La Bible à l’UNESCO: Discours d’ inauguration
par SERVIR
Du 8 au 12 février 2010, une exposition assez surprenante a eu lieu dans le grand hall de l’UNESCO. La Bible a été mise à l’honneur dans ce temple de la culture à travers une exposition réalisée par l’Alliance Biblique Française. Un programme de conférences et de tables rondes a encouragé l’écoute et le débat autour de ce livre – à sa façon, patrimoine de l’humanité.
Jean Audouze, astrophysicien, président de la Commission française auprès de l’UNESCO
Christian Mégrelis, président de l’Alliance biblique française
Discours de Mme Irina Bokova1, directrice générale de l’UNESCO
[…] Je suis très honorée de vous accueillir ce soir au siège de l’UNESCO, et c’est avec joie que je déclare ouverte, en nos murs, la captivante exposition consacrée à la Bible, patrimoine de l’humanité. Je suis heureuse que notre organisation se fasse l’écrin d’un texte millénaire auquel continuent de puiser, à travers le monde, un nombre considérable de chercheurs, de croyants, de lecteurs et d’érudits.
La Bible, comme les autres textes religieux fondateurs, offre tout ce qui élève, tout ce qui rapproche de la dignité. En dépit de tous les heurts au cours des époques successives de l’Histoire, la Bible défie le temps. Car les textes sacrés sont intemporels. Ils portent à travers les siècles la force de la pensée et de la parole consignées. Ce sont des oeuvres si puissantes, érigées par l’esprit de l’homme, que nul ne peut les araser.
Selon les approches, la lecture de la Bible permet de retirer un sens de l’Histoire, d’approcher une source spirituelle de l’humanité. Mais la Bible enchâsse aussi des qualités profondes, littéraires, philosophiques, poétiques, intemporelles. Elle a fait naître des expressions artistiques multiples et admirables. Elle lie à la foi, mais aussi au savoir. L’influence de la Bible transcende les limites de la culture judéo-chrétienne, ce qu’illustre, ce soir, la présence hautement symbolique de dignitaires de cinq religions : juifs, protestants, catholiques, musulmans et orthodoxes. Alors qu’ici même, à l’UNESCO, va être lancée le 18 février l’Année internationale pour le rapprochement des cultures, je me félicite que l’exposition autour de laquelle nous sommes réunis ce soir soit un acte d’ouverture, de rencontre interconfessionnelle, et de rencontre entre croyants et non-croyants. J’ai la conviction que le dialogue entre les cultures et entre les religions du monde est le chemin qui mène à la tolérance.
Je me réjouis vivement qu’à l’occasion de cette exposition, différentes tables rondes soient organisées à l’UNESCO, comme autant de « Regards croisés sur la Bible ». Et je souhaite profondément que cette exposition itinérante, conçue et organisée par l’Alliance biblique française dans un but pédagogique, avec le soutien et la coopération de la Commission nationale française pour l’UNESCO, continue d’attirer un large public, désireux, en découvrant la Bible, texte sacré, de connaître l’autre et, ce faisant, de faire un pas vers lui. Dans la Sagesse de Salomon, on peut lire, et je cite : « La sagesse est brillante, elle ne se flétrit pas. Elle se laisse facilement contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle prévient ceux qui la désirent en se faisant connaître la première. Qui se lève tôt pour la chercher n’aura pas à peiner : il la trouvera assise à sa porte. »
En ces temps de défis multiples auxquels nous devons trouver des solutions consensuelles, j’ai l’espoir que nous allons savoir nous rassembler autour de la sagesse. Pour qu’elle soit au fondement de notre objectif commun, qui est de construire la paix.
Je vous remercie.
Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture : Introduction improvisée
Je viens de visiter, malheureusement trop brièvement, cette exposition absolument remarquable ; remarquable parce que magnifique. La conception scénographique, par petits modules tous consacrés à un concept permettant d’approcher la Bible, est admirablement organisée. Les dialogues avec les visiteurs sont constamment mis en valeur, autant pour les enfants que pour les personnes qui ne pratiqueraient pas la Bible. La connaissance que l’on a de l’ouvrage devient ainsi nécessaire et remarquablement intéressante. Le ministre de la Culture et de la Communication que je suis est particulièrement honoré d’avoir été convié à visiter cette exposition. J’ai noté que dans le côté interactif de l’exposition, qui est faite de surcroit avec beaucoup de goût, on peut choisir le personnage de la Bible qui nous parle le plus. Je n’ai pas eu le temps de coller mon petit post-it, mais j’aurais sûrement inscrit le nom « Sarah ». Il se trouve que j’ai plusieurs bibles chez moi, notamment la TOB, et je m’y réfère beaucoup plus fréquemment qu’un certain nombre de Français, d’après un sondage que j’ai pu lire aujourd’hui.
Je dois dire aussi que j’ai eu une initiation à la Bible à travers le cinéma. Le grand cinéma hollywoodien, sous ses formes extrêmement vulgarisatrices, était malgré tout imprégné d’histoires tirées de la Bible. Certaines ont été faites avec beaucoup de savoir-faire et une vulgarisation somme toute attirante pour des enfants ; sans parler – mais là il s’agit du Nouveau Testament – du chefd’oeuvre qu’a représenté « l’Évangile selon Mathieu » de Paolo Pasolini.
[…] Je suis très heureux que cette exposition, qui a été hébergée à l’UNESCO sous le parrainage de Mme BUKOVA, va se déplacer ensuite à travers la France. Je lui souhaite le plus grand succès, succès mérité et succès qu’elle rencontrera certainement. […]
Discours officiel du ministre de la Culture
Mesdames, Messieurs, Il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas le ministre des Cultes, le ministre de l’Intérieur, mais, plus modestement, le ministre de la Culture et de la Communication, et comme j’aime à le dire, « le ministre des cultures et de leur communication ». C’est donc à ce titre, comme ministre de la Culture, que j’ai le plaisir d’être parmi vous aujourd’hui pour visiter une exposition, qui plus est une exposition sur le patrimoine. Et il s’agit d’ailleurs du « patrimoine de l’humanité », c’est-à-dire du patrimoine de chacun, sans aucune exclusive, quelles que soient sa foi, son origine, sa philosophie. Car la Bible, dans sa diversité – Ancien et Nouveau Testaments, Torah et Évangile – à côté du Coran et de tous autres textes sources des spiritualités de notre humanité, est ici envisagée comme un livre ouvert sur le monde et capable de nourrir toutes les cultures humaines. Toutes les cultures doivent apprendre à se connaître pour mieux s’apprécier et ne pas rester dans la nuit de l’ignorance et du préjugé. C’est la raison pour laquelle c’est à l’UNESCO – ce haut lieu de l’éducation internationale et du dialogue des cultures – que cette exposition a tout naturellement trouvé sa place. Ou plus précisément son point de départ, son « alpha », si je puis dire, car il s’agit d’une exposition itinérante, nomade en quelque sorte, et qui est bien faite pour diffuser des connaissances élémentaires sur ce fondement culturel. C’est à ce titre que le texte biblique est entré récemment à l’École, en France, en classe de français et d’histoire, aux côtés d’autres textes fondamentaux – qu’il s’agisse de textes religieux, de grandes épopées, de grands mythes. Nous savons bien que la laïcité, valeur fondatrice de notre République, n’interdit pas, bien au contraire, de donner à nos concitoyens les instruments leur permettant de comprendre les sujets de la peinture ancienne, de la poésie, du théâtre, etc., ainsi que les clefs d’accès et de compréhension à une partie importante du patrimoine de l’humanité. La Bible constitue à la fois un patrimoine et une source vive d’inspiration pour la création contemporaine. Elle continue de susciter des recherches en matière notamment de traduction, une activité dont elle est l’un des grands textes fondateurs en France et en Europe, depuis la Bible grecque des Septante, la Vulgate de Jérôme, les traductions de Lemaistre de Sacy, de Louis Segond, d’André Chouraqui, entre autres. Dans sa lettre et surtout, comme il se doit, dans son esprit, cette exposition reflète cette conception ouverte du rôle de la Bible dans la société d’aujourd’hui, à la fois informée des recherches scientifiques les plus fiables, tolérante et exempte de tout dogmatisme, respectueuse des opinions et des croyances de chacun – quelle que soit sa religion, ou son absence de religion. Exemplaire, en somme, de la place de la culture biblique dans l’espace public du XXIe siècle. C’est pour saluer cet esprit d’ouverture et de dialogue interculturel et remercier l’association de l’Alliance biblique française (« reconnue d’intérêt général à caractère éducatif »), que le ministre de la République française que je suis est ici aujourd’hui.
Je vous remercie.
Extraits du discours de Claude Baty, président la Fédération protestante de France
[…] Pour que vous compreniez le propos que je vais tenir, il n’est pas inutile que vous sachiez que le petit protestant que j’ai été a sucé le message biblique en même temps que le lait maternel, ce qui a beaucoup d’avantages, mais aussi quelques inconvénients. Le principal de ces inconvénients étant, me semble-t-il, qu’on finit par croire que sa famille est strictement celle de Dieu et la Bible sa propriété. La Bible est généralement qualifiée par les chrétiens de Parole de Dieu. On aurait pu s’attendre donc à ce que, après la révélation de cette parole, dite d’en haut, il y ait un conseil unanime. Hélas, étudier, interpréter, dépecer parfois, fait naître une montagne de commentaires, de débats, et même de combats. Je ne dis pas cela pour vous dissuader de lire la Bible, ce qui serait un comble, mais bien au contraire, et c’est peut-être ce que je voudrais vous laisser comme message. Il faut lire la Bible soi-même et ne pas se contenter d’écouter des commentateurs, fussent-ils pasteurs. Ce qui a parfois manqué, je le crois, à ces commentateurs, et par conséquent à leurs auditeurs ou lecteurs, c’est certainement l’humilité. L’exposition qui nous est présentée nous oblige, me semble-t-il, à l’humilité. En présentant la Bible comme patrimoine de l’humanité, on enlève la propriété aux communautés, peuples, églises, pour l’offrir à chaque être humain comme une sorte de cadeau. En mettant la main sur la Bible, ce qu’on fait assez spontanément quand on est croyant, inconsciemment on cherche à mettre la main sur Dieu. Or Dieu est comme le magnifique bienaimé du Cantique des cantiques, débordant d’amour et insaisissable. Alors puisse l’humanité, comme la Sulamite bien-aimée, être finalement pacifiée. Les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour et des fleuves ne sauraient l’emporter, dit le Cantique des cantiques, et je suis persuadé qu’il a fallu beaucoup d’amour à ceux qui ont imaginé cette exposition, beaucoup d’amour et de persévérance pour la réaliser, pour trouver tous les moyens pour arriver au bout de l’aventure. C’est pourquoi je remercie l’Alliance biblique de s’être lancée dans ce programme et d’être allée jusqu’au bout. Mon voeu est que maintenant l’exposition éveille la curiosité et l’intérêt d’un grand nombre de personnes qui pourront désormais se mettre eux-mêmes à lire la Bible. […]
NOTE