Conversion, Baptême, Cène…

 

… dans l’ordre ou le désordre ?

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par Brian Tidiman

 

 

 

Conversion, baptême, cène : ce sont incontestablement trois moments forts ou aspects essentiels de la vie chrétienne. Il est par conséquent important de leur attribuer leur place juste selon l’enseignement du N.T., d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’options facultatives. Chacun, en effet, fait l’objet d’une injonction (convertissez-vous, Ac 3.19 ; faites ceci dans le cas de la cène, 1 Co 11.24; ou sous forme d’un souhait ayant valeur d’impératif : que chacun soit baptisé, Ac 2.38).

 

Un trio complexe

 

La bonne succession de ces trois événements et gestes est quelque peu compliquée à établir du fait qu’on ne peut pas simplement donner un numéro d’ordre à des actes de même nature.

 

La cène est un acte de culte répétitif (toutes les fois que vous en boirez, 1 Co 11.25) mais qui renvoie à deux événements uniques, la mort expiatoire du Seigneur et son retour glorieux (1 Co 11.26).

 

baptemesLe baptême est pour le croyant un geste réalisé une fois pour toutes, mais aux origines complexes : l’eau servait aux rites de purification symbolique chez les juifs (Ex 29.4,17 ; 30.17-21, etc.) ; s’y plonger devient chez Jean-Baptiste un engagement personnel vis-à-vis de Dieu (Mt 3.7-11) et pour Paul le vrai baptême est l’identification avec le Christ crucifié et ressuscité (Rm 6.3-4).

 

La conversion se distingue nettement des deux autres, actes publics, en tant que décision personnelle et transformation intérieure. Elle doit, il est vrai, être suivie d’une déclaration publique (Rm 10.9) et de preuves visibles de sa réalité (Mt 7.15-18) – il n’en reste pas moins que l’intéressé peut tromper son entourage, du moins pendant un certain temps (1 Co 5.1 ; 1 Tm 1.19-20 ; 2 Jn v.9, etc.). Il n’est donc pas surprenant que si Actes 2.38-42 suggère un ordre chronologique, aucun texte biblique n’établit une séquence formelle et contraignante.

 

La situation se complique encore davantage par l’association étroite des trois dans le N. T. Le baptême est d’après Romains 6 le moyen de rendre visible la réalité cachée de la conversion. La cène, bien comprise, n’a de sens que pour celui qui est passé par une conversion authentique. Les trois ont leurs racines dans le contexte de l’ancienne alliance : il suffit de citer Jérémie 31.31-34 comme fondement de la conversion, le caractère nettement judaïque du baptême de Jean-Baptiste (Ac 19.4) et la référence à la Pâque juive dans l’institution de la cène (Lc 22.15).

 

Difficulté supplémentaire : le nombre de textes portant sur les trois est inégal :

 

La conversion est un thème omniprésent, dans la repentance exigée par Jean-Baptiste (Mt 3.11) et la foi en Jésus prêchée par les apôtres (Ac 3.16 ; 16.31, etc.) jusqu’à la vie nouvelle proclamée par Paul (2 Co 5.17).

 

Le baptême accompagne chaque étape de la diffusion de l’évangile dans les Actes.

 

Or quatre passages seulement présentent directement l’institution, le sens et la place de la cène (Mt 26.26-29; Mc 14.22-25 ; Lc 22.15-20 ; 1 Co 11.23-34). On peut ajouter quelques textes annexes (1 Co 10.1-22 ; Lc 24.30 ; Jn 6.25-29 ; Ac 2.42,46 ; 20.7-11) ou des «échos» (tels que 1 Co 5.6-8 ; Hb 6.4 ; 13.10 ; 2 Pi 2.13 ; Jd v.12). Il n’en demeure pas moins que la cène apparaît, quantitativement sinon qualitativement, comme le « parent pauvre ». Cette pauvreté sert à attirer l’attention en premier sur les deux « parents riches ».

 

 

Une réponse partielle : priorité à la conversion

 

A genouxMalgré le lien étroit entre conversion et baptême, l’antériorité est systématiquement donnée à la première, tant dans les Evangiles (Mt 28.19 ; Mc 16.15-16) et les Actes (1.2-5 ; 2.38 ; 8.12 ; etc.) que dans les épîtres (Rm 6.3-5 ; Ga 3.26-27). Si l’on peut contester l’un ou l’autre exemple, ce témoignage d’ensemble confirme le principe ; l’exemple de l’eunuque éthiopien (Ac 8.36-37) pourrait, malgré quelques problèmes textuels, suffire à lui seul à confirmer, à l’avance, l’enseignement de Romains 6.

 

Le baptême ne fut donc administré dans l’Eglise primitive qu’aux croyants (ce que Luther, pédobaptiste, reconnut en prétendant qu’un nourrisson pouvait avoir la foi) après une profession de foi personnelle. Personne n’est habilité à renverser cet ordre. Vu la proximité chronologique des deux (Ac 2.38 ; 8.35-38 ; 16.33, etc.) il serait difficile d’intercaler une première participation à la cène.

 

 

La cène comme couronnement des trois étapes

 

ceneÉtablir un simple échéancier ne permet guère de mieux saisir l’enseignement biblique. Il importe plutôt de discerner le cheminement du croyant vers sa pleine intégration dans l’église locale. Sa conversion est liée à une décision personnelle, prise à la lumière du témoignage écrit ou oral d’un ou de plusieurs membres de l’Eglise.

 

Son baptême, qui requiert l’accord des responsables de l’Eglise, repose sur la conviction de cette même Eglise que cet acte personnel a réellement eu lieu.

 

Sa participation à la cène parachève ce processus : le partage, dans le cadre de l’Eglise locale, des signes de l’oeuvre rédemptrice du Seigneur de l’Eglise, de l’attente de son retour et de la conviction que lui seul peut nourrir la foi du fidèle entre ces deux pôles de l’histoire du salut marque l’intégration plénière du nouveau converti.

 

 

Peut-on déroger à cette règle ?

 

Force est de constater que dans nos assemblées, le baptême ne suit pas immédiatement la conversion. On peut déplorer ce retard ou en énumérer les avantages : le jeune croyant a le temps de découvrir un monde nouveau… et les frères et soeurs avec qui il va partager la cène (cf. Mt 18.15-17). La prise de contact de cette réalité humaine (avec ses joies et ses déceptions) le prépare à un partage plus vrai.

 

On peut, par contre, regretter qu’il soit exclu pendant une période qui peut lui paraître longue d’un élément essentiel de la vie communautaire : l’Eglise de Jérusalem a, au moins à ses débuts, fait de la cène une pratique quotidienne (Ac 2.46), l’Eglise de Corinthe l’a intégré dans ses agapes (1 Co 11.20-21).

 

Si le jeune chrétien a déjà accès à la dimension spirituelle symbolisée par la cène (purification, cf. Jn 13.8 ; nourriture spirituelle, cf. Jn 6.50-51), pourquoi serait-il exclu de sa manifestation tangible ? D’autant plus que l’obstacle majeur à l’approche de la « table du Seigneur » est pour Paul non l’absence d’un rite ecclésiastique, mais la participation à la « table des démons » (1 Co 10.21).

 

La réponse à cette problématique d’un renversement de l’ordre logique (et biblique) n’est pas évidente. On peut réduire la tension en évitant de retarder le baptême, considéré souvent de nos jours comme un «brevet de sanctification». Il devient alors plus facile de conseiller au nouveau croyant de ne pas brûler les étapes.

Certaines situations peuvent néanmoins se présenter où la participation à la cène semblerait, après examen du dossier, plutôt indiquée. Il serait en tout état de cause sage que chaque Eglise locale fixe quelques repères afin d’éviter toute apparence d’arbitraire dans la gestion des cas individuels.

 

B. T.