Exerce-toi à la piété
Par Reynald Kozycki
« Exerce-toi à la piété, car l’exercice corporel est utile à peu de chose, tandis que la piété est utile à tout, ayant la promesse de la vie présente et de celle qui est à venir ». 1 Tm 4.7-8
Les mots « piété » ou « pieux » sont plutôt obscurs pour nos contemporains. On dit d’une personne qu’elle est tellement pieuse qu’on aurait pu l’enfoncer dans le sol, ou qu’un tel était tellement pieux qu’il aurait servi de matelas !
Mais au fait, c’est quoi la piété ?
Pour faire simple il s’agit de notre obéissance, notre attachement à Dieu. Les Evangiles utilisent peu ce mot, mais les Epîtres en font un terme clé pour synthétiser la vie pratique du chrétien à travers sa foi, son amour, son adoration, son obéissance… Pour Calvin, « la piété est la vertu qui, nous ayant séparés des souillures du monde, nous unit à Dieu par la sainteté ».
J. Packer la décrit comme « une manière de vivre qui honore Dieu… elle s’enracine dans une attitude de révérence, de soumission et d’obéissance à l’égard de Dieu…, elle concerne la séparation d’avec le monde et la consécration à Dieu ».
La piété n’est pas une option à la vie chrétienne. Tout enseignement biblique doit avoir la préoccupation de susciter la piété. Pour Paul, l’une des caractéristiques des fausses doctrines est de ne pas être conforme à la piété (1 Tm 6.3-4). La connaissance de la vérité est « selon la piété », c’est-à-dire, la piété est l’expression normale et nécessaire de la vérité reçue .
Promesse de la Vie
Avant de parler d’exercices, relevons ta promesse liée à la pratique de la piété. Elle est utile à tout, ayant la promesse de la vie présente et de celle qui est à venir.
Le sport a certainement son utilité, mais en comparaison aux bienfaits de la piété, Paul estime l’exercice corporel utile à peu de chose. L’attachement à Dieu nous ouvre à la bénédiction divine déjà en cette vie. Disons d’emblée que la piété ne recherche pas l’enrichissement matériel : « C’est en effet une grande source de gain que la piété avec le contentement ». Elle est en opposition avec les désirs frénétiques que certaines personnes ont de s’enrichir (1 Tm 6.6-10). La promesse de la vie présente pourrait désigner plutôt quelques caractéristiques de l’oeuvre de l’Esprit en nous : « Le fruit de l’Esprit c’est l’amour, la joie, la paix… » (Gal 5.22).
Nous pouvons mentionner aussi les promesses de liberté et d’affranchissement : « Si vous demeurez dans ma parole…, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libre » (Jn 8.31). Au-delà des bénédictions, Paul a probablement en vue, la Vie surabondante que notre Berger est venu apporter à ceux qui le suivent, vie qui découle de notre relation avec Lui (Jn 10.10).
Beaucoup combattent pour une couronne corruptible et sont prêts à de grands sacrifices pour une gloire éphémère (comme dans le sport à haut niveau ou dans la musique), mais l’exercice de la piété, nous assure les plus grandes promesses de la vie à venir : « Sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété… A cause de cela même, faites tous vos efforts pour joindre à votre foi la vertu… à la persévérance la piété… C’est ainsi que vous sera largement accordée l’entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. » (2 P 1.3-11)
Concernant la promesse de la vie à venir et cette entrée dans le royaume éternel, pensons à la place que Dieu nous a préparée, pensons à notre participation à son royaume et à sa gloire… (Jn 14.2 ; 1 P 5.10). Mais, – oserions-nous écrire -, la promesse de la vie présente et de la vie à venir est conditionnée par l’exercice de la piété !
Danger du légalisme
La pratique de la piété ne se résume pas à de simples exercices qui pourraient vite devenir une manière de « mériter » la vie présente et la vie à venir. Dans le Nouveau Testament, la piété trouve sa source d’abord dans la grâce de Dieu : « Sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété… » (2 P 1.3). Il n’est pas naturel de concilier cette grâce avec la notion d’exercice de piété. Pourtant ces deux aspects devraient être indissociables.
Dieu nous a aimés le premier, il nous accorde son pardon extraordinaire, nous qui avions une si grande dette (Mt 18.23-34). Nous recevons aussi la puissance d’une vie nouvelle par l’Esprit de Dieu. Nous comprenons pourquoi Paul écrit à Timothée : « Fortifie-toi dans la grâce qui est en Jésus-Christ » (2 Tm 2.1) ou à Tite : « Car elle s’est manifestée, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes. Elle nous enseigne à renoncer à l’impiété… pour que nous vivions dans le temps présent avec réserve, justice et piété » (Tt 2.11-12).
Pour dire autrement, cette grâce nous enseigne (ou nous éduque fermement) à nous exercer à la piété.
Quels exercices ?
Il est difficile de privilégier un exercice plutôt qu’un autre. Il nous semble important de commencer par la dimension communautaire de la pratique de la piété. Si la dimension personnelle est indispensable, la dimension communautaire l’est tout autant.
Louis Schweitzer a raison de parler de l’Eglise comme d’une école de disciples : « Alors que dans d’autres traditions, comme par exemple le bouddhisme, la transmission se fait avant tout par des maîtres, c’est d’abord l’Eglise comme communauté qui remplit cette fonction » .
Dans l’Eglise
A l’exemple des premiers disciples qui persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, la fraction du pain et dans les prières (Ac 2.42), nous avons besoin de nous exercer à cette persévérance. Notre écoute de la parole de Dieu, notre présence régulière aux rencontres de l’Eglise, notre participation à la cène, notre association aux prières, notre libéralité… sont tous autant d’exercices de base pour notre piété.
Notre présence au culte est évidemment essentielle, mais non suffisante. « Les Réveils ont toujours pris conscience de ce que le culte communautaire, avec ce qu’il peut avoir parfois de formel, ne suffit pas à faire une communauté, et surtout pas des chrétiens adultes » .
La recommandation de Paul à Timothée va dans ce sens : « Fuis les passions qui peuvent assaillir un jeune homme. Fais tous tes efforts pour cultiver la foi, l’amour et la paix avec tous ceux qui font appel au Seigneur d’un coeur pur » (2 Tm 2.22). On pourrait appliquer cette recommandation à des groupes de maison orientés vers l’édification, ou à des petits groupes de prière réguliers.
Ainsi la vie d’Eglise est l’un des premiers lieux pour s’exercer à la piété. Un peu comme une braise retirée d’un foyer se refroidit très rapidement, un chrétien qui ne s’exerce pas à la piété dans le cadre de son Eglise locale risque de se refroidir très vite.
Les exercices réguliers personnels
Pour simplifier, je pense à trois exercices fondamentaux qui, d’ailleurs, se pratiquent aussi bien seul que dans l’Eglise. D’abord, l’écoute de la Parole de Dieu. C’est un des exercices de piété les plus importants. Par exemple, Paul prophétise une période d’apostasie et montre que, dès aujourd’hui, il est vital de se nourrir des Ecritures, insufflées par Dieu Lui-même et utiles pour enseigner, réfuter, redresser et apprendre à mener une vie conforme à la volonté de Dieu (2 Tm 3). Nous renvoyons aux autres articles de ce numéro ou au dossier de janvier 1999.
La prière serait le deuxième exercice fondamental, aussi important que complémentaire à la lecture de la Bible (nous renvoyons au numéro 2 de 2007 de notre revue).
Enfin, je mentionnerai le témoignage de notre foi. Généralement on affirme, avec raison, que notre témoignage découle plutôt de notre piété, dans le sens où, notre bouche devrait parler du trop plein du coeur. Néanmoins, il est vrai aussi que le témoignage est une sorte d’exercice de piété qui nous enracine encore plus dans notre relation avec Dieu : « Quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père » dit Jésus (Mt 10.32).
A ces trois exercices, j’ajouterai la lecture attentive de certains auteurs chrétiens. En effet, le Nouveau Testament nous affirme que Dieu a donné différents dons dans l’Eglise, comme des pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints (Ep 4.11-12). Combien pourraient témoigner du bien reçu par l’écoute d’une prédication, ou par la lecture d’un livre .
Dans la vie quotidienne
II est vrai que l’exercice de la piété nous pousse à rechercher un approfondissement de notre relation avec Dieu, mais cela doit nous conduire aussi vers notre prochain. Nous avons déjà abordé le rôle de l’Eglise, ainsi que du témoignage. La famille joue de même un rôle important : « Si quelqu’un ne prend pas soin des siens, en particulier des membres de sa famille, il a renié la foi et il est pire qu’un incroyant » 1 Tm 5.7.
Les exercices de la piété ne peuvent pas faire l’impasse de la famille. Ce devrait être d’ailleurs un lieu où les parents guident leurs enfants dans ce chemin de foi, où le couple, uni en Christ, passe du temps ensemble dans la prière et dans la méditation de la Bible. Mais au-delà des exercices « spirituels », la piété passe par l’amour concret, l’esprit de service à l’exemple de notre Seigneur qui est venu non pour être servi, mais pour servir (Mc 10.45). Cet esprit de service devrait aussi se manifester avec nos proches au sens plus large, envers nos voisins, nos collègues…
Le sens du mot « Piété »
Dans l’A.T., la piété (hèsèd en hébreu) est un attachement qui implique une entraide efficace et fidèle. Ce mot s’applique aux relations familiales, aux amis, aux alliés (Gn 47.29 ; Gn 21.23). C’est le mot utilisé très fréquemment pour parler de la bonté ou de la bienveillance de Dieu qui dure toujours (Ps 136).
Notre piété est la réponse à sa bonté, se traduisant par notre attachement filial à Dieu par l’obéissance et par l’esprit d’adoration (Dt 10.12). Dans le N.T., la piété (eusebia) est l’une des vertus fondamentales de l’homme de Dieu (1 Tm 6.11 ; Tit. 1.8), présente normalement en tout chrétien authentique (Tt 2.11 ; 2Pi 1.6).
Elle libère de l’amour de l’argent (1 Tm 6.5). Elle donne la force de supporter les persécutions (2 Tm 3.11). Le secours de Dieu et la vie éternelle sont promis à la vraie piété (2 Pi 2.9 ; 1 Tm 4.8). |
Pratiques continuelles
De même qu’un athlète de haut niveau est presque constamment dans son sport, ou que certaines professions obligent à une vigilance continuelle (je pense à certains militaires, agents secrets…), le chrétien soucieux de s’exercer à la piété, découvre que Dieu l’appelle à être constamment sur le qui-vive.
Nous touchons à des points qui placent la vie chrétienne à un très haut niveau et s’appliquent quasiment à chaque instant de nos vies. Mentionnons quelques-unes des pratiques continuelles vers lesquelles nous devons tendre :
Paul dit en Actes 24.16 : « Je m’efforce d’avoir constamment une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes ». Ce point nous renvoie à la lutte sans pitié contre le péché qui nous enveloppe si facilement (Hé 12.1), mais aussi à la grâce de son pardon si nous commençons à déraper. Il nous faut alors reconnaître nos fautes, les confesser et les délaisser.
Mentionnons la méditation constante de sa parole qui devrait même demeurer en nous. Heureux l’homme qui médite jour et nuit la loi de Dieu (Ps 1 ; Jn 15.7) ;
Paul nous exhorte à prier constamment, probablement en référence à ce dialogue intérieur que le Seigneur veut développer avec nous (1 Th 5.17).
Nous sommes aussi appelés à être constamment rempli de l’Esprit de Dieu : « Buvez à longs traits à la coupe de l’Esprit, laissez-vous constamment à nouveau remplir par le Saint-Esprit et cherchez en M votre plénitude » (Ep 5.18 PV) .
Jésus nous appelle avec force à demeurer en Lui (Jn 15.1-7), à nous nourrir constamment de Lui (Jn 6.53-57). Notre regard intérieur ne devrait pas seulement papillonner de temps en temps vers notre Seigneur, mais il devrait se fixer sur lui (Hé 12.2 ; Ps 123) tant pour le louer (Hé 13.15) que pour compter sur lui.
Conclusion
S’exercer à la piété engage toute notre vie. N’oublions pas que Dieu nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété au moyen de la connaissance de notre Seigneur. En comptant sur sa force, osons nous engager solennellement à ces exercices de piété et découvrir de manière toute nouvelle la promesse de la vie présente et de la vie à venir.
Questions pour une étude en groupe (prévoir une ou deux rencontres)
Lire 2 Pi 1.3-11 et 1 Tm 4.7-9 (ainsi que l’article ci-dessus). – Qu’est-ce que le mot piété évoque spontanément pour vous ? – Comment comprenez-vous a) la promesse de la vie présente ; et b) la promesse de la vie à venir en 1 Tm 4.7-9 ? – Comment concilier la grâce et la notion d’exercice de piété ? – Pourquoi l’Eglise devrait être un des premiers lieux d’exercice de la piété ? – Comment la piété peut-elle s’exercer, selon vous, dans l’Eglise ? – Comment la piété peut-elle s’exeercer dans la vie quotidienne ?
Relire les 6 pratiques continuelles suggérées dans l’article et les textes bibliques associés. Voyez-vous des moyens concrets de tendre vers ces objectifs ? et la vie éternelle sont promis à la vraie piété (2 Pi 2.9 ; 1 Tm 4.8). |
R.K.