Au quotidien des relations…
par Marie-Christine FAVE
Qui dit « les uns les autres » dit « relations ». Et les relations humaines, ce n’est pas toujours simple, c’est même parfois « tendu ».
Les épîtres aux Ephésiens et aux Colossiens nous laissent me double exhortation : « Supportez-vous les uns les autres avec amour… » et « faites-vous grâce réciproquement … » (voir Ep 4.2 et 32; Col 3.13).
Se supporter…
La Bible ne nous berce pas d’illusions : la relation avec le prochain dans l’assemblée ne plafonnera pas toujours au top niveau. Il faudra parfois se supporter : façon de voir et de raisonner différentes avec ses conséquences dans les prises de décision, cultures, arrière-plans et tempéraments différents, sans oublier la nature pécheresse qui va ressortir aussi dans nos comportements.
Ep 4.2 et Col 3.12 nous encouragent à l’humilité, la douceur, la patience… clés d’une relation durable. Patience pour supporter les défauts de l’autre (ou ce qui nous apparaît comme tel) sans l’enfermer dans un schéma où nous ne le voyons plus évoluer ; humilité pour reconnaître que nous ne sommes pas meilleurs que le prochain et pour nous disposer à recevoir et apprendre de lui ; douceur et bonté dont nous avons tant besoin…
« Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, faites-vous grâce réciproquement, comme Dieu vous a fait grâce en Christ. » (Ep 4.32) Ce « comme » qui se trouve aussi dans Col 3.13 me rappelle la parabole des deux débiteurs (Mt 18.21 à 35).
Les 100 deniers…
C’est ce que doit le deuxième serviteur au premier. Un denier représente le salaire d’une journée de travail d’un ouvrier. Cent deniers représentent alors l’équivalent d’environ 3 mois et demi de salaire d’un ouvrier. Ce n’est pas rien ! Et quand une personne nous fait mal, nous heurte dans notre sensibilité, nous ne pouvons pas simplement nier la douleur et prétendre : ce n’est rien ! Nous sommes d’ailleurs d’autant plus affectés que notre personne est mise en cause et que cela vient d’un proche. « Nous n’assistons jamais aux offenses qui nous sont faites comme de simples spectateurs » affirme Jacques Buchhold.
Comment réagissons-nous quand quelqu’un nous fait du tort ?
Un bouillonnement intérieur ? Les émotions sont présentes, un sentiment d’injustice… de la colère aussi ? On sait qu’on ne doit pas rendre le mal, mais ne le rendons-nous pas parfois de façon subtile… en critiquant l’autre par-derrière, en le culpabilisant… ? Toutefois, on ne guérit pas une blessure par une autre blessure ; et le temps n’effacera pas les choses tout seul. Est-ce que parfois on isole l’autre en dressant une barrière géographique ou psychologique ? Bonjour, bonsoir, mais la relation n’est plus comme « avant », la spontanéité a disparu, la confiance et l’intimité font partie du passé.
Une démarche de pardon et de réconciliation ? Souvent plus facile à dire qu’à faire. Et comme l’a souligné quelqu’un : « Chacun dit que le pardon est une idée merveilleuse jusqu’au moment où il faut pardonner à quelqu’un ». Cependant, l’enjeu est de taille : restaurer une relation. Celle-ci sera peut-être différente, peut-être semblable à celle vécue avant que le problème soit arrivé. Dialoguer au sujet de l’incident survenu (non pour se défouler ou accuser l’autre, mais pour essayer de se comprendre, exprimer ses difficultés) pourra favoriser la relation.
Pardonner, ce n’est pas forcément ne rien dire. Il faut parfois même du courage pour aller voir celui ou celle avec qui on a un différend. Quelqu’un a affirmé : « Avouer une blessure, c’est confesser une faiblesse ». Ce genre de discussions (au départ pas toujours agréables) peut néanmoins nous rapprocher les uns des autres et permettre de ne pas accumuler un passif avec notre entourage.
Les 10 000 talents…
Le premier serviteur devait 10 000 talents au roi. Si un talent équivaut à 6 000 jours de travail, soit environ 20 années, 10 000 talents nécessiteraient 200 000 années de travail ! Aucune comparaison possible entre les 100 deniers et les 10 000 talents ! Et c’est ce qui m’a souvent aidé à pardonner. Le Seigneur nous pardonne énormément plus que ce que nous pardonnons aux autres.
Nous avons besoin de changer de perspective : regarder l’immensité du pardon de Dieu pour nous au lieu de nous focaliser sur les 100 deniers que nous « doit » le prochain. Pour en revenir au premier serviteur, peut-être ne s’était-il pas vraiment rendu compte de l’impossibilité de payer sa dette puisqu’il déclare : « Seigneur, prends patience envers moi, et je te paierai tout » (v. 26) ? Prendre conscience de l’énormité de notre dette envers Dieu et donc de la grandeur de sa grâce envers nous demeure un élément clé qui rejaillit dans nos relations les uns avec les autres, notamment en nous amenant à nous faire grâce réciproquement.
Le pardon… une décision
Même si les luttes intérieures (notamment au niveau des pensées d’amertume qui peuvent revenir) sont présentes, même si un processus s’installe dans le temps (surtout pour des blessures profondes ou vécues comme telles), le pardon reste une décision qui est prise avec la grâce et l’aide de Dieu : celle de remettre la dette de l’autre et de ne pas l’enfermer dans un rôle de débiteur. La relation peut alors reprendre, elle ne s’arrête plus au problème vécu. Pour conclure, je citerai cette affirmation qu’une église évangélique avait adoptée : « Pardonner, c’est préparer l’avenir ! »
M-C.F