Adaptation culturelle
par Jean-Pierre BORY
Le plus souvent, on suit les échelles de valeur de sa propre culture sans en être conscient. L’homme est toujours l’être d’une culture : il a une «nationalité culturelle» dont il ne se défera jamais totalement1. Aussi, n’est-ce pas si facile pour un expatrié d’entrer dans une nouvelle culture.
Esquisse
La culture se définit comme tout comportement acquis socialement, comme l’ensemble des traits matériels ou non, transmis d’une génération à l’autre. Un enfant indien élevé en France apprend le français et le parle avec l’accent de la région où il vit ; la langue et l’accent sont des éléments culturels. A l’inverse, l’instinct maternel, la tétée chez le nourrisson sont instinctifs.
La culture est un facteur qui unit : Les individus d’une même culture se reconnaissent entre eux comme faisant partie du même groupe (on se souvient du « sibboleth » en Jg 12.6). Entrer dans une nouvelle culture exige donc une adaptation importante.
Les habitudes culturelles ont souvent un but ou une cause réels (protection de la société, meilleure productivité, survie2) ou imaginaires3. Il est donc nécessaire d’en analyser les raisons pour les comprendre.
Il n’y n’a pas de culture universelle : certaines cultures estiment être bien, ce que d’autres méprisent (ex.: la différence d’appréciation entre le petit-déjeuner anglais et français).
Une même culture évolue dans le temps. La question suivante se pose alors :
Toute culture est-elle alors bonne en son lieu et en son temps ?
Certains prônent un relativisme culturel : aucune coutume ne serait mauvaise en soi ; ce qui est bon ailleurs pourrait être transposé chez soi, ou l’inverse. La Bible enseigne que toute culture humaine est l’expression collective de la mentalité d’un groupe d’hommes pécheurs : aucune culture ne peut donc prétendre posséder de valeur absolue aux yeux de Dieu. Elle peut contenir des éléments bons ou mauvais sur le plan moral ou cultuel. « La culture doit toujours être vérifiée et jugée par l’Ecriture4. » Certains tendent vers un relativisme destructeur et permissif (négation de la distinction biblique entre le bien et le mal, ou syncrétisme religieux mélangeant christianisme et paganisme) qui enlève sa force au message de l’Evangile.
Attitudes
Quelques qualités sont indispensables pour aborder une nouvelle culture :
– Un sentiment de sécurité, parce que l’on sait soi-même en qui l’on croit, et ce que l’on croit (2 Tm 1.12).
– Une juste connaissance de soi-même, et l’acceptation de ce que l’on est, avec ses forces et ses faiblesses.
– De l’humilité : esprit de jugement et de supériorité, une tendance au traditionalisme, haute idée de ses propres valeurs, sont autant d’obstacles à une juste compréhension d’une nouvelle culture. Une conviction spirituelle rigide et intolérante, une lecture littérale et étroite de certains textes bibliques, peuvent aussi conduire à une attitude fermée qui empêche une bonne intégration du missionnaire.
– Une observation patiente et persévérante du nouvel environnement matériel, humain, religieux, avec un esprit d’ouverture, une saine curiosité, ainsi que la capacité d’écouter pour apprendre, sans inonder l’autre de ses propres expériences : « chez nous c’est comme ça… »
– Un bon équilibre : un enthousiasme irréfléchi peut être un piège tout autant que la crainte et le repli sur soi. Après quelques semaines « d’enchantement », vient le temps des «pourquoi»… La maîtrise de soi, le calme et la confiance, l’appui sur le Seigneur seront des facteurs de succès. Il faut savoir accepter de l’aide, ne pas avoir honte de recourir aux conseils d’un aîné, autochtone ou expatrié.
La réussite d’une transplantation culturelle dépend tout d’abord de l’attitude initiale de l’expatrié. Le missionnaire doit avoir les yeux d’un ethnologue qui observe avant de juger, en même temps que ceux d’un chrétien attaché intelligemment à l’Ecriture. Il faut essayer de saisir les motivations, les significations cachées, les idées qui orientent un comportement, mais sans oublier que sa propre culture agit comme des lunettes de couleur : elle influe sur la façon de «voir», de comprendre et d’évaluer…
J.-P B.
NOTES
1. R. Padilla, Evangile, cultures et idéologies (Edit. RB.U., 1977), p. 23-40.
2. L’assassinat des bébés de sexe féminin en Chine ou le suicide des vieillards chez les Esquimaux avaient pour objectif un contrôle de la surpopulation ou sa survie (E. Vida, Coutumes et Culture, Edit. Des Groupes Missionnaires, 1978, p. 72).
3. L’interdiction d’épouser sa belle-mère ou sa marraine alors qu’il n’y a aucun risque de consanguinité.
4. Affirmation de CAPARC (Conférence Panafricaine de Responsables Chrétiens en majorité évangélique, tenue à Nairobi en 1976).r