Formation oblige …
Comment décliner la relation Églises-OEuvres dans le domaine de la formation biblique et pastorale ?
Pas de modèle unique… Chacun ses particularités et son contexte.
Trois responsables d’Instituts ou de Faculté de Théologie expliquent ci-dessous comment ils envisagent la relation entre les Eglises et leur organisme de formation :
- Claude GRANDJEAN pour l’Institut Biblique de Nogent (IBN) ;
- Jacques BLOCHER pour la Faculté Libre de Théologie Evangélique de Vaux-sur-Seine (FLTE) et l’IBN et
- Pierre KLIPFEL pour l’Institut Biblique de Genève (IBG).
Formation oblige…
Claude GRANDJEAN fait d’emblée le constat que « la relation Eglises-OEuvres n’a jamais été facile. » Mais « elle n’est pas conflictuelle pour autant » reconnaît- il. Cette relation, comme tout travail d’équipe, demande de l’investissement : « un champ de travail et de dialogue permanent » comme le souligne Jacques BLOCHER. La tâche n’est certainement pas aisée tant au niveau de la disponibilité des uns et des autres, de la dispersion géographique que de la multiplicité des unions d’Eglises et missions. Cependant, rappelle Pierre KLIPFEL, « il est difficile, voire impossible pour la plupart des Eglises, de former les croyants exclusivement en interne. D’où l’idée de travailler en réseau et de mettre les ressources des différentes unions d’Eglises au service d’un lieu de formation commun. » Difficile de former exclusivement en interne et on pourrait même ajouter : probablement pas souhaitable. En effet, écouter, partager avec des étudiants et enseignants d’autres unions d’Eglises apporte un réel « plus » et parfois aussi une remise en question sur des aspects secondaires et des habitudes de fonctionnement.
Place maintenant à chacun de nos intervenants avec cette même question :
Comment envisagez-vous la relation entre les Eglises et l’OEuvre de formation que vous représentez ?
Claude GRANDJEAN (IBN):
Personne ne remettrait en cause l’Eglise dans sa composante locale : elle est toujours considérée comme plan et volonté de Dieu. L’oeuvre, elle, laisse planer un doute. Parmi les craintes de l’Eglise j’ai souvent perçu la peur que les oeuvres la privent de ressources humaines et financières, qu’elle ne puisse exercer un certain contrôle sur leurs activités, qu’une certaine « pureté doctrinale » ne soit conservée.
En tant que président du conseil de l’IBN je considère cette institution comme un service, un complément, le prolongement de l’Eglise pour un ministère particulier : celui de l’enseignement et de la formation de serviteurs et servantes de Dieu.
Le caractère interdénominationnel de l’IBN est une richesse pour l’Eglise parce qu’il construit des ponts, il permet la confrontation des points de vue, il élargit la connaissance, il contribue au respect et à l’unité du peuple de Dieu par les liens qui se tissent entre les étudiants, par les réseaux qui s’y développent. Pour moi l’IBN, comme les autres instituts et facs, ne se conçoivent pas sans les Eglises. Il serait dommage que celles-ci se privent des dons que Dieu a faits à son peuple. Le temps ne serait-il pas venu, dans l’esprit du CNEF, de nous mettre autour d’une table pour exprimer nos attentes et rechercher ensemble ce qui pourra contribuer à faire avancer l’oeuvre de Dieu en général ?
Jacques BLOCHER (IBN et FLTE):
Le lien aux Eglises est essentiel – vital – pour les écoles de formation biblique et théologique, dont le ministère est un ministère de l’Eglise au sens large, accompli par les établissements de formation en faveur des Eglises et des unions d’Eglises. Ce lien correspond à une réalité de chaque instant : il s’exprime par le fait que professeurs, étudiants, membres du personnel, membres des conseils d’administration et des assemblées générales … sont tous des membres actifs d’Eglises évangéliques.
Par leur engagement, la réalité des Eglises est présente dans nos murs et la réalité de nos écoles est relayée au sein des Eglises. Mais tout n’est pas si simple : ce lien doit être l’objet de soins constants. Il doit en particulier être préservé de la «tentation institutionnelle», de l’image erronée selon laquelle les écoles seraient des institutions qui existeraient de façon autonome et comme pour elles-mêmes. L’interdépendance des écoles et des Eglises doit être un champ de travail et de dialogue permanent.
Il appartient aux écoles d’être attentives aux besoins de formation réels des Eglises et de tenter de développer une offre de formation appropriée. Il appartient aux Eglises de se préoccuper activement des vocations au ministère pastoral et d’ancien d’une part, et d’autre part de consacrer à cette formation les ressources humaines et matérielles indispensables …
Pierre KLIPFEL (IBG):
Le sujet des relations entre les Eglises et un lieu de formation tel que le nôtre se situait déjà au coeur des préoccupations de mon prédécesseur Mike Evans, au début des années 1990. À la demande de l’Action Biblique et de quatre autres unions d’Eglises, il avait
alors mis sur pied un nouveau programme de formation dont l’objectif était d’être en adéquation avec la réalité des Eglises locales.
Cela explique que l’IBG est le fruit d’un partenariat avec plusieurs unions d’Églises et oeuvres missionnaires – dont les CAEF. À ce jour, ce partenariat représente potentiellement près de 400 Églises locales.
Dans son dialogue avec les Eglises, l’IBG est attentif aux éléments-clés suivants :
- l’interaction constante entre une formation théorique de qualité, avec ses exigences académiques, et la réalité complexe du terrain qui est en constante évolution.
- l’identification, l’encouragement actif et le suivi aussi bien spirituel que financier des croyants qui pourront ensuite assumer des responsabilités dans l’Eglise, soit à côté de leur métier, soit à temps complet.
- l’implication de chaque union d’Eglises ou oeuvre missionnaire partenaire dans les instances pédagogiques de l’Institut.
- l’accueil des stagiaires dans le cadre de la formation en alternance que nous proposons dès la deuxième année. Le statut de l’alternance est très avantageux car il permet d’avoir rapidement un pied à l’étrier et de bénéficier d’une insertion très rapide dans la vie de l’Eglise locale. Dans de nombreux cas, le stagiaire exerce par la suite un ministère au sein d’une de nos oeuvres partenaires.
Ainsi l’IBG et les Eglises locales s’enrichissent et s’interpellent.
PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-CHRISTINE FAVE ET REYNALD KOZYCKI.