Le rôle de l’Eglise dans l’envoi missionnaire
par Jean-Pierre BORY
Dieu appelle. Il donne une conviction personnelle à l’individu. Cela suffit-il pour qu’une personne, aujourd’hui, s’engage légitimement dans un ministère « missionnaire », en France ou hors de nos frontières ? L’Ecriture répond à cette question de façon suffisamment précise, nous semble-t-il.
Dans l’Ancienne Alliance, Dieu a appelé directement un certain nombre d’hommes et de femmes pour des ministères particuliers : Moïse comme premier chef et législateur du peuple d’Israël ; des Juges comme libérateurs, des prophètes chargés d’avertir et d’exhorter le peuple. Le peuple n’était pas consulté ; ces hommes avaient souvent pour mission de ramener le peuple à une écoute obéissante de Dieu.
Jésus a choisi lui-même, appelé et formé des disciples.
Dans tous ces cas, il s’agissait d’une décision souveraine et unilatérale, divine. L’Eglise n’existait pas encore.
Après la Pentecôte, un peuple de Dieu « renouvelé » surgit, l’Eglise. Sa nouveauté est d’être habitée et conduite de l’intérieur par Dieu lui-même, en la personne de l’Esprit Saint. Dieu continue d’appeler souverainement des serviteurs, mais l’Eglise, idéalement1 , est partie prenante dans ce choix et cet envoi, si elle-même est à l’écoute de l’Esprit de Dieu (Ac 13.2).
Un choix « intelligent » des envoyés
L’Eglise, et ses responsables, sont impliqués dans le choix et l’envoi de « missionnaires » : ils constatent que la personne a réellement reçu un appel de Dieu en observant sa conduite et son témoignage. Barnabas, le premier serviteur envoyé hors de son Eglise d’origine, l’est après plusieurs années de service fidèle et remarqué par les apôtres (Ac 4.36 et 11.24).
C’est après plus de dix ans de témoignage évangélique dans son pays d’origine, la Cilicie2 , et dans les régions voisines (Syrie et Arabie) que Paul est invité à Antioche par Barnabas, alors responsable de cette Eglise.
Barnabas et Saul, sont envoyés par l’Eglise d’Antioche après y avoir fait leurs preuves (Ac 11.23-26). Timothée est choisi par Paul à cause de son bon témoignage dans les Eglises de sa région (Ac 16.2). Paul se choisit des collaborateurs divers en fonction de leur fidélité et de leurs capacités (ex. : Ac 15.38 et 40).
Aucun de ces serviteurs ne s’est auto-proclamé missionnaire. Seuls les faux docteurs se recommandent eux-mêmes (2 Co 10.12) !
Tenir compte de la capacité et la personnalité des envoyés
Tout « missionnaire » est appelé à prendre des responsabilités : exemple de vie, prédication, formation de cadres, etc. Pour un tel ministère, non seulement les qualifications spirituelles doivent être prises en compte mais aussi les capacités intellectuelles et la personnalité (1 Tm 3.2 et 4-5; Tt 1.9 : capacité d’enseigner, de diriger).
Pour la formation de l’Eglise d’Antioche, la première composée de convertis d’origines juive et païenne, l’Eglise de Jérusalem a choisi Barnabas : ses qualités spirituelles étaient évidentes pour tous ; sa consécration était un exemple (Ac 4.36) ; il avait été à l’écoute des disciples pendant plus de dix ans à Jérusalem ; il avait acquis une autorité spirituelle à tel point que son avis entraînait l’adhésion des apôtres (9.27-28) ; il était capable d’enseigner et de défendre la doctrine évangélique (ce qu’il démontrera à Antioche ou lors de la conférence de Jérusalem (Ac 15)).
Il avait la particularité d’être biculturel : il était de famille juive (lévite) mais avait grandi hors de Palestine (sa famille était de Chypre) : voilà un homme capable de comprendre et de convaincre les personnes de culture juive et de culture païenne gréco-latine qui formaient le groupe d’Antioche ! Voilà pourquoi Barnabas fut choisi.
L’Eglise jugera peut-être nécessaire et utile une formation plus approfondie dans des domaines qui peuvent être très divers : pédagogie (école du dimanche), BAFA, BAFD formation pour responsables de groupe de jeunes, enseignement biblique ou théologique (Ac 18.25 et 28), formation à la linguistique, à la médecine tropicale, à la connaissance de l’islam, à certaines techniques agricoles tropicales, etc.
Un missionnaire, tout comme un médecin ou un ingénieur, ne se forme pas en un an.
Le suivi du ministère de ses envoyés
Paul se sentait responsable devant l’Eglise d’Antioche : après chacun de ses voyages missionnaires, il revient lui témoigner des résultats de son ministère. Chargé de mission par l’Eglise de Corinthe, Paul sait qu’il devra lui rendre des comptes et veut rester au-dessus de tout soupçon (2 Co 8.20-21).
Et combien sont nombreuses les recommandations et les exhortations à la fidélité et au zèle dans le ministère, faites par Paul dans ses lettres : à l’intention des anciens, de Timothée, de Tite (Tt 2.1, 7, 15 ; 3.8-9). Paul était attentif à la formation continue de Timothée (1 Tm 4.13-14) !
Un peu de bon sens et de discrétion sont nécessaires de la part de ceux qui suivent les missionnaires. En effet, des ministères ont été brisés, la vie de pasteurs locaux a été mise en danger, par l’inconscience de chrétiens occidentaux qui publient ou envoient des nouvelles à des amis demeurant dans des pays totalitaires (islamistes, bouddhistes, communistes) où il est question d’évangélisation, de conversions, de diffusions de Bibles.
Il y a quelques années, un grand hôpital faillit être fermé par un gouvernement qui avait appris que, dans la région d’origine d’une infirmière, on faisait un large appel pour des vaccins et des médicaments essentiels : ces nouvelles avaient été perçues comme dévalorisantes, insultantes, suggérant que le pays était incapable d’assurer l’état sanitaire local.
Le soutien financier
Paul dit bien qu’il ne revendique pas de soutien financier (1 Co 9.15-18; Ph 4.11-12,17), mais il dit aussi combien il l’apprécie, car il lui permet de vivre et de consacrer tout son temps au service de la Parole (2 Co 11.9; Phil 2.25 ; 4.14-16 ; ce que Luc confirme en Ac 18.5).
Par ailleurs, s’il ne réclame rien pour lui-même, il exhorte vivement les Eglises à pourvoir aux besoins matériels des serviteurs de Dieu (Tt 3.13-14), c’est même un devoir pour elles (1 Co 9.14) ! Et qu’elles le fassent généreusement (1 Tm 5.17 ; Ga 6.6) ! L’apôtre Jean va dans le même sens (3 Jn 5-8).
Le soutien spirituel
Souvent Paul réclame que l’on prie pour lui, pour son ministère, et il témoigne de l’efficacité de ces prières des Eglises (Ep 6.19 ; Col 4.3 ; 1 Th 5.25 ; 2 Th 3.1 ; Phm 22 ; cf. aussi Hé 13.18).
Tout serviteur a besoin d’un appui spirituel solide et fidèle. Celui qui s’expatrie appréciera d’avoir quelques amis qui seront ses confidents, qui comprendront ses joies et ses découragements, sans le critiquer ; des amis qui sauront l’encourager quand c’est nécessaire, et garder la confidentialité des soucis partagés… qui l’aideront à se réadapter à son pays d’origine lorsqu’il reviendra.
Ni l’Eglise, ni ses responsables, ne peuvent se désolidariser de leurs missionnaires.
Le plus dur ne sera pas de les envoyer, mais de persévérer dans leur accompagnement et leur soutien à tous les niveaux !
J.-P B.
NOTES :
1. : Hélas certaines Eglises ont perdu la vision de l’évangélisation, de la proclamation de l’Evangile qui appelle à la repentance et à la nouvelle naissance.
2. La ville principale de la Cilicie était tarse : Ac. 9.30 et 11.25.