Désir d’enfant : quand la nature l’empêche…
Interview par Marcel REUTENAUER auprès de 2 couples
n’ayant pas pu procréer et qui ont été amenés à choisir l’adoption
Pouvez-vous relater la période de prise de conscience de l’impossibilité d’avoir un enfant ; vos questions, vos sentiments… ? Quelle importance pour chacun des conjoints et pour la vie de couple ? Acceptation et révolte ?
Couple A : Lorsque l’on se marie on pense avec évidence fonder une famille, puis on pense qu’avec les techniques d’aujourd’hui nous maîtrisons la procréation, on finit ses études, on cherche un travail et ensuite on se sent prêt pour devenir parents. C’est alors que les mois passent et rien n’arrive.
On se tourne ensuite vers les médecins, les examens, et un jour sans qu’on y soit préparé l’annonce tombe, brutale : vous n’aurez jamais d’enfant.
La vie s’écroule. Quoi ? Comment ? On ne comprend pas. Depuis toute petite, je le sens, je suis faite pour avoir des enfants ! Je crie au Seigneur ma détresse mais personne n’a l’air d’entendre mes supplications.
Les médecins nous conduisent vers des voies que l’on ne soupçonnait pas. C’est le début d’un long parcours. Où est l’amour ? Où est le fruit de l’amour ?
Où est l’amour de Dieu qui prend soin de ses enfants ?
Couple B : Ce n’était pas une impossibilité médicale mais un constat, devenu une certitude au bout de quelques années, après des déceptions multiples. Question : pourquoi ne pouvons-nous pas faire comme « tout le monde » ? Réponse évidente pour nous pendant plus de 10 ans : pour être plus disponibles pour le service auquel le Seigneur nous appelait. Donc pas du tout de révolte mais une acceptation sereine.
Quelles réflexions et quelles démarches avez-vous envisagées/ faites en face de l’évidence qui s’imposait à vous ? Quelle « solution » avez-vous pu trouver pour votre situation ?
Couple A : Les années passent et toujours rien, la science permet beaucoup de choses,… mais la vie ? C’est à ce moment-là que l’on se rend compte à quel point il faut un nombre indéfinissable d’étapes pour permettre la vie.
Dieu a crée la vie d’une manière magnifique, mais Dieu seul en a le secret. Pourquoi, au dernier moment, quand tout est réuni le Seigneur dit-il non ? On ne le saura jamais.
C’est vrai que c’est dur pour le couple, la souffrance morale, la souffrance physique. Pour une femme il me semble que c’est plus facile dans la mesure où j’ai pu en parler librement. Pour un homme c’est plus difficile.
Premièrement il s’est senti atteint dans sa virilité d’homme et en plus il me voyait endurer toutes sortes de traitements, de piqûres, d’examens pour le moins douloureux. Il s’est senti seul à ce moment-là ; personne ne l’a vraiment écouté, encouragé à parler. Et il a commencé tout doucement à tomber dans la dépression. Au niveau spirituel c’est un combat quotidien.
En ce qui concerne les traitements, l’éthique ou la spiritualité je crois que sincèrement chacun doit voir quelles sont ses limites ; ceci est très personnel. Je crois qu’il n’appartient à personne de juger ou de comprendre, car lors du jugement dernier, ce sera nous et nous seuls qui serons devant Dieu.
Couple B : Après une douzaine d’années au service des enfants des autres la question s’est reposée : allons-nous rester sans enfants ou faut-il penser à l’adoption (à l’époque c’était quasiment la seule solution) ? Que veux-tu de nous Seigneur ? La réponse n’a pas été très claire tout de suite, mais petit à petit, pas tous les deux en même temps, – M. a été plus long à convaincre que Mme – l’idée a fait son chemin.
Et nous avons commencé les démarches, le « parcours du combattant » pendant lequel Dieu a fermé et ouvert des portes, parcours avec des moments de découragement et de doutes, alternant avec des joies et des certitudes. Pour aboutir à l’adoption de deux enfants. Le Seigneur a donné.
Quelles ont pu être les aides (ou les difficultés) de la part de votre entourage dans la situation que vous viviez ?
Couple A : Un jour, une porte s’est ouverte : l’adoption. Ce ne fut pas facile et, là aussi, on peut être amené à prendre des décisions d’ordre spirituel. Le Conseil Général nous a délivré l’agrément d’adoption sans aucune difficulté. Pourtant s’ils avaient pu voir à l’intérieur de nous, ils auraient vu l’étendue de notre souffrance.
Tout d’abord, nous avons fait appel à une association chrétienne, ce fut un échec. Malgré toute notre bonne volonté et la leur, nous nous sommes heurtés à un blocage administratif pour que l’association obtienne un agrément. Les mois passés et cet agrément ne venant pas, nous avons décidé de prendre en charge notre adoption. Nous nous sommes tournés vers le Vietnam, un pays où l’adoption permet une démarche individuelle.
L’histoire serait longue à raconter, mais nous avons pu vivre de véritables miracles. Une succession d’interventions que Dieu seul pouvait orchestrer, car nous ne sommes rien. Le Vietnam peu enclin à voir des Français adopter des enfants, nous a mis des bâtons dans les roues. Mais grâce à Dieu, 10 ans après notre mariage nous revenions avec un bébé âgé de 2 mois. Depuis la vie a changé, cette petite fille nous a redonné le goût de vivre, de faire des projets, nous sommes heureux.
Couple B : Avant l’adoption, ce qui nous a aidés c’est certainement des frères et sœurs qui priaient pour nous, mais aussi un service prenant et enrichissant pour le Seigneur, avec beaucoup de bénédictions.
Les difficultés ont été, d’une part, le regard des autres, parfois interrogatifs, parfois de commisération (pour ne pas dire de pitié !), donnant le sentiment d’être « anormaux ». Il y a eu aussi quelques réflexions maladroites … D’autre part, c’était notre propre regard sur la situation : se sentir différents alors que l’enfant avait une place naturelle et privilégiée dans beaucoup de foyers ; s’envisager de vieillir sans enfants…
Après l’adoption, nous avons le souvenir de l’accueil formidable de nos enfants, tant par la famille que par notre église. Tout le monde les a adoptés, aimés, entourés. Pas de grosses difficultés d’adaptation, tant de notre côté que de celui des enfants. Autre étape de notre vie, aussi riche mais différente, plus sédentaire, plus centrée sur la famille.
Souhaitez-vous exprimer quelque chose qui vous tient à cœur et que mes questions n’ont pas abordé ?
Couple A : Nous aurions bien aimé – surtout moi – avoir un deuxième enfant mais c’est très difficile surtout lorsque l’on vous répond, vous avez un enfant vous êtes une famille, vous n’êtes donc pas prioritaires, on ne vous donnera pas d’enfant, allez dans un pays étranger. On y retournerait volontiers… mais un manque de moyens nous empêche de recommencer. Affaire à suivre on ne sait jamais ! Dieu est fidèle, et pas forcément là où nous l’attendons…
Couple B : Pour nous il a été très important de ne pas se dire : le Seigneur ne nous permet pas d’avoir des enfants, donc ad eternam nous n’en aurons pas. C’est une question à remettre devant Dieu.
Nous bénissons le Seigneur pour tout ce que nous avons vécu avant d’avoir des enfants, et aussi après. Deux tranches de vie. Avec beaucoup de questionnements, de joies et de difficultés tant dans l’une que dans l’autre.
Au milieu de tous les moyens actuels pour pallier l’impossibilité d’avoir des enfants de façon naturelle, l’adoption reste une piste qu’il ne faut pas négliger. Des enfants attendent…