L’imposition des mains dans le Nouveau Testament
Par Allan KITT
Nous proposons de passer en revue quelques textes du Nouveau Testament avant de nous pencher sur l’actualité et la pratique de ce geste dans l’Eglise de nos jours.
L’imposition des mains est un geste qui est mentionnéI depuis les textes les plus anciens de la Bible : Jacob a posé les mains sur la tête des deux enfants de Joseph pour les bénir (Gn 48.14), jusqu’à 2 Timothée, la dernière lettre écrite par l’apôtre Paul.
Le système de sacrifices sous l’ancienne alliance prévoyait une place importante à l’imposition des mains, par laquelle celui qui apportait le sacrifice s’identifiait avec l’animal immolé et transférait symboliquement sur celui-ci ses propres péchés (Lv 1.4 ; 3.2).
Le souverain sacrificateur posait également ses mains sur la tête du bouc envoyé dans le désert lors du jour annuel des expiations (Lv 16.21-22). La place manque ici pour approfondir le sens de ce geste qui préfigurait le transfert de nos péchés sur Jésus-Christ.
Le Seigneur Jésus et ses apôtres ont posé les mains sur beaucoup de personnes, et c’est toujours en signe de bénédiction. Au cours de son ministère de guérison des malades, Jésus leur imposait souvent les mains (Mc 6.5 ; 8.23 ; Lc 4.40, p.ex.). Il ne le faisait pas systématiquement, de sorte qu’il est clair qu’il n’y a aucun pouvoir dans le geste lui-même : Jésus pouvait aussi guérir par une simple parole (Lc 7.7).
Mais le toucher est important : combien le lépreux de Marc 1.41 a dû être reconnaissant de ce que le Seigneur l’a physiquement touché, lui que tout le monde fuyait à cause de sa maladie ! Quand les disciples ont fait des reproches aux gens qui amenaient des petits enfants au Seigneur pour qu’il les touche, Jésus a donné à ses disciples (et à nous !) une belle leçon de sympathie et de proximité humaines en embrassant les enfants et en leur imposant les mains pour les bénir (Marc 10.16).
Par la suite, les apôtres ont continué à faire ce geste, parfois en guérissant des malades (Ac 28.8, p.ex.). Comme dans le ministère de Jésus, le geste n’était pas systématique, et bien des gens ont été guéris sans imposition des mains (Ac 5.15-16 ; 9.34 ; 19.11-12). Le toucher garde quand même son importance pour affirmer la sympathie et la solidarité, comme dans le cas de l’homme boiteux en Actes 3.7 et de Corneille en Actes 10.26.
Deux fois l’imposition des mains des apôtres est liée à la réception du Saint-Esprit (Ac 8.17 ; 19.6). Mais il s’agit vraisemblablement de deux situations exceptionnelles. Les deux textes en question sont descriptifs, pas normatifs, et nous ne pouvons pas nous en prévaloir pour prétendre que des hommes auraient l’autorité de transmettre le Saint-Esprit !
L’imposition des mains qui concerne le plus l’Eglise est celle liée à la reconnaissance de ministères. En cela elle rappelle l’imposition des mains décrite en Nb 27.22-23 lorsque Moïse a publiquement reconnu Josué comme son successeur désigné par le Seigneur. Nous pouvons penser aussi à l’onction d’huile de rois et de prêtres (Lv 8.12 ; 1 S 10.1 ; 16.13). L’onction d’huile dans ce but n’existe pas dans le Nouveau Testament. L’imposition des mains, par contre, est maintenue.
Actes 6.1-7
La multitude des disciples à Jérusalem est appelée à choisir sept hommes qui s’occuperont du service aux tables, afin de permettre aux apôtres de se consacrer à la prière et au service de la parole. Sept sont choisis pour leurs qualités spirituelles et la crédibilité de leur témoignage, et les apôtres leur imposent les mains après avoir prié. Cette imposition des mains a marqué la confiance des apôtres et de l’ensemble des croyants en ces hommes qui étaient déjà remplis de l’Esprit et de sagesse. Ils ont ainsi été reconnus publiquement comme ayant autorité pour la tâche qui leur était confiée.
Actes 13.1-4
Suite à une révélation du Saint-Esprit, les prophètes et docteurs de l’église d’Antioche ont mis à part Barnabas et Saul, qui faisaient partie de leur nombre, pour l’œuvre à laquelle l’Esprit les avait appelés. Nous ne savons pas si cette révélation a été donnée par un message prophétique, ou ressentie comme une conviction commune. Le texte ne dit pas non plus si Barnabas et Saul avaient déjà une conviction personnelle de leur mission.
Ce qu’il est important de retenir, c’est que l’ensemble de l’équipe a obéi à cette révélation. Après avoir prié et jeûné, les responsables ont imposé les mains aux deux envoyés avant de les laisser partir. C’est un geste de solidarité, de communion et de responsabilité. En premier lieu, c’est le Saint-Esprit qui a envoyé les missionnaires, mais l’Eglise, par l’entremise de ses prophètes et docteurs, a reconnu l’appel adressé à Barnabas et Saul, et a exprimé sa solidarité avec eux : leur mission serait considérée comme une extension du témoignage de l’Eglise locale. C’est dans cette même Eglise qu’ils viendront rendre compte de tout ce que Dieu a fait avec eux au cours de leur mission (Ac 14.26-28).
1 Timothée 4.14 et 2 Timothée 1.6
Ces deux textes se réfèrent probablement à une seule et même occasion, où le collège des anciens et l’apôtre Paul se sont associés pour imposer les mains à Timothée. Aucune précision chronologique ne nous est donnée, mais cela pourrait bien se situer dans le contexte du 2ème voyage de Paul, qui a voulu emmener Timothée avec lui dans son œuvre missionnaire (Ac 16.1-3). Timothée recevait déjà un bon témoignage de la part des chrétiens de sa ville et de sa région – à croire donc qu’il mettait au service des autres les dons qu’il avait reçus.
Les textes de 1 et 2 Timothée viennent compléter ce récit, où il est surtout question de l’initiative personnelle de Paul, en démontrant que les anciens de l’Eglise de Timothée s’associent pleinement à son ministère. C’est peut-être à cette même occasion que des messages prophétiques ont été donnés à l’intention de Timothée. Un don de la grâce lui a aussi été accordé, sans que nous sachions exactement de quoi il s’agissait.
L’essentiel que nous devons retenir, c’est que l’appel adressé à Timothée, l’équipement divin pour son service, et la reconnaissance et confirmation collectives de cet appel de la part des anciens et de Paul sont tous étroitement liés. Et pour que personne ne croie qu’il y aurait un pouvoir intrinsèque dans le geste même d’imposer les mains, Paul rappelle dans les deux textes que c’est à Timothée qu’il appartient de ne pas négliger le don qui était en lui, mais au contraire de le ranimer.
En conclusion, il est à remarquer qu’aucun texte du Nouveau Testament ne nous commande de faire l’imposition des mains. En fait, le seul impératif que nous trouvons à ce sujet est négatif : N’impose les mains à personne avec précipitation, et ne te rends pas complice des péchés d’autrui (1 Tm 5.22). Par là l’apôtre veut souligner l’importance d’un temps de mise à l’épreuve avant de choisir des responsables (voir 1 Tm 3.10). Sinon on court le risque de voir l’Eglise et son témoignage discrédités par le mauvais comportement ou le manque d’expérience d’une personne à qui on aurait confié trop vite des responsabilités.
Mais cette absence d’impératif explicite ne doit pas nous faire oublier que l’imposition des mains faisait partie des pratiques des apôtres et de l’Eglise du 1er siècle. Fait en connaissance de cause et en étroite dépendance envers le Seigneur, ce geste est d’une grande valeur. Le disciple qui entame un nouveau service – départ en mission, diacre, ancien, responsable de l’enseignement des enfants… – se voit ainsi réconforté par l’assurance qu’il n’est pas tout seul, que l’Eglise où il va servir, ou qui l’envoie comme évangéliste dans le quartier ou comme missionnaire à l’étranger, s’identifie pleinement avec lui. Le geste physique exprime la communion entre les deux parties concernées, la solidarité et la responsabilité réciproques de l’Eglise et de son envoyé.
A.K.