Epouse : un ministère !
Interview de Edith Kessely par Annick WAECHTER
Edith, pourriez-vous vous présenter ?
Née en Suisse, je me suis convertie à l’âge de 14 ans ; j’ai été interpellée très jeune par la biographie de Hudson Taylor. La question de la mission me préoccupait déjà. J’ai perdu ma mère et ma grand-mère en une semaine. Cela m’a montré la fragilité de la vie. Touchée par 2 Cor 5.15, je me suis consacrée au Seigneur en disant : «la vie que Tu me donnes, je ne veux pas la vivre pour moi, mais pour Toi. »
Après une école de commerce, j’ai travaillé comme secrétaire. Ensuite j’ai rencontré celui qui est devenu mon mari : Nicolas Kessely. Toujours avec ce désir de servir le Seigneur, j’ai passé d’abord 6 mois à Londres, au siège de la Mission OMF pour ensuite suivre une formation à l’Institut biblique Emmaüs. En 1966 nous nous sommes mariés et j’ai rejoint Nicolas qui travaillait déjà en Alsace depuis 2 ans. Notre vie fut enrichie par nos 4 enfants.
Nicolas et vous-même êtes entrés en plein dans la mission avec la création de France Pour Christ. Comment vous décririez-vous : Femme de missionnaire ou couple de missionnaires ?
Plutôt couple de missionnaires, parce que j’avais cette vocation missionnaire déjà avant le mariage.
Et avec les enfants ?
Dès le début, nous avions décidé ensemble que ma première mission serait «sur le front familial». Si le Seigneur nous a conduits au mariage, et nous a confié des enfants, quel dépôt important à gérer… ! J’étais consciente que les enfants nous étaient «prêtés» pour un temps ! Je me réjouissais de cette étape, bien qu’elle fût parfois liée à des renoncements. Comme nous habitions « sur place », je me sentais impliquée dans le travail. Pendant des années, nous avions plusieurs missionnaires-stagiaires chez nous. J’ai réalisé que pour une femme, «servir le Seigneur» est souvent lié à des choses très terre à terre, très pratiques ! Mais elles ne valent pas moins :
Jésus nous a montré l’exemple du service, en mettant un tablier ! Lentement j’ai compris qu’un coeur content est essentiel. Parfois je m’imaginais que vivre dans d’autres circonstances me permettrait d’être plus épanouie ! Frustration ou épanouissement dépendent toujours, et encore aujourd’hui, de mon attitude intérieure, de mon coeur, de ma relation avec le Seigneur ! Bien avant les mains, c’est mon coeur qui doit être disponible, bien disposé ! « Un coeur content est un festin perpétuel » (Pr 15.15).
Quelles ont été et sont les tensions que vous avez affrontées en tant qu’épouse de responsable de mission ?
Au début de notre mission, vivre l’opposition à l’Evangile, être considérés comme «balayures du monde»… Avoir en plus de la famille, souvent des équipiers à table… Plus tard quand l’oeuvre grandissait, apprendre à vivre par la foi et partager le peu que nous avions, avec nos collaborateurs !
Supporter toutes sortes de « stress » en même temps, des tensions dans l’équipe missionnaire, des critiques négatives, des calomnies ou mises en question de la part de chrétiens. Affronter nos impossibilités parfois financières et apprendre à nous décharger sur le Seigneur, persévérer dans la prière et dans ce que le Seigneur nous a mis à coeur même dans les moments où nous avons eu envie de « faire les valises ».
Pourriez-vous décrire l’évolution de votre ministère aux côtés de votre mari au fil des années ?
Le ministère d’une épouse est lié à des étapes selon l’âge des enfants et il y a des priorités à placer. Mon engagement était limité (vers l’extérieur) quand les enfants étaient petits, mais collaborer dans la prière, accueillir des gens à table, encourager par courrier ou par téléphone était toujours possible. J’aimais aussi beaucoup le travail parmi les enfants. Plus tard j’ai été davantage disponible pour visiter des femmes, ou accompagner mon mari dans son ministère.
Imaginiez-vous qu’être épouse était un ministère ?
Etant jeune, je ne me suis pas posé cette question… Aujourd’hui je vois la portée de ce ministère. Bien que souvent caché, mon travail n’en est pas moins important, mais différent. Puisque nous servons ensemble le même Seigneur, nous sommes complémentaires. Mon mari m’a souvent encouragée en me rappelant cela. C’est vrai : la femme « fait » ou « défait » le missionnaire. Par mon attitude, je peux freiner mon mari ou l’encourager à aller de l’avant.
Maintenant que les enfants sont grands, quelle est votre place au sein de la mission ?
Aujourd’hui nous ne sommes plus directement engagés dans l’implantation d’Eglise, mais nous habitons au siège de la Mission, à Drulingen. Bien que je sois davantage disponible, mon «ministère» est encore souvent très pratique : nous pouvons accueillir jusqu’à 50 personnes ici (rencontres de nos missionnaires, déjeunes, WE d’Eglises, etc.).
J’ai à coeur l’hospitalité et je me réjouis quand les gens se sentent à l’aise ! (Je suis reconnaissante pour notre vie d’équipe). D’autre part je peux aussi accompagner Nicolas pour visiter et encourager nos missionnaires dans les différents centres.
Je suis grand-mère de 10 petits-enfants et j’ai toujours à coeur la famille ! Nous avons vécu des souffrances et des épreuves qui nous ont beaucoup rapprochés. Nous avons une petite-fille trisomique et hyperactive, et selon les besoins j’aime aider et soulager pratiquement !
Pour résumer : faciliter le travail pour mon mari selon mes possibilités, avoir une porte ouverte, être disponible là où le Seigneur me veut ! J’ai à coeur d’écouter, d’aider, d’encourager, de consoler !
Des regrets ?
Je regrette mes échecs… mais je comprends mieux le verset gravé dans nos alliances il y a 35 ans : Jn 1.16 : De sa plénitude nous avons tous reçu grâce sur grâce . J’ai pu recevoir une grâce après l’autre, pour mon péché, mes mauvaises attitudes, mes mauvaises réactions, et je vis de Son pardon jour après jour.
Qu’aimeriez-vous nous laisser ?
– J’aimerais encourager celles qui pensent vivre une vie trop ordinaire. Elle peut devenir extra-ordinaire avec un coeur bien disposé ! Notre vocation est d’être une aide pour nos maris. Avec un coeur bien disposé, nous le sommes !
– J’aimerais convaincre les épouses de notre rôle primordial, car les foyers sont de plus en plus menacés. Nous pouvons bâtir notre maison, ou la renverser de nos propres mains. N’oublions pas : la famille est une mini-Eglise, nous formons les disciples dans nos propres maisons ! Quel ministère !
– J’aimerais rendre sensible à la souffrance souvent cachée dans nos Eglises. Beaucoup de personnes traversent des déserts. Ayant passé par l’épreuve, j’aimerais encourager les épouses à voir et prendre à coeur pratiquement les besoins des autres !
A.W.