La Cène, signe de la communion
par Marcel REUTENAUER
« La coupe de bénédiction que nous bénissons, n ‘est-elle pas la communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n ‘est-il pas la communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, nous qui sommes plusieurs, nous sommes un seul corps ; car nous participons tous à un même pain. » (1 Co 10.16-17)
La cène, instituée par le Seigneur dans le cadre du souper pascal qui a précédé son arrestation et sa crucifixion, est à la fois la communion des participants avec le Christ et les uns avec les autres.1
Communion avec le Seigneur
Dans l’AT, comme d’ailleurs dans les religions païennes, les repas sacrificiels symbolisent la relation du croyant avec la divinité. « Dans le sacrifice d’actions de grâces (Lv 7.11-21), la plus grande partie de la victime était mangée par ceux qui avaient offert l’animal à l’Éternel. Ce repas faisait participer tous les convives au bénéfice du sacrifice. Le Seigneur les invitait en quelque sorte à s’asseoir à sa table et à partager le repas avec lui. ».2
Participer à la cène nécessite d’être en accord avec ses symboles. Le pain représente le corps du Seigneur qui a donné sa vie, le vin de la coupe représente le sang de Christ, répandu pour le pardon des péchés. Si je mange « la chair » et bois « le sang »3 je signifie que je crois en Jésus-Christ, fils de Dieu, à l’oeuvre de rédemption accomplie à la croix, que je suis enfant de Dieu et que j’ai la vie éternelle.
D’une manière générale, la communion avec le Seigneur exige l’acceptation de l’ensemble de l’enseignement des apôtres, le désir profond de vivre selon ses préceptes et de ne pas pratiquer le péché. Il y a également totale incompatibilité avec toute pratique idolâtre.4
Communion entre les croyants
Le pain rompu et distribué, la coupe à laquelle chacun boit sont une symbolique très forte de l’unité profonde qui unit tous ceux qui participent à la cène.
« Des différentes dimensions de la cène, c’est la dimension communautaire5, la ‘communion fraternelle’ qui, dans les Écritures, a droit aux mentions les plus abondantes. En instituant la cène, Jésus s’adresse aux disciples en tant que groupe : tous les verbes à l’impératif qu’il utilise sont à la deuxième personne du pluriel : prenez, mangez, buvez, faites… Jésus affirme que son sang est répandu pour beaucoup, une multitude ; la coupe de vin que nous buvons atteste cela et n’est pas à boire de façon individuelle ou égoïste… Boire à la coupe exprimait un geste communautaire symbolisant les bonnes relations. »6
Mais ces gestes ne doivent pas être réduits à un simple « compagnonnage » ; ce n’est pas simplement une expérience conviviale, mais l’expression de l’unité spirituelle dont Christ est la source. « La communion indique qu’entre les hommes qui y participent, existe un autre lien -combien plus fort ! – que celui de leur naissance, de leurs amitiés humaines, de leur race, de leur nation, ou même de leur pensée : le lien de l’amour que Jésus-Christ mort pour tous a noué, noue et nouera lui-même entre tous. »7
« Comment cette unité se réalisera-t-elle ? Par l’habitation du Christ en chacun des membres du corps : ‘Moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaitement un’8. Or, cette habitation du Christ dans le croyant est précisément l’une des vérités que la cène symbolise : comme le pain pénètre en nous et devient os de mes os, chair de ma chair, ainsi la vie du Christ veut pénétrer mon être intérieur et le reconstituer pour qu’il soit de plus en plus conforme à celui de mon Seigneur. Donc mes relations avec mes semblables seront transformées. Si je les aborde avec ‘les sentiments qui étaient en Jésus-Christ’9, plus de dissensions entre nous, plus de jalousie ni d’incompatibilité. »10
Avertissements et obstacles à éviter
L’apôtre Paul avertit contre le fait de prendre la cène indignement et invite chacun des participants à s’examiner soi-même. L’enjeu central est l’unité entre ceux qui mangent du même pain.
Ainsi, l’existence d’inimitiés ou de dissensions est qualifiée de « sacrilège » par Calvin.11 Il serait grave, écrit Alfred Kuen, de participer à la table du Seigneur avec quelqu’un que nous n’inviterions pas à notre table ou dont nous n’accepterions pas une invitation à dîner. Car la cène est un repas en commun, et, puisque c’est un repas symbolique, c’est d’autant plus important, car tout ce que le repas signifie y est impliqué.12 L’esprit de parti13, les procès des uns contre les autres14, l’égoïsme, le fait de ne pas s’attendre les uns les autres et de ne pas partager15, tels sont les reproches que l’apôtre Paul adresse aux Corinthiens.
Sur un autre plan, il y a lieu de veiller à l’unité en ne s’excommuniant pas mutuellement sur la base de divergences d’opinions mineures. L’accès à la table du Seigneur est pour quiconque reconnaît que « Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures ; il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures. »16 Le conseil de l’apôtre Paul aux Philippiens reste valable pour tous les temps : « Si vous avez sur quelque point une pensée différente, Dieu vous révélera aussi ce qui en est. Seulement, au point où nous sommes parvenus, avançons ensemble » (3.15-16)
« Chercher l’identité de vues sur tous les points est un piège qui mène facilement à une sorte de dictature « spirituelle » et intellectuelle et à la division. Au cours des siècles, d’innombrables doctrines sont devenues tour à tour des pommes de discorde. Placée sur le chandelier, une question sur laquelle on aurait bien pu conserver des interprétations différentes devenait […] la pierre de touche de la fidélité à la volonté de Dieu – et l’on excluait de la cène tous ceux qui n’adoptaient pas le point de vue du parti régnant. »17
Implications à redécouvrir
La communion manifestée par la célébration de la cène ne doit pas se limiter à l’instant vécu dans le cadre du culte.
L’amour du Christ et l’amour mutuel nous appellent à concrétiser notre lien fraternel, à partager les joies et souffrances des frères et sœurs en la foi. L’intercession comme le secours matériel envers celui qui est dans le besoin doivent découler normalement de l’unité spirituelle. « En Ac 2.42, ‘communion‘ peut désigner un don concret, le partage des biens, ou ce lien spirituel qui soudait les frères de Jérusalem et s’exprimait extérieurement par la mise en commun des ressources matérielles. »18
Que le Seigneur nous accorde, chaque fois que nous célébrons la cène dans nos cultes, de ne pas nous limiter à un acte superficiel de routine, mais que nous en comprenions de mieux en mieux le(s) sens profond(s) et qu’ainsi, nos rencontres soient l’occasion de devenir « meilleurs ».19
M.R.
NOTES
1. Mt 26.26-29 ; Mc 14.22-25 ; Lc 22.14-20. Le repas du Seigneur n’est constitué que par une partie du repas pascal. A l’origine, les premiers croyants célébraient également la cène au début des repas fraternels qui les réunissaient (1 Co 11.17-34).
2. Kuen A. « Le repas du Seigneur », Emmaüs, 1999, p. 141.
3. Jn 6.47-58
4. 1 Co 10.21
5. Ac 2.46-47
6. Zimmerlin E., « Alliances et cène » (tome 2), Editions Mennonites, 1992, p. 50-51
7. Kuen A. ibid, p. 143, citant P Maury, « La sainte-cène » in Les sacrements, Editions Je sers, 1942
8. Jn 17.20-23
9. Ph 2.5
10. Kuen A. ibid, p. 144
11. Calvin, « Petit traité de la Sainte Cène » dans Trois traités, Labor et Fides, 1934, p. 117
12. Kuen A. ibid. p. 146
13. 1 Co 11.18 (cp 1 Co 1.12-13)
14. 1 Co 6.1-5
15. 1 Co 11.20-22
16. 1 Co 15.1-4
17. Kuen A. ibid. p. 149
18. Dictionnaire Biblique pour Tous, Article « Communion », Editions 1 1 R,1995
19. Cp 1 Co 11.17