Le jeûne

 

Par Jean-Pierre Bory

 

 

 

 

Le dictionnaire Larousse donne cette définition : le jeûne est «le fait de se priver de nourriture pendant un temps déterminé»

 

 

 

 

 

 

DANS L’ANCIEN TESTAMENT

 
En hébreu, jeûner se dit «Sûm» : et cela signifie «se priver de nourriture» ; mais son sens est plus large car ce verbe est souvent associé au fait de ressentir de la tristesse. Une expression biblique courante utilise ce verbe «jeûner» : «innâh napsô» signifie «s’affliger l’âme», «avoir le coeur très triste».
 
Curieusement, il n’y a aucun ordre explicite de jeûner dans la loi que Dieu a donnée à Moïse. Il y avait bien une fête annuelle où le peuple devait s’humilier et ne faire aucun travail, ce devait être un jour de repos (Lv 16.29). Mais l’ordre de ne pas manger n’est pas mentionné.
 
 
Cependant, le roi David s’est humilié en jeûnant après avoir péché (2 S 12.15-18), ou lorsqu’il était dans la difficulté (Ps 35.13-14)

 
Des jours de jeûne furent proclamés par les responsables du peuple après la lecture des prophéties annonçant le prochain exil d’Israël (Jr 36.9 ; Jl 1.14).
 
 
Esther et les juifs ont jeûné devant la menace d’extermination (Est 4.8 et 16 ; Esd 8.21; Né 1.4-6 et 9.1). Et la tradition juive, surtout après l’exil a instauré plusieurs journées de jeûne dans l’année en souvenir d’épreuves ou de délivrances par l’Eternel. Les pharisiens stricts jeûnaient deux jours par semaine (Mt 6.16-18). (répétition plus bas)
 
 
Pendant la période intertestamentaire, on avait instauré plusieurs périodes de jeûne dans l’année. La vieille prophétesse Anne passait beaucoup de temps dans le jeûne et dans la prière (Lc 2.37) et les Pharisiens stricts jeûnaient deux jours chaque semaine. Il faut encore mentionner ce texte important d’Es 58. Les v. 6 et 7 en sont le résumé :
 

« Le jeûne qui me plaît (dit l’Eternel) est celui qui consiste à délier les liens de la méchanceté, à délier les courroies de toute servitude, à mettre en liberté tous ceux que l’on opprime, et à briser toute espèce de joug. C’est (aussi) partager ton pain avec ceux qui ont faim, et offrir l’hospitalité aux pauvres sans abri, c’est donner des habits à celui que l’on voit nu, et ne pas te détourner de ton prochain. »

 
 
Le jeûne, aux yeux de Dieu, est donc beaucoup plus que simplement l’abstention de nourriture : c’est un temps d’humiliation, d’intercession, de louange, un regard humble devant Dieu et un moment pour exercer la compassion envers son prochain.
 
 

 

DANS LE NOUVEAU TESTAMENT

 
On en parle, mais très peu, un peu comme s’il était mis au second plan. Il existe bien un verbe grec (nèsteuô) qui signifie «se priver de» ou «ne pas manger». Il n’est employé que dans les Evangiles – et dans des textes parallèles – et deux fois dans les Actes mais jamais dans les épîtres.
 

Jésus

 
Lorsque Jésus passa 40 jours dans un lieu désert poussé par l’Esprit Saint (Mc 1.12- 13), il souffrit de la faim (la 1ère tentative de Satan de corrompre Jésus en lui proposant de transformer des pierres en pain le suggère). Mais le point le plus important semblait se situer ailleurs. Pour Jésus, ces 40 jours, loin de tout village habité, furent un temps de réflexion, de décision, de préparation intérieure à son ministère, en même temps que de communion avec son Père céleste.
 
Jésus lui-même ne parle que très peu du jeûne1 : il défendit ses disciples contre des juifs qui leur reprochaient de ne pas jeûner (Mt 9.14-15, Mc 2.18-20 et Lc 5.33- 35). En Mt 6.16-18, il recommande que celui qui jeûne le fasse en secret et non pas avec une triste figure pour que tout le monde sache sa grande piété. Jésus n’était pas opposé au jeûne !
 

Dans l’Eglise primitive

 
Deux exemples de jeûne seulement :
  • Ac 13.2 : pendant que les anciens d’Antioche adoraient le Seigneur en jeûnant, Dieu leur révèle ce qu’ils ne lui demandaient pas ! C‘est-à-dire d’envoyer en mission leurs deux meilleurs anciens ! Mais ils ne veulent pas les laisser partir sans s’assurer qu’en partant, ils seraient bien sous la protection de Dieu ! Alors ils prient et jeûnent encore et leur imposent les mains. Les Anciens d’Antioche savaient prendre du temps pour adorer et intercéder ! quitte à se priver d’un repas.
  • Et Paul et Barnabas, les deux apôtres, dans leur premier voyage, imitent ceux qui les ont envoyés (Ac 14.23) : dans chaque nouvelle Eglise créée, ils prient et jeûnent avec les nouveaux anciens et les confient au Seigneur.
    Il n’y a aucune mention de jeûne dans les épîtres2.
 
 

QUE DIRE DU JEÛNE POUR NOUS AUJOURD’HUI ?

 

  • Dieu n’ordonne plus de jours ou de périodes de jeûne dans la Nouvelle Alliance. Nos péchés sont pardonnés, et nous pouvons vivre ce qu’annonçait Zacharie : les temps de tristesse et de désolation à cause du poids des péchés est terminé.
  • Comme dans l’Ancienne Alliance, Dieu attache plus d’importance à un coeur pur qu’à un estomac vide ! Ce que Dieu veut, c’est notre sainteté personnelle, le refus du péché dans nos vies, l’amour de notre prochain. La libéralité et non l’amour de l’argent. L’humilité et non la chasse aux honneurs.
  • Dieu attache de l’importance au fait que le croyant aime passer du temps avec Lui : dans la prière, dans l’adoration, dans le silence (on peut se souvenir de Marie à Béthanie, aux pieds de Jésus). Dieu veut aussi que nous consacrions du temps à la réflexion et à la méditation et l’étude de sa Parole. C‘est une des recommandations de Paul dans sa dernière lettre, écrite peu avant sa mort. (1 Tm 4.13). C’est ainsi que l’on comprend mieux la pensée de Dieu et sa volonté pour soi. Pour cela, il faudra trouver du temps ! Et parfois cela impose de se priver d’un repas pour avoir ce temps.
  • Dieu encourage aussi la prière persévérante dans plusieurs textes de sa Parole. «Priez sans cesse» nous rappelle l’apôtre Paul (1 Th 5.17). Mais pour cela aussi, il nous faudra encore dégager du temps ! Et les journées n’ont que 24 heures.

 

Il faut faire des choix :

 

On ne peut pas en même temps regarder un excellent film à la TV et aller à la réunion de prière. C’est soit l’un, soit l’autre. L’apôtre Paul nous appellerait à «jeûner» de la télévision ce soir là. On ne peut pas passer un bon moment en forêt un samedi après-midi et en même temps suivre un séminaire biblique ! Il faut pour cela «jeûner de ses loisirs» cet après-midi là !

 

Peut-être faudra-t-il faire des choix entre plusieurs activités, et savoir se priver de certaines d’entres elles, même si elles sont légitimes et agréables : tout simplement renoncer à quelque chose pour avoir du temps pour le Seigneur et pour l’Eglise.

 

 

CONCLUSION

Aujourd’hui, comme au temps de la Bible, ce qui importe pour le Seigneur, c’est que nous sachions prendre du temps pour lui. Même si cela nous coûte quelque confort. Le jeûne, compris comme cela, est toujours d’actualité. Jésus, ne s’est-il pas privé pour un temps de sa divinité, de sa gloire, de sa puissance, et même de la présence de son Dieu pour se charger de nos péchés et nous donner la vie ?

 

J.-P. B.

 

NOTES
 
 
1. En Mt 17.21, la phrase «Cette sorte de démon ne sort que par la prière et par le jeûne« est absente dans les plus anciens manuscrits du NT que nous possédons (des 3ème et 4ème siècles). Elle a été ajoutée dans des copies ultérieures datant du 5ème et du 6ème siècle. On pense donc, avec de bonnes raisons, que cette expression (qui ne figure d’ailleurs pas en Mc 9.29 et Lc 9.43) ne se trouvait pas dans le texte le plus ancien de Matthieu tout simplement parce que Jésus n’avait pas parlé de «jeûne» à cette occasion-là.
 
 
2. En 2 Co 6.5 et 11.27, le terme nèsteiais doit être traduit par «privations» et non par «jeûnes» à cause du contexte dans lequel il est utilisé ici.