Jésus intercesseur (Jean 17)

 

 

Par Thierry Seewald

 

 

Jésus a intercédé pour ses disciples…  

 

Jésus prie pour ses disciples. Nous en avons en Jean 17 l’exemple le plus long, mais ce n’est pas le seul.

 

 

 

  • En Luc 6.12, Jésus passe « toute la nuit dans la prière à Dieu ». Puis, quand le jour paraît, il appelle ses disciples et en choisit douze. Rien n’est dit sur le contenu de cette prière, mais il semble indéniable qu’elle est liée à l’appel des douze. Demande-t-il au Père d’être guidé par lui dans son choix ? Lui remet-il les douze sachant la responsabilité qu’ils vont porter, colonnes de l’Eglise, responsables de poser les fondements de la saine doctrine sous l’inspiration de l’Esprit ? Ou prie-t-il pour eux, pour qu’ils soient gardés, connaissant toutes les luttes qu’ils auront à mener ? Pour qu’ils gardent la foi jusqu’à la fin, martyrs pour plusieurs d’entre eux ? Peut-être pour chacun de ces sujets, et d’autres encore.
  • En Luc 22.31-32, Jésus évoque une prière pour Simon-Pierre : « Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le blé. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas ». Est-ce la prière de Jean 17 ou une autre ? Quoi qu’il en soit, ce texte met en relief l’importance que Jésus attribue à la prière, et le fait qu’il trouve nécessaire de prier pour ses disciples.

En cela il souligne pour nous l’importance de la prière. Car s’il est quelqu’un dont on imagine qu’il n’avait pas besoin de prier, c’est bien Jésus : Fils de Dieu, Dieu lui-même, en communion intime avec le Père, connaissant le cœur de ceux à qui il s’adresse, à quoi bon ces moments formels de dialogue avec Dieu ?
 

Cela nous amène très loin d’un fatalisme où tout serait joué d’avance, où la prière ne serait qu’apparence, la volonté de Dieu s’accomplissant malgré tout. S’il est, d’une certaine manière, nécessaire à Jésus de prier, à combien plus forte raison cela nous est-il indispensable !

 

 

 

 

… et il intercède encore

Dans l’adversité, les combats, les difficultés, la chute, où est notre assurance ? En nous-mêmes ? Dans notre capacité à tenir dans l’adversité ? Rm 8.31-35 nous donne une autre réponse : « Le Christ-Jésus ressuscité et assis à la droite de Dieu intercède pour nous. »
 

Jean 17 nous donne un exemple de cette intercession, alors que le Fils est encore parmi nous. On appelle habituellement cette prière « la prière sacerdotale », car, comme le dit le Dictionnaire Biblique Emmaüs : « elle est l’acte du souverain sacrificateur de l’humanité, qui commence son office sacerdotal en s’offrant lui-même à Dieu avec tout son peuple, et intercède pour celui-ci, présent et futur ».
 

L’Epître aux Hébreux nous confirme que l’intercession est bien associée au ministère de souverain sacrificateur de Jésus : « parce qu’il (Jésus dans son office de sacrificateur) demeure éternellement,… c’est pour cela qu’il peut sauver parfaitement ceux qui s’approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur » (Hé 7.24-25). Et l’Apôtre Jean nous dit qu’il y plaide pour nous comme notre avocat auprès du Père, parce qu’il a été la victime qui a payé la dette de notre culpabilité (1 Jn 2.1-2).
 

Ainsi, dans cette prière, nous avons probablement le privilège de voir de quelle manière le Fils glorifié intercède aujourd’hui pour nous.

 

Que demande-t-il ?

Sans prétendre que cette prière soit exhaustive, que nous ayons là toute la prière de Jésus ce jour-là, et que Jésus n’intercède aujourd’hui pour les croyants que pour les sujets énumérés dans ce texte, il serait malgré tout intéressant, avant de voir ce que contient cette prière, de constater ce qui n’y est pas. On pourrait alors le comparer au contenu habituel de nos prières et peut-être les revoir1 . Jésus, par exemple, n’y prie pas pour le confort des disciples, pour que leur vie soit facile ou pour qu’ils soient dans l’abondance.

Sa première demande le concerne personnellement : « Glorifie ton Fils ». Est-ce une prière égoïste ? Celle de quelqu’un qui a bien voulu pour un temps donner un exemple d’humilité, mais qui juge que point trop n’en faut ? Jean 12.23-24, 32-33 nous éclaire : « Jésus leur répondit : L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit… quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi. » Jean précisant : « II disait cela pour indiquer de quelle mort il devait mourir ».
 

Lors de sa résurrection/ascension, Christ a retrouvé la gloire qui fut la sienne. Mais dans la pensée de Jésus, la croix est le lieu où commence cette glorification, puisque c’est bien pour ce qu’il a accompli sur la croix que tous les rachetés lui rendent gloire. D’ailleurs la référence en Jn 12 et 17 à l’« heure » qui est venue ne trompe pas. Cette « heure » est l’heure de sa mort, celle qui, à plusieurs reprises dans l’évangile de Jean, n’est « pas encore arrivée ». La suite de sa prière montre le sens de sa prière :
 

  • que le nom de son Père soit glorifié, les personnes de la Trinité ayant chacune le désir que les autres soient glorifiées. C’est pour cela que la Bible ne parle pas de louange adressée au Saint-Esprit, non pas qu’il n’en soit pas digne, il est Dieu et très digne de louange, mais c’est lui qui suscite la louange dans le cœur du croyant et la tourne donc vers le Père et le Fils.
  •  pour qu’il puisse donner la vie éternelle à tous ceux que le Père lui a donnés.

On est donc bien loin d’une prière égoïste ou même tournée vers lui-même !
 

Puis, la prière contient des demandes concernant les croyants, ceux que le Père lui a confiés (ses disciples), et ceux qui croiront grâce à leur témoignage (toute l’Eglise).
 

Une demande englobe sans doute les autres : « Garde-les ». Garde-les : en Ton nom (v.11), sanctifiés par et dans la vérité (v.17,19), unis (v. 11; 21), du malin (v.15).

 

 

Quelques mots sur l’unité2 :

L’unité dont il est question n’est pas unicité de pensée, l’obligation de nous accorder sur toute question de doctrine. Mais elle est sans doute bien plus qu’un lien de façade, ce que certains appelleraient une « unité spirituelle » : malgré nos dissensions, disputes, divisions et anathèmes un même Esprit habite en nous et nous unit. Peut-on être divisés et unis ? Les mots en eux-mêmes s’opposent. Et Paul pose la question : « Christ est-il divisé ? » (1 Co 1.13).

Sans doute le minimum est-il la tolérance sur les choses secondes. Dieu est la vérité, mais nos interprétations du texte biblique sont relatives. Tolérance sur les questions de doctrine secondes, et sur les pratiques. Tolérance entre familles d’Eglises, entre Eglises locales d’une même ville, entre frères d’une même Eglise. La référence à l’amour de Dieu pour les croyants dans les versets qui suivent et l’utilisation du verbe ‘savoir (‘que le monde sache’), nous renvoie à Jn 13.34-35 : « Aimez-vous comme je vous ai aimés. A ceci tous sauront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres ».
 

C’est d’abord un lien d’amour qui doit unir les frères et soeurs en Christ. Au regard des réalités actuelles, on peut alors se poser la question : La prière de Jésus ne serait-elle pas exaucée3 ? Il nous faut d’abord constater qu’il s’agit d’une prière et non d’un ordre donné aux disciples. Paul, par la suite, exhortera les chrétiens à être unis. Mais ici, il s’agit d’une demande adressée à Dieu, c’est à lui qu’il revient de l’exaucer. Or nous savons que toutes les prières du Fils sont agréées par le Père.
 

De plus, si les chrétiens se sont, pendant 20 siècles, désunis pour se réunir à la fin, est-ce vraiment un témoignage à leur marche comme disciples du Christ et à l’unité du Père et du Fils ? Est-ce le respect par Dieu de la liberté des croyants qui empêche que Dieu exauce cette prière ? De même que Dieu ne convertit pas de force, il ne forcera peut-être pas des croyants durs de cœur et juges les uns des autres à rechercher l’unité.

 

 

Un modèle pour nos prières

Paul, en Rm 8.26, dit que nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières. Lui-même y ajoute que l’Esprit intercède pour nous. Mais comme les disciples demandant à Jésus « apprends-nous à prier » (Lc 11.1) nous pouvons aussi prendre comme modèle les prières de Jésus.
 

Nos prières indiquent souvent ce que nous souhaitons vraiment. Peut-être que si nous prions régulièrement pour l’unité, le Père nous unira-t-il ? Peut-être notre erreur est-elle de prendre l’exaucement pour acquis. À propos de Daniel 9, où Daniel se rend compte que les 70 années fixées pour l’exil arrivent à leur terme, un commentateur faisait remarquer que pour le chrétien moderne cette constatation amènerait à une attente passive de l’exaucement de la promesse de Dieu, alors que Daniel, lui, commence à prier ardemment pour que la promesse s’accomplisse.
 

Joyce Baldwin4 dit à propos de ce même passage : « Qu’il y ait décret divin ou non, jamais les Ecritures ne laissent entendre que la volonté de Dieu s’accomplisse sans tenir compte des prières de son peuple. Daniel, qui prenait Dieu au mot et s’attendait à ce qu’il honore sa parole, fut récompensé (…) par l’assurance que sa prière avait été entendue ». Pierre de Benoît5 compare les promesses de Dieu à des chèques et la prière à la présentation du chèque à l’encaissement. Disant que « cette prière est un chaînon nécessaire dans l’exécution du plan divin ».
 

Prions donc notre Père pour que nous soyons gardés en son nom, dans la vérité, unis, préservés du Malin, sanctifiés,… Car, puisque Jésus a demandé ces choses au Père et les demande aujourd’hui encore, elles sont pour nous semblables à des promesses et nous pouvons être confiants que si nous nous approprions ces prières, elles seront exaucées.
 

T.S.

 


NOTES

 

1. En tenant compte bien sûr aussi de tous les passages qui nous disent ce qu’il faut demander à Dieu, notamment le Notre Père.
 

2. La vérité a été évoquée dans un précédent numéro de « Servir » : N° 4-2006.
 

3. Jonathan Hanley, dans Une Eglise rayonnante (Ed. Farel, p. 13), pense qu’elle ne l’est pas encore.

4. Le livre de Daniel, Ed. Sator, p. 160.
 

5. Trésors de Prophètes, Ed. Emmaüs, livre de Daniel, p. 60.