A lire uniquement par ceux qui ne savent pas
s’ils gâtent leurs enfants 1
par Annick Waechter
Aujourd’hui « Oui, nos enfants sont gâtés. Même si, de bonne foi, les parents rétorquent qu’expliquer à un enfant les raisons psychologiques de son heure de coucher, ce n’est pas gâter, c’est dialoguer, […] que réprimander un professeur qui a mal noté son cadet, ce n’est pas gâter, c’est défendre l’enfant face à l’institution scolaire. […] Où est la limite entre tendresse, confort, protection et gâterie ? »
On ne s’aperçoit qu’après coup qu‘on a gâté son enfant, commente Béatrice Copper-Royer, psychothérapeute pour enfants et auteur de `Vos enfants ne sont pas des grandes personnes’ (Albin Michel). `Un enfant est gâté lorsqu’il envahit la vie de famille, qu’il fait basculer ses parents dans le dévouement sacrificiel.’ La frontière est donc particulière à chaque équilibre familial, mais un enfant incapable de renoncer, d’obéir sans négocier, d’accepter la sanction est probablement un enfant gâté. »
« L’idéologie de l’adoration de l’enfant a mis parents et enfants sur un pied d’égalité, les parents s’agenouillent à la hauteur de leurs enfants pour tout leur expliquer, dit Louis Roussel. Et les enfants, pas bêtes, en profitent. Si je peux discuter de ma barrette, négocier mon heure de coucher, pourquoi pas, alors, réclamer la PlayStation II et un quart de point sur ma copie de géographie ? »
« On élève des enfants en voulant à tout prix les épargner – ils auront bien le temps d’affronter la réalité à l’âge adulte – et donc sans les armer pour ce combat. `On entend en somme mener l’enfant à l’adolescence sans heurts, sans contraintes, avec le moins possible de conflits `, écrit Louis Roussel. «’Or, rappelle Daniel Marcelli, grandir impose de faire des deuils. Plus l’enfant aura été magnifié, plus il lui sera dur de renoncer. La confrontation au manque, à l’interdit, à la frustration justement équilibrée est une expérience fondamentale de l’être humain.’ A appliquer, donc, sans tarder. »
« Les professionnels de l’éducation remarquent combien les enfants sont devenus des champions du chantage affectif et leurs parents hantés par la peur de ne plus être aimés de leurs enfants. `Or il faut accepter d’être un temps détesté par ses enfants’, ajoute Béatrice Copper-Royer. »
« Au pays des enfants rois, tout n’est pas rosé. Et le sacre contemporain de la progéniture doit aussi beaucoup à la mauvaise conscience des parents. Si les parents ont fait de leurs enfants ces petits rois capricieux, `c’est pour compenser leur manque de présence, leurs horaires à rallonge au bureau, leur peu de disponibilité au dialogue, le téléviseur branché pour ne pas discuter de ce qui fâche’, estime Colette Barroux, rédactrice en chef de la revue L’Ecole de parents. On gâte pour ne pas avoir à se confronter, à se fâcher, pour avoir la paix. `Or la paix en famille est une utopie, assène Daniel Marcelli, je le dis à tous les parents que je rencontre. La vie de famille, c’est la guerre constante’ une guerre pour rendre nos enfants heureux. Et adultes. »
« Les parents d’aujourd’hui ne se montrent pas assez fermes avec leurs enfants. Et c’est mauvais pour toute la famille. Les psychologues et les éducateurs s’alarment. »
« L’exigence du bonheur pour leurs enfants pousse les parents à faire n’importe quoi. »
A.W.
Note
1. : Les citations, relevées par Annick Waechter, sont tirées de l’article du journal LE POINT du vendredi 14 décembre 2001, n°1526 article : « L’enfant roi, par Emilie LANEZ.