Quels droits pour les homosexuels ?
par Anne ENGEL1
L’homosexualité a été, selon les époques, ou très bien perçue, ou rejetée et condamnée. Dans la Grèce antique, l’amour, au sens noble du terme, était une affaire d’homme et s’épanouissait ainsi dans des relations homosexuelles. La répression est née véritablement avec le christianisme et s’est répandue dans de nombreux pays dont la France. Le mouvement s’est cependant lentement inversé depuis la Révolution française et le tabou qui entourait l’homosexualité a laissé place, ces dernières années, à des revendications de plus en plus fortes de droits, jusque-là réservés aux couples hétérosexuels. À tel point qu’aujourd’hui, c’est au niveau national mais aussi international que la situation juridique des homosexuels est discutée. La promotion des couples homosexuels en droit français, même si elle est jugée encore insatisfaisante par ces derniers, est incontestable. Mais c’est aujourd’hui bien plus leur reconnaissance en tant que parents qui fait débat.
La promotion du couple homosexuel
La société a évolué et avec elle la notion de couple, ce qui a conduit à une évolution du droit, droit pénal, mais également et plus récemment, droit civil.
La reconnaissance des couples homosexuels par le droit pénal s’est traduite par une politique de dépénalisation de l’homosexualité. Dans deux arrêts, Dudgeon cl RU du 22 octobre 1981 et Norris cl Irlande du 26 octobre 1988, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a affirmé très clairement que les poursuites pénales pour homosexualité étaient disproportionnées par rapport au besoin de l’État de protéger sa morale.
En France, depuis 1791 (Révolution Française), l’homosexualité n’est plus réprimée en tant que telle, ni même ne fait l’objet d’une discrimination quant au quantum des peines, depuis 1982. Le mouvement se poursuit aujourd’hui par la protection de ce couple, avec notamment la loi du 4 avril 2006, renforçant la prévention et la répression des violences au sein d’un couple ou commises contre les mineurs, qui étend la protection du conjoint ou concubin au partenaire d’un pacte civil de solidarité (PACS) même homosexuel.
La loi du 15 novembre 1999 a consacré expressément l’existence des couples homosexuels, en inscrivant dans le code civil le concubinage (art 515-8s Ccivil) et le PACS (art 515-1s Ccivil}, deux formes d’union pouvant être hétérosexuelles comme homosexuelles. La loi du 23 juin 2006 a poursuivi l’avancée en rapprochant le PACS du mariage. De même que les époux, les partenaires voient désormais la conclusion du PACS et l’identité de chaque partenaire mentionnées en marge de leurs actes de naissance; ils sont tenus, de façon similaire, à des obligations personnelles d’assistance réciproque et de vie commune.
Cette évolution n’a cependant pas empêché les revendications d’un droit au mariage. Jusqu’à aujourd’hui, il n’a pas été reconnu. Le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Bordeaux, le 27 juillet 2004, a marqué nettement son opposition en annulant le mariage célébré à Bègles, confirmé en cela par la Cour d’Appel, le 19 avril 2005, et la Cour de Cassation, le 13 mars 2007 : le principe est clairement affirmé : « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ». La position française est compatible avec celle de la CEDH, pour qui le mariage protégé par l’article 12 de la convention est celui célébré entre un homme et une femme.
Les réticences à la consécration de l’« homoparentalité »
Être parent pour des homosexuels passe par le recours à la médecine ou au droit. Dans l’un et l’autre cas, les possibilités sont extrêmement réduites.
Un couple homosexuel ne peut bénéficier d’une aide à la procréation. Les lois bioéthiques de 1994 prévoient que l’assistance médicale à la procréation en France ne concerne que les couples hétérosexuels, mariés ou vivant ensemble depuis au moins deux ans (art L 2141-2 CSP). Par ailleurs, elles interdisent la gestation pour autrui, qui peut présenter un intérêt pour les couples masculins. Dès lors, l’enfant élevé par le couple, né d’une relation antérieure ou d’une AMP réalisée à l’étranger, n’est pas rattaché au couple, mais à son parent biologique uniquement, la compagne ou le compagnon n’ayant aucun droit sur lui. Il existe réellement aujourd’hui un écart entre la réalité, qu’est l’existence de « familles homosexuelles », et le droit, qui rejette cette situation.
C’est pour remédier à cette situation et simplifier la gestion du quotidien, que le 24 février 2006, la cour de cassation a autorisé la délégation partielle de l’autorité parentale de la mère de l’enfant à la femme avec laquelle elle vit en union stable et continue, jugeant que cette mesure était conforme à l’intérêt de l’enfant. En décembre 2007, un juge du TGI Lille est allé plus loin, en accordant à deux homosexuelles, après rupture de leur PACS, le partage de l’autorité parentale de la petite fille élevée ensemble.
L’adoption, en l’état de notre législation, est également réservée aux seuls couples mariés. Mais, s’alignant sur la possibilité offerte à une personne d’adopter l’enfant de son conjoint, des personnes ont revendiqué la possibilité d’adopter l’enfant de leur compagnon ou compagne partageant leur vie. En pratique, le requérant se heurte à un refus de l’administration ou du juge en raison de son homosexualité. Et la Cour de Cassation, dans deux arrêts du 20 février 2007, a refusé l’adoption de l’enfant par la compagne homosexuelle.
Cette position pourrait évoluer suite à l’arrêt de la CEDH du 22 janvier 2008, qui a condamné le refus d’agrément motivé par la seule homosexualité. Reste que l’effectivité de la reconnaissance en tant que parents des homosexuels dépend également de son acceptation par les femmes qui confient leur enfant pour qu’il soit adopté et qui peuvent s’opposer à l’adoption par un couple homosexuel.
Le contexte européen laisse présager une évolution du droit français à plus ou moins long terme. La reconnaissance par certains pays, comme la Belgique et les Pays-Bas, du mariage homosexuel et de l’adoption par des couples homosexuels, ainsi que l’attitude de la CEDH, indiquent fortement la tendance : la reconnaissance de plus de droits pour les homosexuels avec pour objectif, l’alignement sur ceux des hétérosexuels.
A.E.
NOTES
1. Titulaire d’un Master 2 de droit privé général. Membre de CEP Saint-Maur