les occasions pour manifester la compassion de Dieu pour un de nos prochains le plus vulnérable, la personne âgée.
 
B.D.
 


NOTES

 

1. De Claire-Lise de BENOIT chez LLB
 

2. J.M. NICOLE, « Le secret d’une vieillesse heureuse », Les carnets de Croire et Servir, 1976
 

3. Cf. le témoignage de mon épouse à la page 28.
 

4. J.M. NICOLE, opcit
 

5. Prédication du Dr B. Geffe reprise par Flora QUINTIN dans, « Face à . l’avenir, le troisième âge », chez Croire et Servir, 1988.
 

6. S. GERBER, « Mourir s’apprend », chez EBV, 1984, p. 63 à 75 pour une discussion sur comment accompagner un mourant.
 

7. A. PlNGUET, « Quand l’amandier fleurit : Ces vieux qu’il faut à l’Eglise » chez Viens et Vois, 1991.