La cène. Deux, trois, ou toute l’Eglise ?
par Esther Buckenham
Un de mes plus précieux souvenirs d’enfance est attaché à une salle toute simple, où, dimanche après dimanche, j’ai assisté (à partir de mon quatrième anniversaire !) au culte. Je n’étais pas forcée d’y aller, bien au contraire, car on m’avait estimée « un peu jeune pour comprendre » ; mais je trouvais que le dimanche se distinguait des autres jours. Mes parents revenaient du culte « différents » : plus détendus, plus joyeux, plus tendres, et je voulais découvrir le secret !
Au début j’étais un peu déçue. Cela durait une heure trente minutes, minimum ! C’était long pour une petite fille ! Peu à peu cependant, j’étais gagnée par le calme, la solennité respectueuse, et surtout par le mystère de la cène. L’impression qui m’est restée est celle d’un très grand et majestueux roi, qui recevait ses sujets, avec leurs offrandes de louange, de joie, de remerciements, d’argent… et qui partageait, en retour, ce simple repas de pain et de vin. A ce moment-là, participer au culte sans être pleinement «impliquée» me semblait impensable.
Les années ont passé. Nous étions, mon mari et moi, dans un pays non chrétien. Il y avait dans notre ville, une seule église protestante. Là, une fois par mois, il y avait un culte avec sainte cène. Nous l’attendions ! Mais il y avait, pour nous, un problème : TOUS étaient invités à participer, « sans condition, sans exception », « chrétiens ou non chrétiens », « croyants ou non croyants ».
Je ne sais pas ce que vous auriez fait. Nous, nous avons beaucoup prié, et la force des versets tels que 1 Co 11.27-29 nous a frappés. Nous ne nous sommes pas sentis libres de participer à ce repas. Nous avons assisté aux cultes, mais le dimanche soir, en toute simplicité, nous avons – à deux – mangé le pain et bu le vin, en présence de notre Sauveur, notre Maître, notre Roi. Ces moments sont restés lumineux dans ma mémoire.
Bien plus tard, j’ai eu l’occasion de passer presque deux années à la direction d’une maison pour personnes âgées. Pour celles qui étaient encore mobiles, aller au culte était le sommet de la semaine ! De voir leur joie le dimanche matin, quand elles partaient, à pied pour deux ou trois, en voiture pour les autres, était pour moi tout un message – et combien je remerciais Dieu pour des frères et des soeurs, si dévoués, si aimants, pour ceux qui retournaient chercher leurs aînés plus faibles !
Mais les personnes les plus âgées, plus gravement malades qui ne quittaient plus leur lit, ou qui s’étaient enfermées dans la solitude, celles qui étaient oubliées par leur famille… il ne fallait pas que nous, nous les oubliions. Chaque dimanche après-midi, il y avait une réunion au salon. Les pasteurs et les anciens des Eglises de la ville venaient à tour de rôle pour un moment de culte. Ensuite, pour ceux ou celles qui en faisaient la demande, il y avait une visite personnelle avec, ou sans, la cène.
Souvent j’ai assisté à ces moments intimes ; et entendre des prières toutes simples, mais tellement sincères et profondes, était un privilège. Nous n’étions souvent que trois ou quatre personnes présentes, mais Jésus n’a-t-il pas promis d’être là ? Sa présence était presque tangible, et pour ces personnes, la joie faisait oublier pour quelques heures les souffrances du présent.
Si j’évoque ces souvenirs, c’est parce que je trouve qu’il y a des circonstances où ce n’est pas seulement « permis » de rompre le pain à deux ou trois, mais où c’est même un devoir (sans parler de la joie de ces moments, unis dans l’amour, la simplicité, en présence de notre Seigneur). Je ne parle pas du côté théologique de la question (d’autres sont plus qualifiés pour le faire), sauf pour dire peut-être que je n’ai jamais trouvé d’opposition à une telle pratique dans la Bible. Jésus qui a partagé ce simple repas avec quelques amis intimes, devant l’ombre de la Croix, refuserait-il de présider à cette table avec deux ou trois de ses enfants en difficulté, des personnes qui attendent peut-être à leur tour la mort physique ?
La simplicité de ces rencontres intimes n’enlève rien à leur sérieux ni à la responsabilité de chacun, dans l’humilité, de confesser les péchés connus, et d’accepter le pardon, grâce au sacrifice de Jésus-Christ. Que cela soit dans une église, ou dans une simple chambre, chacun s’engage personnellement.
C’est le Seigneur lui-même, comme si souvent, qui nous donne l’exemple. Sur le chemin Emmaüs, il s’est approché de deux disciples… il est entré dans leur intimité, et là, il a rompu le pain. C’est à ce moment-là que leurs yeux se sont ouverts, et qu’ils ont reconnu le Maître ! C’est un miracle qui se produit encore aujourd’hui, j’en suis témoin !
E. B.