Pourquoi des églises ethniques ?
par Allan KITT
Vanh KHEUANESOM-BATH est pasteur de l’église laotienne à Vénissieux, dans la banlieue de Lyon. Allan Km lui a posé quelques questions au sujet de son ministère en France et de sa vision pour son église.
A.K. Bonjour, Vanh, et merci de prendre du temps pour partager ton expérience avec les lecteurs de « Servir ». Peux-tu résumer rapidement l’histoire de l’église laotienne et de ton propre ministère ?
V.K. L’église a ses origines dans le travail de Hermann CHRISTEN, missionnaire au Laos pendant 25 ans, puis parmi les réfugiés laotiens en France à partir de 1975. Je suis arrivé en France comme réfugié en 1976. Après un séjour à Lure, dans la Haute-Saône, où j’ai travaillé en usine, j’ai rejoint Hermann en juillet 1977 pour l’accompagner dans le travail de visites auprès des réfugiés. Des chrétiens laotiens ont commencé à se réunir, et l’église elle-même est déclarée comme association cultuelle depuis 1986. Environ 60 à 70 personnes se réunissent maintenant dans un local sur le terrain de l’église évangélique « l’Oasis », à Vénissieux.
A.K. Qu’est-ce qui vous distingue d’une église française ?
V.K. Presque tous les visages ont un petit air asiatique ! Et il y a, bien sûr, la langue. Au début, les réunions se faisaient uniquement en laotien. Avec le temps nous avons évolué vers des rencontres bilingues comme nous les pratiquons actuellement. Tout en étant reconnaissants pour l’accueil dont nous avons bénéficié en France, nous sommes conscients de ne pas vivre dans notre pays natal. Nous faisons partie du corps de Christ en France, bien entendu, mais il est important aussi de ne pas perdre notre identité. Ce sont les jeunes de notre communauté qui nous encouragent à maintenir l’usage du laotien dans nos rencontres. Nous y retrouvons « un bout de notre patrie ».
A.K. Cette spécificité vous empêche-t-elle d’avoir des relations avec d’autres églises ?
V.K. Absolument pas : nous faisons partie du corps de Christ en France, et plus spécifiquement dans la région lyonnaise. Personnellement je fais partie du comité de la pastorale évangélique lyonnaise, j’ai beaucoup de plaisir à participer aux rencontres régionales et nationales des CAEF, et nous entreprenons régulièrement des actions d’évangélisation avec les églises évangéliques de notre secteur géographique. Les jeunes participent également aux activités proposées, par exemple, par Jeunesse pour Christ.
A.K. Y a-t-il eu des difficultés d’Intégration dans la vie en France ?
V.K. Dans l’ensemble, cela s’est très bien passé. Quelques aspects de la vie en France, et en général dans les pays occidentaux, peuvent choquer ceux qui viennent d’une culture asiatique. Je pense, par exemple, aux relations entre garçons et filles, qui sont beaucoup moins encadrées ici que dans notre pays d’origine. La place et l’honneur accordés en Europe aux personnes âgées ne sont pas non plus les mêmes qu’en Asie, et cela a pu être une source de conflits.
A.K. Quels sont vos contacts avec votre pays d’origine ?
V.K. Cette année, au mois d’avril, j’ai pu effectuer un voyage au Laos. Cela m’a permis de revoir des membres de ma famille, et de rendre visite à quelques églises là-bas. Les chrétiens souffrent de la persécution, surtout hors des grandes villes, mais ils n’en parlent pas comme si c’était quelque chose d’extraordinaire. Pour eux, cela fait partie du prix à payer comme disciple du Christ, et ils ne sont certainement pas prêts à se taire afin d’éviter la prison ou la souffrance !
Nous avons des liens avec d’autres chrétiens laotiens en France. L’Union des Eglises Evangéliques Laotiennes en France, dont nous faisons partie, est composée de cinq églises, et elle organise deux rencontres pastorales par an, ainsi qu’un camp de familles. La Jeunesse Chrétienne Asiatique organise chaque année un camp auquel participent 80 à 100 jeunes. L’Alliance Chrétienne Missionnaire gère aussi une douzaine d’églises fréquentées surtout par des Hmong, originaires du nord du Laos et du Vietnam.
Dans la région Rhône-Alpes je me rends régulièrement chez des chrétiens laotiens isolés ou qui fréquentent des églises françaises. Il y a aussi une action humanitaire importante en direction du Laos, gérée par le Service Fraternel d’Entraide, une ONG franco-suisse chrétienne qui poursuit diverses activités dans le domaine de la coopération médicale et du développement rural.
A.K. Merci, Vanh, pour cet aperçu des richesses spirituelles et de la vitalité de nos églises-sœurs qui ont une grande place dans nos cœurs et dans le paysage chrétien français.