Le couple peut-il survivre
quand les sentiments amoureux se sont refroidis ?
par Catherine DICKSON 1
Avant tout, il nous faut comprendre ce qu’est le sentiment amoureux. Le sentiment amoureux se construit chez le nourrisson dans son amour total pour sa mère 2. Mais très vite ce sentiment est frustré et l’enfant passe alors à la haine de la mère qui ne le comble plus totalement. L’inconscient enfouit tout ça, mais ces sentiments idéalisés et négatifs remonteront à différentes étapes de la vie comme un ballon de baudruche.
A l’âge de choisir un conjoint, ce sont les sentiments idéalisés qui remontent à notre insu, et qui se posent sur la personne choisie. Tout nous paraît bien chez cette personne ! Je me souviens avoir demandé à mon fiancé de me dire ses défauts avant le mariage parce que moi, je ne les voyais pas. Mais après quelques années de mariage, je ne lui pose plus cette question !
Avec le temps, il y a désidéalisation. Le conjoint devient moins comblant, plus frustrant. Ce qui nous plaisait devient désagréable. Le bleu céleste de ses yeux nous paraît lavasse ; son côté bohème qui nous attirait nous devient insupportable. La même chose est créditée en positif ou en négatif selon le moment. Tout comme j’ai projeté des qualités que mon conjoint n’avait pas, je suis tout aussi capable de projeter des défauts qu’il n’a pas. Si je ne reconnais pas cela, le risque est que je laisse mon « ballon » de sentiments idéalisés se poser sur un autre !
Le flash positif ou négatif est totalement involontaire, mais ce que j’en fais est volontaire ; c’est donc la volonté de tenir ensemble qui permet de prendre du recul et d’accepter mon conjoint tel qu’il est.
La vie de couple est une suite d’idéalisations et de désidéalisations ; c’est normal ! L’amour est une dynamique qui croît ou décroît. Et c’est ce qu’on a oublié dans notre monde occidental moderne. Un vieillard en Océanie a un jour expliqué que le problème en occident est que nous épousons qui nous aimons et que nous laissons le feu de l’amour s’éteindre, alors que chez eux, ils aiment qui ils épousent, sachant qu’ils doivent rendre chaude la marmite froide du mariage et alimenter le feu de l’amour.
Mais alors que faire pour maintenir chaude notre marmite, ou ranimer un feu éteint, quand les sentiments amoureux se sont refroidis, ou plus exactement quand on les a laissés se refroidir ? Les problèmes viennent quand nous ne sommes pas au service de l’autre dans le mariage mais que nous utilisons l’autre, consciemment ou inconsciemment, pour qu’il satisfasse nos besoins et nous rende heureux.
Pour Dieu, « l’engagement conjugal est l’occasion exceptionnelle qui nous est offerte de satisfaire les besoins de l’autre. »3 Nous sommes co-ouvriers avec Dieu dans la vie de l’autre. L’engagement véritable envers l’autre est un engagement à son service, pour son bien à lui et non le mien. De même que Dieu nous a gracié, nous pouvons aussi gracier notre conjoint et persévérer dans l’engagement conjugal, non par contrainte, mais par une adhésion libre, un désir d’honorer Dieu en honorant notre mariage.
C’est plus qu’un problème de volonté, c’est un problème de manque de foi dans le plan de Dieu pour nous, que Dieu nous utilise dans la vie de notre conjoint et qu’il utilise notre conjoint pour nous faire croître spirituellement.
Le traitement d’un engagement refroidi n’est donc pas un nouvel effort, mais plutôt une foi renouvelée. Si nous sommes convaincus que Dieu est bon, que son plan pour nous est bon, qu’il peut transformer un désastre ou une routine en une source de bénédiction, nous pouvons nous réengager à nous accepter l’un l’autre comme Dieu nous a accepté et comme il nous le demande.
Cette acceptation va au-delà de la simple tolérance réciproque. C’est une décision de respecter notre engagement au service de l’autre même quand il nous contrarie, ou nous déçoit, ou qu’on n’éprouve plus rien pour lui, parce que nous savons que Dieu accomplit son plan pour nous en toute circonstance. Il n’est pas question d’efforts renouvelés mais d’une nouvelle manière de penser. C’est sortir de notre vision égocentrique qui est basée sur des sentiments fluctuants.
Maintenir le but de servir l’autre quand il nous déçoit ou qu’on ne ressent plus rien réclame la maturité d’une foi vivante et l’aide de Dieu à une époque où les sentiments sont devenus le dieu au détriment de l’engagement…
Je ne peux pas choisir de me sentir bien quand ma femme m’injurie ou que mon mari m’ignore. Un événement déplaisant entraîne toujours des émotions déplaisantes. Mais avec mon émotion négative je peux quand même décider de servir ou non mon conjoint, de rajouter une bûche ou laisser le feu s’éteindre…
C.D.
NOTE
1. Conseillère conjugale et familiale formation d’avocate
2. Michèle GUY « Le couple et son histoire : se transformer pour durer », Editions Cerf, collection Grandir, Paris, 1997
3. Larry CRABB « Artisan de son mariage », Editions Farel